Bergson
Extrait du document
«
Qui ne voit que la cohésion sociale est due, en grande partie, à la
nécessité pour une société de se défendre contre d'autres, et que c'est
d'abord contre tous les autres hommes qu'on aime les hommes avec
lesquels on vit ? Tel est l'instinct primitif.
Il est encore là, heureusement
dissimulé sous les apports de la civilisation ; mais aujourd'hui encore nous
aimons naturellement et directement nos parents et nos concitoyens,
tandis que l'amour de l'humanité est indirect et acquis.
À ceux-là nous
allons tout droit, à celle-ci nous ne venons que par un détour ; car c'est
seulement à travers Dieu, en Dieu, que la religion convie l'homme à aimer le
genre humain ; comme aussi c'est seulement à travers la Raison, dans la
Raison par où nous communions tous, que les philosophes nous font
regarder l'humanité pour nous montrer l'éminente dignité de la personne
humaine, le droit de tous au respect.
Ni dans un cas ni dans l'autre nous
n'arrivons à l'humanité par étapes, en traversant la famille et la nation.
Il
faut que, d'un bond, nous nous soyons transportés plus loin qu'elle et que
nous l'ayons atteinte sans l'avoir prise pour fin, en la dépassant.
Qu'on
parle d'ailleurs le langage de la religion ou celui de la philosophie, qu'il
s'agisse d'amour ou de respect, c'est une autre morale, c'est un autre
genre d'obligation.
Rappel méthodologique.
L'étude ordonnée d'un texte a pour but d'en dégager un problème, qu'il s'agit de poser pour lui-même, et sur
lequel doit être effectué un effort de réflexion personnelle.
Bien comprendre le texte et sa portée, c'est
philosopher soi-même, puisque ce qui est en jeu c'est le problème du texte.
L'introduction visera à présenter le
thème du texte, voire, lorsque cela est possible en peu de mots, à en annoncer le problème.
Il s'agira, après
une lecture attentive et répétée du texte, d'identifier ce thème (ou ce problème), afin de pouvoir le « viser »
par une présentation simple, cherchant par exemple à en montrer l'actualité, ou à susciter l'intérêt pour la
réflexion qu'il propose.
Le texte de Bergson propose une interprétation très forte du sens de la religion et de la philosophie : accéder
au point de vue du genre humain, de l'humanité tout entière, par-delà les liens d'affection familiaux ou
nationaux.
On sera attentif à la façon dont cette quête de l'universel est articulée aux sentiments spontanés
de l'homme, et à la problématique du dépassement qui est proposée.
Introduction et problématique du texte.
Prendre conscience du caractère universel des problèmes de l'humanité ne va pas de soi.
L'homme n'est-il pas
spontanément prisonnier d'un lieu, d'un milieu, d'un mode de vie particulier ? Nous vivons à cet égard une
époque contradictoire : de plus en plus, les problèmes que l'on pourrait croire particuliers, et propres à un
groupe donné, semblent relever d'une « mondialisation », comme le montre l'imbrication des économies
nationales dans des échanges internationaux de plus en plus développés, ou encore la question de l'armement
nucléaire ; à un autre point de vue, cependant, l'exacerbation du « culte des différences » conduit dans
certains cas au repli individualiste, à la « préférence » nationale ou culturelle, et finalement à l'exclusion.
Peuton rendre compte de cette contradiction ? Celle-ci n'est-elle qu'occasionnelle, ou correspond-elle à une
disposition de tout homme à privilégier d'abord son appartenance à une communauté restreinte (famille) ou plus
large (nation) ? Comment concevoir l'accès au point de vue universel ? Socrate et les philosophes stoïciens, en
se déclarant « citoyens du monde », donnaient à la sagesse le seul horizon qui lui convienne réellement.
Le
texte de Bergson invite à réfléchir sur le difficile avènement d'un tel point de vue et sur le rôle que peuvent y
jouer, chacune à sa manière, la religion et la philosophie.
« La religion renforce et discipline.
Pour cela des exercices continuellement répétés sont nécessaires, comme
ceux dont l’automatisme finit par fixer dans le corps du soldat l’assurance morale dont il aura besoin au jour du
danger.
C’est dire qu’il n’y a pas de religion sans rites et cérémonies.
A ces actes religieux la représentation
religieuse sert surtout d’occasion.
Ils émanent sans doute de la croyance, mais ils réagissent aussitôt sur elle
et la consolident : s’il y a des dieux, il faut leur vouer un culte ; mais du moment qu’il y a un culte, c’est qu’il
existe des dieux.
Cette solidarité du dieu et de l’hommage qu’on lui rend fait de la vérité religieuse une chose à
part, sans commune mesure avec la vérité spéculative, et qui dépend jusqu’à un certain point de l’homme.
»
BERGSON.
"Fondateurs et réformateurs de religions, mystiques et saints, héros obscurs de la vie morale que nous avons
pu rencontrer sur notre chemin et qui égalent à nos yeux les plus grands, tous sont là : entraînés par leur.
»
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