Aide en Philo

Bergson

Extrait du document

A quoi vise l'art, sinon à nous montrer, dans la nature et dans l'esprit, hors de nous et en nous, des choses qui ne frappaient pas explicitement nos sens et notre conscience ? Le poète et le romancier qui expriment un état d'âme ne le créent certes pas de toutes pièces ; ils ne seraient pas compris de nous si nous n'observions pas en nous, jusqu'à un certain point, ce qu'ils nous disent d'autrui. Au fur et à mesure qu'ils nous parlent, des nuances d'émotion et de pensée nous apparaissent qui pouvaient être représentées en nous depuis longtemps, mais qui demeuraient invisibles : telle, l'image photographique qui n'a pas encore été plongée dans le bain où elle se révélera. Le poète est ce révélateur. Mais nulle part la fonction de l'artiste ne se montre aussi clairement que dans celui des arts qui fait la plus large place à l'imitation, je veux dire la peinture. Les grands peintres sont des hommes auxquels remonte une certaine vision des choses qui est devenue ou qui deviendra la vision de tous les hommes. Un Corot, un Turner, pour ne citer que ceux-là, ont aperçu dans la nature bien des aspects que nous ne remarquions pas. Dira-t-on qu'ils n'ont pas vu, mais crée, qu'ils nous ont livré les produits de leur imagination, que nous adoptons leurs inventions parce qu'elles nous plaisent, et que nous nous amusons simplement à regarder la nature à travers l'image que les grands peintres nous en ont tracée ? C'est vrai dans une certaine mesure mais s'il en était uniquement ainsi, pourquoi dirions-nous de certaines oeuvres — celles des maîtres — qu'elles sont vraies ? Bergson

« A quoi vise l'art, sinon à nous montrer, dans la nature et dans l'esprit, hors de nous et en nous, des choses qui ne frappaient pas explicitement nos sens et notre conscience? Le poète et le romancier qui expriment un état d'âme ne le créent certes pas de toutes pièces; ils ne seraient pas compris de nous si nous n'observions pas en nous, jusqu'à un certain point, ce qu'ils nous disent d'autrui.

Au fur et à mesure qu'ils sous parlent, des nuances d'émotion et de pensée nous apparaissent qui pouvaient être représentées en nous depuis longtemps, mais qui demeuraient invisibles : telle, l'image photographique qui n'a pas encore été plongée dans le bain où elle se révélera.

Le poète est ce révélateur.

Mais nulle part la fonction de l'artiste ne se montre aussi clairement que dans celui des arts qui fait la plus large place à l'imitation, je veux dire la peinture.

Les grands peintres sont des hommes auxquels remonte une certaine vision des choses qui est devenue ou qui deviendra la vision de tous les hommes.

Un Corot, un Turner, pour ne citer que ceux-là, ont aperçu dans la nature bien des aspects que nous ne remarquions pas.

Dirat-on qu'ils n'ont pas vu, mais créé, qu'ils nous ont livré les produits de leur imagination, que nous adoptons leurs inventions parce qu'elles nous plaisent, et que nous nous amusons simplement à regarder la nature à travers l'image que les grands peintres nous en ont tracée? C'est vrai dans une certaine mesure; mais s'il en était uniquement ainsi, pourquoi dirionsnous de certaines oeuvres - celles des maîtres - qu'elles sont vraies? Bergson, dans ce texte, tente de nous faire réfléchir sur l'art.

Par la littérature, qui est un art au même titre que la musique ou la danse par exemple, Bergson s'interroge sur la fonction de l'art.

C'est pourquoi, en une première partie, nous tenterons de dégager les arguments de l'auteur en ce qui concerne le but de l'art. Bergson s'interroge aussi dans ce texte sur la vérité des oeuvres d'art.

Ce problème sera traité et argumenté dans une seconde et dernière partie. « A quoi vise l'art ? » Autrement dit, quel est le but de l'art, sa fonction véritable?, Ceci est un problème qui a longtemps été soulevé et auquel beaucoup ont tenté de répondre.

Bergson nous propose des réponses originales et neuves pour la plupart.

L'art doit, selon lui, nous « montrer dans la nature et dans l'esprit, hors de nous et en nous des choses qui ne frappaient pas explicitement notre conscience ».

Il semble donc, à première vue, que l'art ait une fonction d'éveil sur nous, fonction d'éveil de notre esprit.

Bergson est dans le vrai, lorsqu'il énonce cela : qu'est ce qui, mieux que la littérature, le cinéma ou encore le théâtre, peut éveiller notre conscience endormie, insensible à des sentiments et des pensées que nous croyions ne pas connaître? Prenons un exemple : Bergson parle beaucoup dans une première partie de la littérature, parce qu'elle est le reflet idéologique d'une époque.

Chaque siècle a ses auteurs, poètes ou écrivains, qui suivent une voie : celle de porte-parole des opprimés ou des victimes d'un régime totalitaire, ou encore des victimes de la guerre.

Ainsi, par exemple, Paul Éluard et Aragon, poètes surréalistes, parlèrent pour ceux à qui on avait ôté la liberté, à ceux qui étaient victimes des guerres.

Mais Éluard et Aragon sont tous deux des poètes du XXe siècle; pourquoi ne pas parler de Zola, cet écrivain du XIXe siècle, porte-parole de la classe ouvrière, des mineurs, etc..., défenseur public d'un homme que l'on avait injustement accusé de traîtrise, uniquement parce que cet homme, le militaire Dreyfus, était un juif? Parlerons-nous encore de Rousseau, écrivain du XVIIIe siècle, théoricien d'un Contrat social et dénonciateur d'une monarchie absolue et tyrannique dans son Discours sur l'inégalité? Parlerons-nous de tous ceux qui ont senti que leur talent pouvait servir à « éveiller la conscience » des hommes bien plus qu'à les distraire, à éveiller la conscience de ceux que les problèmes du monde ne bouleversent pas outre mesure avant que d'être couchés sur le papier? Bien sûr, cette fonction de l'art en tant que révélateur de ce qui est «en-dehors de nous », à savoir les problèmes de notre monde environnant, n'est certainement pas la seule comprise dans les propos de Bergson.

Car, en effet, l'auteur parle aussi de choses contenues « en nous » et qui « ne frappaient pas notre esprit ».

Ces choses, contenues en nous à l'état latent, sont toutes les émotions et les pensées que la littérature, et par-delà même : l'art « révèlent » en nous.

De même que les écrivains, par leurs oeuvres, reflètent l'idéologie d'une époque, ils peuvent aussi refléter tous les sentiments et émotions de cette même époque.

« Le poète et le romancier qui expriment un état d'âme ne le créent pas de toutes pièces », même si ce poète et ce romancier ont recours bien des fois à des moyens tels que la drogue ou autres pour découvrir sans cesse de nouvelles impressions et trouver tous les sentiments cachés de leur inconscient.

Ainsi Baudelaire et ses paradis artificiels! Ainsi Apollinaire qui, dans la lignée des poètes élégiaques, nous fait redécouvrir la peine d'amour et renouvelle ce sentiment de détresse de l'amant délaissé et malheureux, de celui qui aime et dont l'amour n'est pas partagé! Les Colchiques et Le Pont Mirabeau sont l'illustration même de cette peine d'amour qu'Apollinaire nous fait redécouvrir.

Lautréamont aussi, avec Maldoror, nous fait découvrir toute une gamme de sentiments de haine et de dégoût insoupçonnés.

Mais si ces sentiments, que différents auteurs de littérature expriment, nous paraissent nouveaux, il n'en est rien. Car ce sont des sentiments et des pensées que tout homme ressent un jour ou l'autre.

S'il n'en était pas ainsi, les écrivains et les poètes « ne seraient pas compris » et leur langage paraîtrait au public aussi hermétique que. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles