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Baruch SPINOZA

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Il convient de ne jamais oublier le but poursuivi par l'état de société. Ce but n'est autre que la paix et la sécurité de la vie. Le meilleur État, par conséquent, est celui où les hommes vivent dans la concorde, et où la législation nationale est protégée contre toute atteinte. En effet, il est certain que les séditions, les guerres, l'indifférence systématique ou les infractions effectives aux lois sont bien plus imputables aux défauts d'un État donné qu'à la méchanceté des hommes. Car les hommes ne naissent point membres de la société, mais s'éduquent à ce rôle ; d'autre part les sentiments humains naturels sont toujours les mêmes. Au cas donc où la méchanceté régnerait davantage et où le nombre des fautes commises serait plus considérable dans une certaine nation que dans une autre, une conclusion évidente ressortirait d'une telle suite d'événements : cette nation n'aurait pas pris de dispositions suffisantes en vue de la concorde, et sa législation n'aurait pas été instituée dans un esprit suffisant de sagesse ; par suite, la jouissance de son droit en tant que nation n'aurait pas été absolue. En effet, une forme d'état de société qui n'a pas éliminé les causes de séditions, et au sein de laquelle la guerre est toujours à craindre, tandis que les lois sont fréquemment enfreintes à l'intérieur, ne diffère pas beaucoup de l'état de nature. C'est-à-dire que chacun, y vivant à son gré, est en grand danger de perdre la vie. Baruch SPINOZA

« Il convient de ne jamais oublier le but poursuivi par l'état de société.

Ce but n'est autre que la paix et la sécurité de la vie.

Le meilleur État, par conséquent, est celui où les hommes vivent dans la concorde, et où la législation nationale est protégée contre toute atteinte.

En effet, il est certain que les séditions, les guerres, l'indifférence systématique ou les infractions effectives aux lois sont bien plus imputables aux défauts d'un État donné qu'à la méchanceté des hommes.

Car les hommes ne naissent point membres de la société, mais s'éduquent à ce rôle ; d'autre part les sentiments humains naturels sont toujours les mêmes.

Au cas donc où la méchanceté régnerait davantage et où le nombre des fautes commises serait plus considérable dans une certaine nation que dans une autre, une conclusion évidente ressortirait d'une telle suite d'événements : cette nation n'aurait pas pris de dispositions suffisantes en vue de la concorde, et sa législation n'aurait pas été instituée dans un esprit suffisant de sagesse ; par suite, la jouissance de son droit en tant que nation n'aurait pas été absolue.

En effet, une forme d'état de société qui n'a pas éliminé les causes de séditions, et au sein de laquelle la guerre est toujours à craindre, tandis que les lois sont fréquemment enfreintes à l'intérieur, ne diffère pas beaucoup de l'état de nature.

C'est-à-dire que chacun, y vivant à son gré, est en grand danger de perdre la vie. VOCABULAIRE SPINOZISTE Sagesse: attitude sereine de l’homme libre, atteinte par la connaissance philosophique.

Elle est caractérisée par le sentiment d’être, et d’être éternel, cette conscience d’être étant permanente et active.

Elle est donc joie. Homme: réalité singulière, contingente, constituée par un corps et par l’idée de ce corps (esprit humain). L’existence d’un homme n’est pas logiquement nécessaire mais elle résulte du système des causes naturelles. Esprit: idée du corps constituant « l’esprit humain ».

C’est donc un mode fini de l’Attribut Pensée («Âme»). Droit: possibilité légitime d’accomplir une action.

La puissance de fait des individus définit et légitime leur droit de nature (ou droit naturel), tandis que leur puissance délimitée réciproquement, par les individus contractant un Pacte social, définit le droit civil. Cause: tout événement produit un effet et est donc une cause, en même temps qu'il a une cause.

Mais les séries causales n’agissent que dans le cadre de l'Attribut auquel elles appartiennent : les idées produisent des idées et agissent sur des idées (Attribut Pensée), les corps et leurs modifications produisent des modifications et agissent sur les corps (Attribut Étendue). Action adéquate: action découlant de l’essence de l’individu, c’est-à-dire de son Désir et de sa causalité interne. Elle exprime l’autonomie et par conséquent la liberté véritable de cet individu. Plus encore peut-être que les raisons profondes de l'insistance avec laquelle Spinoza affirme dans ce texte que le but ultime poursuivi par l'état de société « n'est autre que la paix et la sécurité de la vie », c'est l'expression même d' « état de société » qui retiendra tout d'abord notre attention.

Une lecture attentive fait en effet ressortir que Spinoza oppose l'état de société à l'état de nature et que tout le texte à commenter repose au fond sur cette opposition.

Il faut donc en un premier temps que nous nous efforcions d'éclaircir ce point.

Ce n'est qu'après cela que nous pourrons alors nous demander à quelles conditions Spinoza peut dire que la fin dernière de l'état de société est « la paix et la sécurité de la vie », puisqu'il apparaît que ce but est loin d'être toujours atteint.

Mais une fois que nous aurons étudié ce texte en lui-même, nous essaierons d'en faire ressortir tout l'intérêt.

Pour ce faire, nous reviendrons d'abord sur l'opposition entre état de nature et état de société en nous interrogeant sur ses limites de validité.

Puis nous nous occuperons des questions que pose la notion même d'État.

Nous nous demanderons non seulement selon quels critères on peut dire qu'un État est meilleur qu'un autre, mais aussi pour finir si l'existence même de l'État est nécessaire à l'existence de la société. L'opposition de l'état de société à l'état de nature constitue, semble-t-il, le soubassement de ce texte.

En quoi consiste-t-elle ? D'après ce que nous en dit ici Spinoza, l'état de nature ne comporterait pas de règles.

Il déclare en effet qu'un mauvais état de société, c'est-à-dire un état de société qui oublie que son but suprême, est le maintien de la paix et la sécurité de la vie, « ne diffère pas beaucoup de l'état de nature » puisque chacun y vit à son gré.

En somme l'état de nature désignerait un stade où chaque être ferait tout ce que sa nature lui permettrait de faire alors que l'état de société désignerait au contraire le stade où l'homme institue des règles auxquelles il se Boume afin de mieux vivre.

Examinons cela de plus près.

Peut-on dire d'abord que le droit de nature implique l'absence de" toute règle ? Oui, si l'on entend par là des institutions par exemple.

Mais en un autre sens on ne peut pas dire cela, car c'est bien en vertu de certaines règles que les gros poissons mangent les petits (1).

Seulement ce sont là les règles de la Nature. Si l'on ne prend pas garde à cette nuance, l'on ne comprend plus pourquoi Spinoza peut définir l'état de société comme « les lois mêmes ou règles de la Nature suivant lesquelles tout arrive, c'est-à-dire la puissance même de la nature ». »

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