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Baruch SPINOZA

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Il est vrai sans doute qu'on doit expliquer l'Écriture par l'Écriture aussi longtemps qu'on peine à découvrir le sens des textes et la pensée des prophètes, mais une fois que nous avons enfin trouvé le vrai sens, il faut user nécessairement de jugement et de la Raison pour donner à cette pensée notre assentiment. Que si la Raison, en dépit de ses réclamations contre l'Écriture, doit cependant lui être entièrement soumise, je le demande, devons-nous faire cette soumission parce que nous avons une raison, ou sans raison et en aveugles ? Si c'est sans Raison, nous agissons comme des insensés et sans jugement ; si c'est avec une raison, c'est donc parle seul commandement de la Raison, que nous adhérons à l'Écriture, et donc si elle contredisait à la Raison nous n'y adhérerions pas. Et, je le demande encore, qui peut adhérer par la pensée à une croyance alors que la Raison réclame ? Qu'est-ce, en effet, que nier quelque chose dans sa pensée, sinon satisfaire à une réclamation de la Raison ? Je ne peux donc assez m'étonner que l'on veuille soumettre la Raison, ce plus grand des dons, cette lumière divine, à la lettre morte que la malice humaine a pu falsifier, que l'on puisse croire qu'il n'y a pas crime à parler indignement contre la Raison [...] La Religion et la Foi ne peuvent-elles se maintenir que si les hommes s'appliquent laborieusement à tout ignorer et donnent à la Raison un congé définitif ? En vérité, si telle est leur croyance, c'est donc crainte que l'Écriture leur inspire plutôt que confiance. Baruch SPINOZA

« Il est vrai sans doute qu'on doit expliquer l'Écriture par l'Écriture aussi longtemps qu'on peine à découvrir le sens des textes et la pensée des prophètes, mais une fois que nous avons enfin trouvé le vrai sens, il faut user nécessairement de jugement et de la Raison pour donner à cette pensée notre assentiment.

Que si la Raison, en dépit de ses réclamations contre l'Écriture, doit cependant lui être entièrement soumise, je le demande, devons-nous faire cette soumission parce que nous avons une raison, ou sans raison et en aveugles ? Si c'est sans Raison, nous agissons comme des insensés et sans jugement ; si c'est avec une raison, c'est donc parle seul commandement de la Raison, que nous adhérons à l'Écriture, et donc si elle contredisait à la Raison nous n'y adhérerions pas.

Et, je le demande encore, qui peut adhérer par la pensée à une croyance alors que la Raison réclame ? Qu'est-ce, en effet, que nier quelque chose dans sa pensée, sinon satisfaire à une réclamation de la Raison ? Je ne peux donc assez m'étonner que l'on veuille soumettre la Raison, ce plus grand des dons, cette lumière divine, à la lettre morte que la malice humaine a pu falsifier, que l'on puisse croire qu'il n'y a pas crime à parler indignement contre la Raison [...] La Religion et la Foi ne peuvent-elles se maintenir que si les hommes s'appliquent laborieusement à tout ignorer et donnent à la Raison un congé définitif ? En vérité, si telle est leur croyance, c'est donc crainte que l'Écriture leur inspire plutôt que confiance. VOCABULAIRE SPINOZISTE Pensée: l’un des Attributs de la substance.

En Dieu elle est infinie.

Elle est une activité.

Ce qu’on appelle l’entendement infini de Dieu (mode infini) est identique à la somme de tous les entendements humains finis.

En l’homme, la Pensée se saisit donc elle-même comme entendement, c’est-à-dire comme idée singulière et active, et comme idée d’idée (réflexion).

Le Désir est de l’ordre de la Pensée, encore confuse, mais il peut toujours devenir une connaissance (claire) par redoublement de l’idée du corps (ou conscience). Vérité: ce n’est pas seulement l’accord de l’idée et de son objet extérieur: c’est aussi et surtout l’accord de cette idée avec elle-même, et l’évidence intérieure et immédiate d’une idée adéquate (index sui).

Les concepts «Dieu» et « vérité» sont identiques. Âme (anima): chez Descartes, principe substantiel lié au corps et formé de l’entendement et de la volonté; elle est indépendante du corps et immortelle.

Spinoza n’emploie pas ce terme pour désigner l’individu humain singulier : il utilise le terme Mens (esprit). Faut-il soumettre la raison à l'Écriture ou bien l'Écriture à la raison ? En prenant le second parti, Spinoza recherche une articulation de la raison et de la religion.

Ce qu'il ne saurait admettre, c'est que sous prétexte d'orthodoxie la religion veuille écarter le recours à la raison, et qu'ainsi elle prête le flanc à l'obscurantisme et à l'ignorance.

Une croyance sans raison, laisse entrevoir Spinoza, n'est ni plus ni moins qu'une superstition : il ne s'agit donc pas pour lui de remettre en cause la place ou l'existence de la religion, mais de veiller à ce qu'elle ne soit pas galvaudée : la raison ne peut donc être soumise à l'Écriture.

Le premier temps de l'analyse de Spinoza affirme la nécessité de l'autorité de la raison.

Il s'agit que la soumission de la raison à l'Écriture soit encore rationnelle.

La raison n'y saurait adhérer que tant que l'Écriture est rationnelle, ce qui fait que « si elle contredisait à la Raison nous n'y adhérerions pas ».

Cette formule peut être comprise comme un rempart contre l'intégrisme, qui se définit justement par sa volonté de tout faire rentrer sous le joug de l'Écriture, le réel tout entier et notre raison y compris.

En réaction à ce danger, Spinoza désacralise volontiers les Écritures, balayées plus loin par l'expression « lettre morte ».

Le second temps de l'analyse valide la nécessaire autorité de la raison par l'examen des conséquences de l'hypothèse inverse, c'est-à-dire par un raisonnement par l'absurde.

Tout investir dans l'Écriture, c'est finalement faire reposer la religion sur la crainte et l'obscurantisme, et c'est convertir, selon la célèbre formule de Spinoza, la volonté de Dieu en « asile de l'ignorance ». Au contraire, la raison ne doit avoir à obéir qu'à elle-même : c'est à cette seule condition que raison et religion sont compatibles. « Et il ne faut pas oublier ici que les partisans de cette doctrine, qui ont voulu faire étalage de leur talent en assignant des fins aux choses, ont, pour prouver leur doctrine, apporté un nouveau mode d’argumentation : la réduction, non à l’impossible, mais à l’ignorance ; ce qui montre qu’il n’y avait aucun autre moyen d’argumenter en faveur de cette doctrine.

Si, par exemple, une pierre est tombée d’un toit sur la tête de quelqu’un et l’a tué, ils démontreront que la pierre est tombée pour tuer l’homme, de la façon suivante : si, en effet, elle n’est pas tombée à cette fin par la volonté de Dieu, comment tant de circonstances ont-elles pu concourir par hasard ? Vous répondrez peut-être que c’est arrivé parce que le vent soufflait et que l’homme passait par là.

Mais ils insisteront : pourquoi le vent soufflait-il à ce moment-là ? Pourquoi l’homme passait-il par là à ce même moment ? Si vous répondez de nouveau que le vent s’est levé parce que la veille, par un temps encore calme, la mer avait commencé à s’agiter, et que l’homme avait été invité par un ami, ils insisteront de nouveau, car ils ne sont jamais à court de question : pourquoi donc la mer était-elle agitée ? Pourquoi l’homme a-t-il été invité à ce moment-là ? et ils ne cesseront ainsi de vous interroger sur les causes des causes, jusqu’à ce que vous vous soyez réfugié dans la volonté de Dieu, cet asile. »

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