Bergson
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«
PRESENTATION DE "ESSAI SUR LES DONNEES IMMEDIATES DE LA CONSCIENCE" DE BERGSON
Cet essai est la thèse de doctorat de Bergson (1859-1941), élève de l'École normale supérieure puis professeur de
philosophie.
Il y défend, contre le scientisme et le positivisme, courants de pensée dominants au XIXe siècle, la
possibilité et la prééminence d'une intuition métaphysique de la durée et de la liberté.
Il y montre que la science
expérimentale confond la durée, qui est la dimension propre de la conscience, avec l'espace, qui est la dimension dans
laquelle se déroulent les phénomènes physiques.
Le besoin de séparer et de distinguer les phénomènes les uns des
autres pour la commodité de la vie sociale conduit les hommes à ignorer leur vie psychique profonde et personnelle au
profit d'une représentation simplifiée et impersonnelle de leur expérience, transmise par le langage et la société.
« Mais la vérité est qu'il s'agit, en philosophie et même ailleurs, de trouver
le problème et par conséquent de le poser, plus encore que de le résoudre.
Car un problème spéculatif est résolu dès qu'il est bien posé.
J'entends par
là que la solution en existe alors aussitôt, bien qu'elle puisse rester cachée
et, pour ainsi dire, couverte : il ne reste plus qu'à la découvrir.
Mais poser le
problème ce n'est pas seulement découvrir, c'est inventer.
La découverte
porte sur ce qui existe déjà, actuellement ou virtuellement ; elle était donc
sûre de venir tôt ou tard.
L'invention donne l'être à ce qui n'était pas, elle
aurait pu ne venir jamais.
Déjà en mathématiques, à plus forte raison en
métaphysique, l'effort d'invention consiste le plus souvent à susciter le
problème, à créer les termes en lesquels il se posera.
Position et solution du
problème sont bien près ici de s'équivaloir : les vrais grands problèmes ne
sont posés que lorsqu'ils sont résolus.» BERGSON.
Lorsque Bergson fit paraître en 1934 divers essais et conférences rassemblés sous
le titre : La Pensée et le Mouvant, il écrivit comme introduction à ce recueil deux
brefs essais dont l'un est intitulé : «De la position des problèmes ».
C'est
précisément à ce dernier essai qu'appartient le passage à commenter.
Dans ce
passage, une expression retient tout d'abord notre attention, l'expression «
problême spéculatif n.
Il peut sembler en effet étrange que Bergson puisse ainsi
traiter des problèmes spéculatifs dès lors que l'on sait combien sa pensée, depuis les Données immédiates de la
Conscience jusqu'aux Deux Sources de la Morale et de la Religion, s'est attachée à découvrir un ordre du réel situé audelà de l'écran que constituent à ses yeux les concepts « inclus dans les mots ».
Nous tâcherons donc en un premier
temps d'éclaircir ce point.
Ensuite, toujours face à ce texte, nous nous demanderons ce que signifie poser un problème
et nous verrons alors qu'il y a peut-être lieu de distinguer le problème philosophique d'autres types de problèmes.
Mais
après avoir étudié ce texte en lui-même, nous essaierons de voir ce qu'il faut penser de l'affirmation de Bergson selon
laquelle « les vrais grands problèmes ne sont posés que lorsqu'ils sont résolus ».
Cette affirmation tient-elle en effet
bien compte du caractère propre de la réflexion philosophique ?
Habituellement lorsque quelqu'un parle d'un problème spéculatif, il entend par là un problème abstrait.
C'est ainsi, par
exemple, que Victor Hugo songeant aux « profondeurs inouïes de l'abstraction et de la spéculation pure n rapproche
tout naturellement les deux termes.
Ce rapprochement des deux mots «spéculatif» et «abstrait» s'accompagne
d'ailleurs souvent d'une nuance péjorative.
Mais l'adjectif spéculatif a aussi un emploi spécifiquement philosophique et
Knut dans la Critique de la Raison pure distingue un intérêt pratique de la raison par opposition à un intérêt spéculatif.
Il définit même ce qu'est une connaissance spéculative : « une connaissance théorétique est spéculative quand elle
porte sur un objet ou sur des concepts d'un objet qu'on ne peut atteindre dans aucune expérience n (Critique de la
Raison pure, Critique de toute théologie fondée sur des principes spéculatifs de la raison).
Or il semble que dans ce
passage Bergson donne au mot spéculatif un sens bien particulier.
Ce mot ne renverrait plus tant à l'abstraction qu'il
ne s'opposerait à la connaissance scientifique de la matière.
Les problèmes spéculatifs, «les vrais grands problèmes »,
sont bel et bien pour Bergson les problèmes de la philosophie, c'est-à-dire de la métaphysique (notons que ce mot est
employé dans ce texte).
Or, et c'est de là que vient l'emploi particulier de l'adjectif « spéculatif », la métaphysique
dans la perspective bergsonienne n'est nullement abstraite.
Elle est même au contraire « expérience n.
Bergson dit
ainsi que la métaphysique «pourrait se définir n comme « l'expérience intégrale ».
Cette expérience intégrale, c'est-àdire non seulement totale mais aussi pure, sans mélange, c'est celle de l'intuition.
Mais qu'est-ce que l'intuition ? «
C'est la vision directe de l'esprit par l'esprit.
Plus rien d'interposé ; point de réfraction à travers le prisme dont une face
est espace et dont l'autre est langage...
Intuition signifie donc...
vision qui se distingue à peine de l'objet vu,
connaissance qui est contact et même coïncidence.
» (La Pensée et le Mouvant, p.
27.) Et, en effet, la connaissance
par l'expérience qu'est l'intuition implique bien ce contact de la vie cher à Bergson.
Il nous faudra revenir, dans la
discussion, sur la portée philosophique de cette intuition qui n'est pas éloignée sans doute de l'expérience mystique.
Ainsi le problème spéculatif ne désigne pas dans ce texte un problème abstrait, mais un problème philosophique.
Le
domaine propre de la philosophie, c'est l'esprit, celui de la science étant plutôt la matière.
Or, la philosophie (la
métaphysique) n'est pas abstraite, répétons-le, puisqu'elle est le lieu privilégié de cette expérience particulière qu'est
l'intuition (1).
Pourtant, dans l'usage si singulier qu'il fait du terme spéculatif, — usage qui lui est en quelque sorte
dicté par sa propre conception de la philosophie — Bergson retrouve quelque chose du sens traditionnel.
En effet, si le.
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