Baruch SPINOZA
Extrait du document
«
Comme le libre jugement des hommes est tout à fait divers et que
chacun pense à lui seul tout savoir, et qu'il est impossible que tous
pensent également la même chose, et parlent d'une seule voix, ils
ne pourraient vivre en paix si chacun n'avait pas renoncé au droit
d'agir selon le seul décret de sa pensée.
C'est donc seulement au
droit d'agir selon son propre décret que l'individu a renoncé, non au
droit de raisonner et de juger; par suite personne ne peut, sans
danger pour le droit du pouvoir souverain, agir à l'encontre du décret
de celui-ci, mais il peut totalement penser et juger, et par
conséquent aussi s'exprimer, à condition cependant qu'il se contente
de parler et d'enseigner, et de défendre son opinion par la seule
Raison, sans introduire par la ruse, la colère et la haine quelque
mesure contraire à l'État qui ne ressortirait que de l'autorité de son
propre vouloir.
VOCABULAIRE SPINOZISTE
Pensée: l’un des Attributs de la substance.
En Dieu elle est infinie.
Elle
est une activité.
Ce qu’on appelle l’entendement infini de Dieu (mode infini)
est identique à la somme de tous les entendements humains finis.
En
l’homme, la Pensée se saisit donc elle-même comme entendement, c’est-à-dire comme idée singulière et active,
et comme idée d’idée (réflexion).
Le Désir est de l’ordre de la Pensée, encore confuse, mais il peut toujours
devenir une connaissance (claire) par redoublement de l’idée du corps (ou conscience).
Homme: réalité singulière, contingente, constituée par un corps et par l’idée de ce corps (esprit humain).
L’existence d’un homme n’est pas logiquement nécessaire mais elle résulte du système des causes naturelles.
Droit: possibilité légitime d’accomplir une action.
La puissance de fait des individus définit et légitime leur droit
de nature (ou droit naturel), tandis que leur puissance délimitée réciproquement, par les individus contractant un
Pacte social, définit le droit civil.
1.
Thèse du texte
Dans ce texte, Spinoza établit une distinction importante entre d'un côté la liberté d'agir du citoyen qui, selon lui,
doit nécessairement être limitée, et de l'autre la liberté de pensée et d'expression qui doit être absolument
garantie dans une cité.
L'auteur montre tout d'abord que la paix civile ne peut être assurée qu'à la condition que les hommes renoncent
au droit d'agir entièrement selon leur bon vouloir.
II montre ensuite qu'en conséquence, c'est seulement la liberté
d'agir qui peut être restreinte mais non la liberté de raisonner et de s'exprimer.
Spinoza termine son propos en
introduisant une certaine nuance au sujet de la liberté d'expression: seules les opinions fondées sur la raison
doivent pouvoir être librement défendues au sein 'de la cité.
2.
"ils ne pourraient vivre en paix si chacun n'avait pas renoncé au droit d'agir selon le seul décret de sa
pensée"
Spinoza évoque ici ce que l'on peut considérer comme l'une des clauses les plus fondamentales du pacte social:
en s'unissant, les hommes ont renoncé à leur liberté naturelle pour se soumettre à la loi commune qui garantit à
chacun la sécurité.
Dans une cité, en effet, la liberté d'action des hommes ne saurait être sans limites car sinon
chacun, en faisant tout ce qui lui plaît, risquerait de mettre en péril la liberté de ses semblables.
La liberté
d'action des hommes doit donc être limitée par une loi commune de façon à ce qu'aucun ne fasse de sa liberté un
usage nuisible pour autrui.
3.
"défendre son opinion par la seule Raison"
Spinoza soutient qu'il ne doit y avoir aucune limite à la liberté d'expression et donc que toutes les opinions
doivent pouvoir être soutenues au sein d'une cité mais à la condition, précise-t-il, que celles-ci soient défendues
« par la seule Raison ».
L'opinion est reconnue par de nombreux philosophes comme un mode de connaissance inférieur et peu fiable.
Ainsi, Socrate lui reprochait-il de n'être pas « attachée à l'esprit par la connaissance de ses causes ».
L'opinion
croit savoir, mais elle est le plus souvent incapable de dire pour-quoi elle sait.
Les opinions sont donc par nature
aussi multiples et changeantes que les hommes les exprimant.
La raison est à l'inverse commune à tous les hommes.
En tant que capacité qu'ont les hommes de rechercher le
vrai et de séparer le bien du mal, elle est, selon Descartes, « la chose du monde la mieux partagée ».
II convient
donc que les opinions, avant d'être exprimées, soient contrôlées par cette faculté régulatrice qu'est la raison.
Quand Spinoza prône l'entière liberté de pensée et d'expression, il n'entend évidemment pas autoriser chacun à.
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