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Baruch SPINOZA

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Des fondements de l'État tels que nous les avons expliqués ci-dessus, il résulte avec la dernière évidence que sa fin dernière n'est pas la domination; ce n'est pas pour tenir l'homme par la crainte et faire qu'il appartienne à un autre que l'État est institué; au contraire c'est pour libérer l'individu de la crainte, pour qu'il vive autant que possible en sécurité, c'est-à-dire conserve, aussi bien qu'il se pourra, sans dommage pour autrui son droit naturel d'exister et d'agir. Non, je le répète, la fin de l'État n'est pas de faire passer les hommes de la condition d'êtres raisonnables à celle de bêtes brutes ou d'automates, mais au contraire il est institué pour que leur âme et leur corps s'acquittent en sûreté de toutes leurs fonctions, pour qu'eux-mêmes usent d'une Raison libre, pour qu'ils ne luttent point de haine, de colère ou de ruse, pour qu'ils se supportent sans malveillance les uns les autres. La fin de l'État est donc en réalité la liberté. Nous avons vu aussi que, pour former l'État, une seule chose est nécessaire : que tout le pouvoir de décréter appartienne soit à tous collectivement, soit à quelques-uns, soit à un seul. Puisque, en effet, le libre jugement des hommes est extrêmement divers, que chacun pense être seul à tout savoir et qu'il est impossible que tous opinent pareillement et parlent d'une seule bouche, ils ne pourraient vivre en paix si l'individu n'avait renoncé à son droit d'agir suivant le seul décret de sa pensée. C'est donc seulement au droit d'agir par son propre décret qu'il a renoncé, non au droit de raisonner et de juger; par suite nuit la vérité ne peut, sans danger pour le droit du souverain, agir contre son décret, mais il peut avec une entière liberté opiner et juger et en conséquence aussi parler, pourvu qu'il n'aille pas au-delà de la simple parole ou de l'enseignement, et qu'il défende son opinion par la Raison seule, non par la ruse, la colère ou la haine, ni dans l'intention de changer quoi que ce soit dans l'État de l'autorité de son propre décret. Par exemple, en cas qu'un homme montre qu'une loi contredit à la raison, et qu'il exprime l'avis qu'elle doit être abrogée, si, en même temps, il soumet son opinion au jugement du souverain (à qui seul il appartient de faire et d'abroger les lois) et qu'il s'abstienne, en attendant, de toute action contraire à ce qui est prescrit par cette loi, certes il mérite bien de l'État et agit comme le meilleur des citoyens; au contraire, s'il le fait pour accuser le magistrat d'iniquité et le rendre odieux, ou tente séditieusement d'abroger cette loi malgré le magistrat, il est du tout un perturbateur et un rebelle. Nous voyons donc suivant quelle règle chacun, sans danger pour le droit et l'autorité du souverain c'est-à-dire pour la paix de l'État, peut dire et enseigner ce qu'il pense; c'est à la condition qu'il laisse au souverain le soin de décréter sur toutes actions, et s'abstienne d'en accomplir aucune contre ce décret, même s'il lui faut souvent agir en opposition avec ce qu'il juge et professe qui est bon. Baruch SPINOZA

« Des fondements de l'État tels que nous les avons expliqués ci-dessus, il résulte avec la dernière évidence que sa fin dernière n'est pas la domination; ce n'est pas pour tenir l'homme par la crainte et faire qu'il appartienne à un autre que l'État est institué; au contraire c'est pour libérer l'individu de la crainte, pour qu'il vive autant que possible en sécurité, c'est-à-dire conserve, aussi bien qu'il se pourra, sans dommage pour autrui son droit naturel d'exister et d'agir.

Non, je le répète, la fin de l'État n'est pas de faire passer les hommes de la condition d'êtres raisonnables à celle de bêtes brutes ou d'automates, mais au contraire il est institué pour que leur âme et leur corps s'acquittent en sûreté de toutes leurs fonctions, pour qu'eux-mêmes usent d'une Raison libre, pour qu'ils ne luttent point de haine, de colère ou de ruse, pour qu'ils se supportent sans malveillance les uns les autres.

La fin de l'État est donc en réalité la liberté.

Nous avons vu aussi que, pour former l'État, une seule chose est nécessaire : que tout le pouvoir de décréter appartienne soit à tous collectivement, soit à quelques-uns, soit à un seul.

Puisque, en effet, le libre jugement des hommes est extrêmement divers, que chacun pense être seul à tout savoir et qu'il est impossible que tous opinent pareillement et parlent d'une seule bouche, ils ne pourraient vivre en paix si l'individu n'avait renoncé à son droit d'agir suivant le seul décret de sa pensée.

C'est donc seulement au droit d'agir par son propre décret qu'il a renoncé, non au droit de raisonner et de juger; par suite nuit la vérité ne peut, sans danger pour le droit du souverain, agir contre son décret, mais il peut avec une entière liberté opiner et juger et en conséquence aussi parler, pourvu qu'il n'aille pas au-delà de la simple parole ou de l'enseignement, et qu'il défende son opinion par la Raison seule, non par la ruse, la colère ou la haine, ni dans l'intention de changer quoi que ce soit dans l'État de l'autorité de son propre décret.

Par exemple, en cas qu'un homme montre qu'une loi contredit à la raison, et qu'il exprime l'avis qu'elle doit être abrogée, si, en même temps, il soumet son opinion au jugement du souverain (à qui seul il appartient de faire et d'abroger les lois) et qu'il s'abstienne, en attendant, de toute action contraire à ce qui est prescrit par cette loi, certes il mérite bien de l'État et agit comme le meilleur des citoyens; au contraire, s'il le fait pour accuser le magistrat d'iniquité et le rendre odieux, ou tente séditieusement d'abroger cette loi malgré le magistrat, il est du tout un perturbateur et un rebelle.

Nous voyons donc suivant quelle règle chacun, sans danger pour le droit et l'autorité du souverain c'est-à-dire pour la paix de l'État, peut dire et enseigner ce qu'il pense; c'est à la condition qu'il laisse au souverain le soin de décréter sur toutes actions, et s'abstienne d'en accomplir aucune contre ce décret, même s'il lui faut souvent agir en opposition avec ce qu'il juge et professe qui est bon. VOCABULAIRE SPINOZISTE Pensée: l’un des Attributs de la substance.

En Dieu elle est infinie.

Elle est une activité.

Ce qu’on appelle l’entendement infini de Dieu (mode infini) est identique à la somme de tous les entendements humains finis.

En l’homme, la Pensée se saisit donc elle-même comme entendement, c’est-à-dire comme idée singulière et active, et comme idée d’idée (réflexion).

Le Désir est de l’ordre de la Pensée, encore confuse, mais il peut toujours devenir une connaissance (claire) par redoublement de l’idée du corps (ou conscience). Vérité: ce n’est pas seulement l’accord de l’idée et de son objet extérieur: c’est aussi et surtout l’accord de cette idée avec elle-même, et l’évidence intérieure et immédiate d’une idée adéquate (index sui).

Les concepts «Dieu» et « vérité» sont identiques. Liberté: elle n’est pas un acte d e la volonté qui n’est qu’une faculté (entité abstraite, en fait inexistante).

La liberté concrète est l’autonomie d’un individu, atteinte lorsque ses actions ne résultent que de causes internes (celles qui résultent de l’essence même de cet individu, c’est-à-dire de son Désir). Homme: réalité singulière, contingente, constituée par un corps et par l’idée de ce corps (esprit humain).

L’existence d’un homme n’est pas logiquement nécessaire mais elle résulte du système des causes naturelles. Droit: possibilité légitime d’accomplir une action.

La puissance de fait des individus définit et légitime leur droit de nature (ou droit naturel), tandis que leur puissance délimitée réciproquement, par les individus contractant un Pacte social, définit le droit civil. Dieu: nom donné par Spinoza à la substance infinie (Être) en tant qu’elle est constituée par un nombre infini d’attributs infinis.

Dieu est donc la Nature elle-même.

Ce terme (Dieu) est équivalent au terme vérité. Corps: mode fini de l’Attribut Étendue.

Il est composé de parties dont les actions internes et réciproques sont constantes, formant ainsi un Individu stable.

Le corps humain est l’objet de l’idée constituant l’esprit humain. Âme (anima): chez Descartes, principe substantiel lié au corps et formé de l’entendement et de la volonté; elle est indépendante du corps et immortelle.

Spinoza n’emploie pas ce terme pour désigner l’individu humain singulier : il utilise le terme Mens (esprit). Action adéquate: action découlant de l’essence de l’individu, c’est-à-dire de son Désir et de sa causalité interne.

Elle exprime l’autonomie et par conséquent la liberté véritable de cet individu. Spinoza a consacré au problème politique une grande partie de son oeuvre et retrouve à cette occasion une question qui avait hanté d'autres philosophes avant lui : comment la société doit-elle être organisée pour que l'exercice libre de la philosophie y soit possible ? Spinoza considère tout d'abord que le passage de l'état de nature à l'état social est pour l'homme une véritable nécessité.

Seul, l'État peut permettre d e surmonter la faiblesse et l'impuissance d e l'état de nature dans lequel l'individu isolé est soumis au risque constant q u e représente une rencontre avec un plus fort que lui.

A l'état de nature, chaque homme n'a pour toute limite que sa puissance propre.

«Chacun juge de ce qui est bon, de ce qui est mauvais, et songe à son utilité selon son propre naturel, et se venge, et s'efforce de conserver ce qu'il a i m e et de détruire ce qu'il hait »2.

Mais cet état n'est guère propice à la conservation d e la vie.

Sans doute, l'individu' est dans une indépendance absolue, mais comme tous le sont également, l'état de nature n'est autre chose pour l'homme qu'un état de guerre et de solitude dans lequel il faut mener un incessant combat pour la survie.

L'unique souci de l'homme étant d'assurer sa défense, cet état n'est guère propice au développement de l'esprit.

Aussi l'état social est-il, selon Spinoza, une façon d'échapper à une vie grossière et misérable. Le but fondamental de l'État est donc, en assurant la sécurité des personnes, de leur permettre de développer à la fois leur raison et leur liberté.

Spinoza soutient une conception contractuelle de l'État : chacun renonce à l'exercice de son indépendance totale et accepte de se soumettre à des lois communes, en échange de quoi il bénéficie des avantages issus de l'union des forces de tous.

L'État fait les lois et borne ainsi la puissance de chacun.

Il détermine le Bien et le Mal et met fin par là aux divergences individuelles que l'on observe dans l'état de nature.

L'insécurité naturelle est conjurée et l'état civil ressemble à un état de raison.

C'est pourquoi « l'homme qui est conduit par la raison est plus libre dans l'État où il vit selon le décret commun que dans la solitude où il n'obéit qu'à lui-même »3.

L'état social, dans la mesure où il permet le développement de la raison, prolonge l'état de nature, car la raison est elle-même une partie de la nature.

Elle constitue pour Spinoza la nature même de l'homme.

La constitution de l'État a donc sur l'homme un effet remarquable : il force les hommes à agir extérieurement comme si la raison les guidait et il aménage la vie sociale en un sens favorable au développement de celle-ci en chacun.

La vie dans l'État est donc préparation à la Raison, et en attendant, elle nous oblige à vivre comme si nous étions déjà raisonnables.. »

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