Baruch SPINOZA
Extrait du document
«
« 1 – J’appelle cause adéquate celle dont on peut percevoir l’effet clairement
et distinctement par elle-même ; j’appelle cause inadéquate ou partielle celle
dont on ne peut connaître l’effet par elle seule.
2 – Je dis que nous sommes actifs, quand, en nous ou hors de nous, quelque
chose se fait dont nous sommes la cause adéquate, c'est-à-dire (définition
précédente) quand, en nous ou hors de nous, il suit de notre nature quelque
chose qui se peut par elle seule connaître clairement et distinctement.
Au
contraire, je dis que nous sommes passifs quand il se fait en nous quelque
chose ou qu’il suit de notre nature quelque chose, dont nous ne sommes la
cause que partiellement.
3 – J’entends par Affections les affections du Corps par lesquelles la
puissance d’agir de ce Corps est accrue ou diminuée, secondée ou réduite, et
en même temps les idées de ces affections.
Quand nous pouvons être la cause adéquate de quelqu’une de ces affections,
j’entends donc par affection une action ; dans les autres cas, une passion.
»
VOCABULAIRE SPINOZISTE
Nature: ensemble de la réalité.
Elle est soumise à des lois déterminées, elle ne
comporte aucune finalité et elle est infinie.
Totalement autonome et unique, elle
comporte une infinité d’aspects différents dont deux nous sont connus parce
qu’ils nous constituent directement ce sont la Pensée et l’Étendue, Attributs de la substance, qui est Dieu, c’est-à-dire
cette Nature même.
Passions: non pas l’affectivité en général, mais les affects passifs (inadéquats, dépendants).
La passion est donc,
chez Spinoza, la forme passive du Désir.
Une action, au contraire, en est la forme active (affect actif).
Une joie passive
est une passion, mais il existe une joie active, adéquate réfléchie, qui est une action.
Les passions expriment une
servitude mais non un péché coupable ou un «vice de la nature».
Idée: concept conscient, activement formé par l’esprit (et non pas «image muette sur un tableau»).
Les idées
n’agissent que sur les idées.
Homme: réalité singulière, contingente, constituée par un corps et par l’idée de ce corps (esprit humain).
L’existence
d’un homme n’est pas logiquement nécessaire mais elle résulte du système des causes naturelles.
Corps: mode fini de l’Attribut Étendue.
Il est composé de parties dont les actions internes et réciproques sont
constantes, formant ainsi un Individu stable.
Le corps humain est l’objet de l’idée constituant l’esprit humain.
Cause: tout événement produit un effet et est donc une cause, en même temps qu'il a une cause.
Mais les séries
causales n’agissent que dans le cadre de l'Attribut auquel elles appartiennent : les idées produisent des idées et
agissent sur des idées (Attribut Pensée), les corps et leurs modifications produisent des modifications et agissent sur
les corps (Attribut Étendue).
Affect: l'affect (affectus, qu'on traduit parfois par «sentiment») est une idée confuse par laquelle l'âme affirme une
force d'exister de son corps, ou d'une de ses parties, plus ou moins grande qu'auparavant.
Il est à rapprocher et à
distinguer de l'affection (affectio), qui n'est qu'une modification de la substance, ou de tel de ses modes.
En pratique,
l'affection se dit plutôt du corps; et l'affect, de l'âme.
Les trois affects fondamentaux sont le désir, la joie et la tristesse.
Action adéquate: action découlant de l’essence de l’individu, c’est-à-dire de son Désir et de sa causalité interne.
Elle
exprime l’autonomie et par conséquent la liberté véritable de cet individu.
Définir la passion, c’est, pour Spinoza, comprendre les rapports de l’homme à son âme, à son corps et au monde.
La
passion est un phénomène qui nous affecte, dont notre âme et notre corps pâtissent, parce que nous ne pouvons en
discerner l’origine clairement et distinctement (c'est-à-dire avec évidence).
En d’autres termes, la passion se manifeste
par des idées confuses sur elle-même.
Plus précisément, elle résulte d’un décalage (une « inadéquation ») entre
l’homme et la totalité du monde (Dieu) : la passion est un refus de l’ordre naturel des événements, des enchaînements
inéluctables qui nous déterminent.
Ainsi, par exemple, l’homme qui s’emporte contre une situation donnée (la perte d’un
objet auquel il tenait, la mauvaise conduite d’une autre personne, l’échec d’une ambition, etc.) ne le fait que par
ignorance de la chaîne des causes et des effets qui ont nécessairement conduit à cette situation.
Il subit le monde
corporel sans ramener ce qui lui arrive à Dieu (c'est-à-dire à l’ordre global de la nature).
Cette conception des passions nous amène, à poser la question suivante : pouvons-nous y échapper, et comment ?
C’est la connaissance rationnelle et l’acceptation de la nécessité naturelle qui nous permettent de désamorcer les
passions, et les rendre inoffensives : une passion pensée comme telle, un sentiment dont nous nous formons une idée
claire et distincte, cesse d’être une passion.
La Raison permet de connaître la passion, et par là même de s’en libérer
pour mieux adhérer à la nécessité.
Tel est le paradoxe de l’éthique de Spinoza : la libération, c’est le renoncement à
l’illusion du libre arbitre..
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