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Bergson

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Pour que la pensée devienne distincte, il faut bien qu'elle s'éparpille en mots : nous ne nous rendons bien compte de ce que nous avons dans l'esprit que lorsque nous avons pris une feuille de papier, et aligné les uns à côté des autres des termes qui s'entrepénétraient. (...) La pensée qui n'est que pensée, l'oeuvre d'art qui n'est que conçue, le poème qui n'est que rêvé ne coûtent pas encore de la peine ; c'est la réalisation matérielle du poème en mots, de la conception artistique en statue ou tableau, qui demande un effort. L'effort est pénible, mais il est aussi précieux, plus précieux encore que l'oeuvre où il aboutit, parce que, grâce à lui, on a tiré de soi plus qu'il n'y avait, on s'est haussé au-dessus de soi-même. Or, cet effort n'eût pas été possible sans la matière : par la résistance qu'elle oppose et par la docilité où nous pouvons l'amener, elle est à la fois l'obstacle, l'instrument et le stimulant ; elle éprouve notre force, en garde l'empreinte et en appelle l'intensification. Bergson

« "Pour que la pensée devienne distincte, il faut bien qu'elle s'éparpille en mots : nous ne nous rendons bien compte de ce que nous avons dans l'esprit que lorsque nous avons pris une feuille de papier, et aligné les uns à côté des autres des termes qui s'entrepénétraient. (...) La pensée qui n'est que pensée, l'oeuvre d'art qui n'est que conçue, le poème qui n'est que rêvé ne coûtent pas encore de la peine ; c'est la réalisation matérielle du poème en mots, de la conception artistique en statue ou tableau, qui demande un effort. L'effort est pénible, mais il est aussi précieux, plus précieux encore que l'oeuvre où il aboutit, parce que, grâce à lui, on a tiré de soi plus qu'il n'y avait, on s'est haussé au-dessus de soi-même.

Or, cet effort n'eût pas été possible sans la matière : par la résistance qu'elle oppose et par la docilité où nous pouvons l'amener, elle est à la fois l'obstacle, l'instrument et le stimulant ; elle éprouve notre force, en garde l'empreinte et en appelle l'intensification." BERGSON POUR DÉMARRER L'esprit doit s'appuyer sur la réalisation matérielle pour se créer et se dépasser : Bergson nous donne à voir la relation entre matière et esprit.

La matière nous offre une résistance et, ainsi, nous stimule dans notre effort de création. Conseils pratiques Dans ce court texte apparaissent très clairement les théories bergsoniennes sur la pensée et le langage, dont la connaissance vous sera précieuse pour bien saisir le sens des termes et surtout la nature des arguments. Bibliographie BERCSON, L'énergie spirituelle, PUF ; œuvres complètes, PUF. R.

LE SENNE, Traité de morale générale, PUF, pp.

643 et sqq. [Introduction] Dans un texte consacré à la réalisation matérielle de la pensée, Bergson s'en prend à ceux qui jugent qu'il suffirait d'avoir quelques idées, et que l'expression - intellectuelle ou artistique - de celles-ci ne serait qu'un détail contingent.

Au contraire, dit Bergson, ce qui a de la valeur dans une idée, une pensée, c'est l'effort par lequel leur auteur a su les conduire à leur expression matérielle.

Il me faut en effet savoir découper matériellement mes pensées; sans cet effort, elles ne sont rien : c'est cet effort qui donne son prix à mon œuvre, laquelle ne peut exister que parce que j'ai affaire à une matière qui m'offre prise. [I.

L'expression de la pensée dans la matière (première phrase).] [1.

L'indistinction de la pensée.] Les premières lignes du texte envisagent ce que serait une simple pensée, avant qu'elle ne soit distincte. Bergson envisage ici, en psychologue, l'idée telle qu'elle se présente à moi lorsqu'elle me «passe par la tête». Nous ne savons pas encore ce que nous avons à l'esprit.

Nos premières pensées sont floues, indistinctes, évanescentes.

Il nous faut les saisir au vol avant qu'elles ne retournent au néant.

L'idée ne naît pas toute armée de la tête de Jupiter.

Une idée doit s'apprivoiser, se cultiver pour ne pas être un simple magma informe et confus.

J'ai à l'esprit quelque chose, mais sans savoir s'il en naîtra un chef-d'œuvre spéculatif ou une absurdité.

- Les termes qui nous viennent à l'esprit s'entrepénètrent, nous dit Bergson: ils manquent souvent de la clarté et toujours de la distinction, qui, chez Descartes, sont les deux critères de la vérité. [2.

Les conditions de la distinction de la pensée.] Bergson précise ainsi à quelle condition une pensée peut devenir distincte: il faut qu'elle «s'éparpille en mots», qu'elle soit découpée en termes «[alignés] les uns à côté des autres».

Il n'y a pas de pensée véritablement exprimée sans analyse de ce qui la compose; l'intuitionnisme bergsonien n'est pas synonyme de flou impressionniste et de manque de rigueur.

L'idée, avant d'être découpée en mots, n'est qu'une pure chimère.

Le fait de noter à l'écrit ce qui me vient à l'esprit me conduit à objectiver mes idées - à leur donner une consistance objective, valant pour n'importe qui, les rend communicables.

Mes pensées ne valent plus seulement pour moi, c'est-à-dire pour personne; pouvant être exposées, disposées sur du papier (ou aussi bien dans mon esprit: si je suis capable d'en faire l'analyse mentalement - la nature du support matériel, papier ou cerveau, n'est pas ici en cause), ces pensées deviennent pensées pour tout autre être que moi, et cela seul fait qu'elles sont des pensées, qu'elles peuvent valoir pour moi.

Ce qui est vécu dans l'intériorité de la durée a donc besoin de la discursivité du langage qui spatialise, découpe dans l'extériorité,. »

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