Baruch SPINOZA
Extrait du document
«
Pour ma part, je dis que cette chose est libre qui existe et agit par la
seule nécessité de sa nature, et contrainte cette chose qui est
déterminée par une autre à exister et à agir selon une modalité précise et
déterminée.
Dieu,
par
exemple,
existe
librement
(quoique
nécessairement) parce qu'il existe par la seule nécessité de sa nature.
De
même encore, Dieu connaît soi-même et toutes choses en toute liberté,
parce qu'il découle de la seule nécessité de sa nature qu'il comprenne
toutes choses.
Vous voyez donc que je ne situe pas la liberté dans un
libre décret, mais dans une libre nécessité.
VOCABULAIRE SPINOZISTE
Nature: ensemble de la réalité.
Elle est soumise à des lois déterminées, elle
ne comporte aucune finalité et elle est infinie.
Totalement autonome et unique,
elle comporte une infinité d’aspects différents dont deux nous sont connus parce
qu’ils nous constituent directement ce sont la Pensée et l’Étendue, Attributs de
la substance, qui est Dieu, c’est-à-dire cette Nature même.
Nécessité: lien logique entre deux essences ou entre une essence et son
existence, lorsque l’une ne peut être rationnellement conçue sans l’autre.
Le
déploiement existentiel des conséquences nécessaires est le déterminisme.
Les lois de la Nature découlent
nécessairement de l’essence de la substance.
Passions: non pas l’affectivité en général, mais les affects passifs (inadéquats, dépendants).
La passion est donc,
chez Spinoza, la forme passive du Désir.
Une action, au contraire, en est la forme active (affect actif).
Une joie
passive est une passion, mais il existe une joie active, adéquate réfléchie, qui est une action.
Les passions expriment
une servitude mais non un péché coupable ou un «vice de la nature».
Liberté: elle n’est pas un acte de la volonté qui n’est qu’une faculté (entité abstraite, en fait inexistante).
La liberté
concrète est l’autonomie d’un individu, atteinte lorsque ses actions ne résultent que de causes internes (celles qui
résultent de l’essence même de cet individu, c’est-à-dire de son Désir).
Homme: réalité singulière, contingente, constituée par un corps et par l’idée de ce corps (esprit humain).
L’existence d’un homme n’est pas logiquement nécessaire mais elle résulte du système des causes naturelles.
Esprit: idée du corps constituant « l’esprit humain ».
C’est donc un mode fini de l’Attribut Pensée («Âme»).
Dieu: nom donné par Spinoza à la substance infinie (Être) en tant qu’elle est constituée par un nombre infini
d’attributs infinis.
Dieu est donc la Nature elle-même.
Ce terme (Dieu) est équivalent au terme vérité.
Conatus: l'effort par lequel chaque chose tend à persévérer dans son être.
Il est donc la puissance d’exister (vim
existendi) et l’essence même du Désir.
Désir: mouvement concret fondé sur le conatus et par lequel l’individu poursuit des biens qui accroîtront sa
puissance d’exister, c’est-à-dire sa perfection et son être.
Un tel accroissement produit la Joie (et ses dérivés) ; sa
réduction produit au contraire la Tristesse (et ses dérivés).
Le Désir est l’essence de l’homme.
Cause: tout événement produit un effet et est donc une cause, en même temps qu'il a une cause.
Mais les séries
causales n’agissent que dans le cadre de l'Attribut auquel elles appartiennent : les idées produisent des idées et
agissent sur des idées (Attribut Pensée), les corps et leurs modifications produisent des modifications et agissent sur
les corps (Attribut Étendue).
Situation
Le philosophe hollandais Spinoza (Amsterdam, 1632 - La Haye, 1677), à côté des oeuvres qu'il publie de son vivant, ou
qui ne paraîtront qu'après sa mort (c'est le 'cas de l'Éthique, 1677), entretient, selon les moeurs du temps, une
correspondance avec les membres de la communauté intellectuelle.
On dispose ainsi d'un peu plus de quatre-vingts
lettres, dont trois avec un correspondant allemand : G.
H.
Schuller.
C'est de la première de ces lettres (lettre LVIII, écrite vraisemblablement fin 1674) qu'on trouvera ci-inclus un extrait
portant sur la question de la liberté, et par là même sur le seul problème vraiment important pour Spinoza, celui de la
conduite de la vie.
Le propre d'une correspondance, entre penseurs de bonne foi, est de permettre, par une approche successive, de se
mettre d'accord, ou tout au moins de clarifier des points de vue.
C'est ce dont il s'agit ici, puisque Spinoza, s'adressant
à G.
H.
Schuller, vise à rectifier un propos qui lui a été prêté à propos d'une définition de la liberté (« je passe
maintenant à cette définition de la liberté que m'attribue votre ami ; mais je ne sais d'où il l'a tirée »).
La lettre à laquelle il est fait allusion ayant été perdue, on ne sait rien de cette mauvaise définition attribuée à
Spinoza.
Mais au-delà de la rectification, Spinoza donne sa propre définition de la liberté.
C'est ici que l'extrait débute.
Le texte présenté est extrait de « Lettre à G.
H.
Schuller » (1674), traduite par Robert Misrahi, dans Œuvres.
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- Le désir est l'essence même de l'homme - Baruch Spinoza (1632-1677)
- Baruch SPINOZA
- Baruch SPINOZA
- Baruch SPINOZA
- Baruch SPINOZA