Bergson: De l'incapacité du langage à traduire la pensée et la réalité
Extrait du document
«
Le langage sert à chaque individu pour trouver son rôle et sa place dans la société.
Les signes du langage sont à la fois généraux et mobiles.
Ils permettent aux objets
de passer de l'ombre à la lumière, ils les font devenir choses.
Mais pratiquant le
langage, l'intelligence applique des formes qui sont celles-mêmes de la matière
inorganisée.
Le langage pétrifie le monde, le durcit en le découpant en fonction de
nos besoins et de nos habitudes.
De par sa généralité, il use des mêmes vocables,
pour ce qui, chez chacun, est pourtant un état psychologique ou un sentiment
unique.
Chacun de nous a sa manière propre d'aimer et de haïr, et pourtant, nous
sommes obligés de parler tous le même langage.
Il ne peut donc que fixer l'aspect
objectif et impersonnel de l'amour, ou de tout sentiment qui nous traverse.
La
pensée authentique demeure donc incommensurable au langage, dans lequel nous
associons nos idées en les juxtaposant les unes aux autres, sans pouvoir exprimer
leur compénétration ni leur lien intime.
Alors que les idées s'engendrent les unes
des autres de manière vivante, le langage ne peut
faire autrement que les accoler les unes derrière les autres.
A l'égard du monde, les
mots sont comme des étiquettes que l'on collerait sur les objets, et qui tout en les
nommant, les dissimulent.
Tous les mots, à l'exception des noms propres désignent
des genres, soit des généralités..
»
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