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Baruch SPINOZA

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Pour parvenir à garder un autre individu en sa puissance, on peut avoir recours à différents procédés. On peut l'avoir immobilisé par des liens, on peut lui avoir enlevé ses armes et toutes possibilités de se défendre ou de s'enfuir. On peut aussi lui avoir inspiré une crainte extrême ou se l'être attaché par des bienfaits, au point qu'il préfère exécuter les consignes de son maître que les siennes propres, et vivre au gré de son maître qu'au sien propre. Lorsqu'on impose sa puissance de la première ou de la seconde manière, on domine le corps seulement et non l'esprit de l'individu soumis. Mais si l'on pratique la troisième ou la quatrième manière, on tient sous sa dépendance l'esprit aussi bien que le corps de celui-ci. Du moins aussi longtemps que dure en lui le sentiment de crainte ou d'espoir. Aussitôt que cet individu cesse de les éprouver, il redevient indépendant. Même la capacité intérieure de juger peut tomber sous la dépendance d'un autre, dans la mesure où un esprit peut être dupé par un autre. II s'ensuit qu'un esprit ne jouit d'une pleine indépendance, que s'il est capable de raisonnement correct. On ira plus loin. Comme la puissance humaine doit être appréciée d'après la force non tant du corps que de l'esprit, les hommes les plus indépendants sont ceux chez qui la raison s'affirme davantage et qui se laissent davantage guider par la raison. En d'autres termes, je déclare l'homme d'autant plus en possession d'une pleine liberté, qu'il se laisse guider par la raison. Baruch SPINOZA

« Pour parvenir à garder un autre individu en sa puissance, on peut avoir recours à différents procédés.

On peut l'avoir immobilisé par des liens, on peut lui avoir enlevé ses armes et toutes possibilités de se défendre ou de s'enfuir.

On peut aussi lui avoir inspiré une crainte extrême ou se l'être attaché par des bienfaits, au point qu'il préfère exécuter les consignes de son maître que les siennes propres, et vivre au gré de son maître qu'au sien propre.

Lorsqu'on impose sa puissance de la première ou de la seconde manière, on domine le corps seulement et non l'esprit de l'individu soumis.

Mais si l'on pratique la troisième ou la quatrième manière, on tient sous sa dépendance l'esprit aussi bien que le corps de celui-ci.

Du moins aussi longtemps que dure en lui le sentiment de crainte ou d'espoir.

Aussitôt que cet individu cesse de les éprouver, il redevient indépendant. Même la capacité intérieure de juger peut tomber sous la dépendance d'un autre, dans la mesure où un esprit peut être dupé par un autre.

II s'ensuit qu'un esprit ne jouit d'une pleine indépendance, que s'il est capable de raisonnement correct.

On ira plus loin.

Comme la puissance humaine doit être appréciée d'après la force non tant du corps que de l'esprit, les hommes les plus indépendants sont ceux chez qui la raison s'affirme davantage et qui se laissent davantage guider par la raison.

En d'autres termes, je déclare l'homme d'autant plus en possession d'une pleine liberté, qu'il se laisse guider par la raison. VOCABULAIRE SPINOZISTE Liberté: elle n’est pas un acte de la volonté qui n’est qu’une faculté (entité abstraite, en fait inexistante).

La liberté concrète est l’autonomie d’un individu, atteinte lorsque ses actions ne résultent que de causes internes (celles qui résultent de l’essence même de cet individu, c’est-à-dire de son Désir). Homme: réalité singulière, contingente, constituée par un corps et par l’idée de ce corps (esprit humain). L’existence d’un homme n’est pas logiquement nécessaire mais elle résulte du système des causes naturelles. Esprit: idée du corps constituant « l’esprit humain ».

C’est donc un mode fini de l’Attribut Pensée («Âme»). Corps: mode fini de l’Attribut Étendue.

Il est composé de parties dont les actions internes et réciproques sont constantes, formant ainsi un Individu stable.

Le corps humain est l’objet de l’idée constituant l’esprit humain. DIRECTIONS DE RECHERCHE • Que signifie, dans le tex,te, « garder un autre individu en sa puissance » ? • En quoi peut-on soutenir que « de la première ou de la seconde manière on domine le corps seulement et non l'esprit de l'individu soumis » ? En particulier qu'est-ce qui différencie, selon vous, la « seconde » et la « troisième » manière ? Que pensez-vous de cette distinction ? • Que peut signifier « exécuter » ses propres « consignes » ? • Que signifie vivre « au gré » (de quelqu'un ou de soi-même) ? • Peut-il être important de remarquer que Spinoza ne dit pas « redevient libre » mais « redevient indépendant ». • Vivre selon « son gré » signifie-t-il nécessairement « vivre libre » ? • Pouvez-vous indiquer, précisément, ce que veut faire apparaître ici Spinoza ? • Que pensez-vous de son argumentation ? [Introduction] Dès les débuts de la réflexion sur la nature de la liberté, on l'oppose volontiers à la situation de l'esclave : être libre, c'est d'abord ne pas dépendre du pouvoir d'autrui.

En distinguant différentes façons d'exercer ce pouvoir, Spinoza établit qu'il ne peut durer indéfiniment.

Par contre, si l'esprit de l'individu se trouve amené à ne plus pouvoir s'exercer librement, c'est alors que la liberté, qui est un principe avant tout spirituel, disparaît vraiment. [I.

Le pouvoir par le sentiment] Comment un homme peut-il assurer sa puissance sur un autre ? Spinoza commence ici par distinguer quatre façons d'y parvenir.

Les deux premières ne concernent, dit-il, que le corps.

Elles consistent en effet, soit à l'immobiliser « par des liens » (des chaînes ou la prison), soit à lui enlever ses armes (s'il vient de perdre par exemple au combat) et à lui enlever complémentairement « toutes possibilités de se défendre ou de s'enfuir ». L'être ainsi tombé au pouvoir de l'autre garde toutefois une certaine liberté de penser : on ne domine que son corps, on ne garantit qu'une obéissance physique.

Si cette dernière peut suffire (c'est quand même la situation classique de l'esclave, du prisonnier obligé d'oeuvrer pour son vainqueur), elle est évidemment incomplète.

Rien ne garantit que, tout en obéissant physiquement, l'esclave ne pense pas dans des termes évidemment peu aimables à l'égard du maître.. »

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