Bergson
Extrait du document
«
L'homme est organisé pour la cité comme la fourmi pour la fourmilière, avec cette différence pourtant que la fourmi
possède des moyens tout faits d'atteindre le but, tandis que nous apportons ce qu'il faut pour les réinventer et par
conséquent pour en varier la forme.
C haque mot de notre langue a donc beau être conventionnel, le langage n'est pas une convention, et il est aussi
naturel à l'homme de parler que de marcher.
Or, quelle est la fonction primitive du langage ?
C 'est d'établir une communication en vue d'une coopération.
Le langage transmet des ordres ou des avertissements.
Il prescrit ou il décrit.
Dans le premier cas, c'est l'appel à l'action immédiate, dans le second, c'est le signalement de la chose ou de
quelqu'une de ses propriétés, en vue de l'action future.
Mais, dans un cas comme dans l'autre, la fonction est industrielle, commerciale, militaire, toujours sociale.
Les choses que le langage décrit ont été découpées dans le réel par la perception humaine en vue du travail humain.
Les propriétés qu'il signale sont les appels de la chose à une activité humaine.
I - QUELLE ANALYSE POUR LE SUJET ?
C e texte de Bergson traite essentiellement du langage.
Bergson s'attache à décrire en quoi réside selon lui ce qu'il appelle la fonction primitive du langage.
C elle-ci réside en
l'occurrence dans une fonction sociale.
Le langage existe afin de permettre aux hommes d'agir et de vivre en société.
Par là même, toute la problématique de ce texte va tourner autour du fait de savoir si le langage a bien pour sens d'avoir une telle fonction.
Tous les philosophes n'ont pas été d'accord avec ce point de vue.
C ertains penseurs comme Martin Heidegger ont soutenu que l'essence du langage était poétique et non technique ou sociale.
II - UNE DEMARCHE POSSIBLE.
C e texte se compose de trois parties :
A - UN ANIMAL INVENTIF
Dans la première partie qui va de "l'homme" à "marcher", Bergson montre que l'homme n'est pas un animal comme un autre.
A lors que la fourmi possède des moyens tous faits, l'homme apporte les siens.
L'homme en ce sens est un animal inventif.
Il réinvente en permanence
ce qui fait sa vie.
Le langage est l'illustration de cette propriété spécifiquement humaine.
C elui-ci, écrit Bergson, n'est pas conventionnel mais naturel.
Il est vivant car,
sans cesse, l'homme l'enrichit et le renouvelle.
B - L'ORIGINE DU LANGA GE
C eci précisé, Bergson aborde une deuxième partie où il expose ce qu'est, selon lui, l'origine du langage.
C elui-ci a été créé afin de permettre aux hommes d'agir ensemble, de coopérer.
A cet égard, il permet d'agir soit dans le présent immédiat, soit dans le futur.
Il est fait afin de commander ou de prévoir.
C - LA FONCTION SOC I A LE DU LA N G A G E
C ette deuxième mise au point effectuée, Bergson dans une troisième partie débutant à "mais" précise que le langage est toujours humain et social.
Il n'est jamais abstrait des activités humaines.
D - C RITIQUE DES THESES BERGSONIENNES
Toute cette analyse de Bergson est originale et il importait de le montrer.
C e trait singulier provient de ce que, dans ce passage, il s'efforce de lever l'énigme reposant sur l'origine du langage.
Langage, action, technique et société sont liés.
Bergson, par ces analyses, est bien "le fils de son temps".
Informé des travaux des sociologues, des linguistes, des anthropologues et des
ethnologues, il intègre ces derniers à sa réflexion, en rompant avec les explications purement théologiques ou poétiques.
En ce sens, rappeler cette rupture de point de vue est éclairant et montre l'originalité philosophique de Bergson.
Toutefois, elle pose également des questions.
Peut-on comme il le fait, faire du langage un instrument purement technique et social ?
Rousseau, dans son Discours sur l'origine des langues a montré qu'il existait une origine émotionnelle et passionnelle du langage.
Les romantiques, après Rousseau, liant langage et sensibilité, ont montré la portée révélatrice du langage dans l'art et dans la poésie.
La psychanalyse, enfin, a fait apparaître le rôle curateur de la parole.
Toutes c e s analyses montrent que le langage n'a pas qu'un aspect technique et social.
Il a une portée individuelle, psychologique, voire
métaphysique, quand il se fait musique libérant la sensibilité humaine.
Bergson n'a pas retenu cet aspect du langage, car il en a opéré la critique.
Il n'a vu dans ce dernier qu'un instrument abstrait et réducteur.
On pouvait contester le point de vue de Bergson.
III - LES REFERENCES UTILES.
A l'appui du point de vue de Bergson, on trouve les lettres de Descartes, et plus près de nous les travaux des sociologues (tel A.
C omte) et des
linguistes (tel F.
de Saussure).
En critique, on peut penser à Rousseau, le Discours sur l'origine des Langues, et plus près de nous à Martin Heidegger, dans le texte, A cheminement
vers la parole.
IV - LES FAUSSES PISTES.
C e texte ne portait pas sur les fourmis et la vie animale.
Il ne portait pas non plus sur le fait de savoir si l'homme est un animal et encore moins sur le langage en général.
Il portait sur l'origine et la fonction du langage..
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