Bachelard et l'observation scientifique
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— Elle ne se confond pas avec l'observation première, qui est source d'erreur, parce que prisonnière de l'apparence, et du préjugé qui constituent des obstacles à la connaissance vraie. - Elle est polémique : toute science est examen critique d'une idée (thèse, schéma, plan) que l'observation vérifie ou réfute. — Elle implique donc nécessairement une activité rationnelle (elle démontre, ordonne, reconstruit des schémas), elle doit être opposée à l'observation préscientifique, toute passive, qui enregistrerait directement les données du réel (empirisme).
«
Déjà l'observation a besoin d'un corps de précautions qui conduisent à réfléchir avant de regarder, qui réforment du
moins la première vision, de sorte que ce n'est jamais la première observation qui est la bonne.
L'observation
scientifique est toujours une observation polémique : elle confirme ou infirme une thèse antérieure, un schéma
préalable, un plan d'observation ; elle montre en démontrant ; elle hiérarchise les apparences ; elle transcende
l'immédiat ; elle reconstruit le réel après avoir reconstruit ses schémas.
Naturellement, dès qu'on passe de
l'observation à l'expérimentation, le caractère polémique de la connaissance devient plus net encore.
Alors, il faut
que le phénomène soit trié, filtré, épuré, coulé dans le moule des instruments, produit sur le plan des instruments.
Or les instruments ne sont que des théories matérialisées.
Il en sort des phénomènes qui portent de toutes part la
marque théorique.
BACHELARD
• Caractéristiques de l'observation scientifique
— Elle ne se confond pas avec l'observation première, qui est source d'erreur, parce que prisonnière de l'apparence,
et du préjugé qui constituent des obstacles à la connaissance vraie.
- Elle est polémique : toute science est examen critique d'une idée (thèse, schéma, plan) que l'observation vérifie
ou réfute.
— Elle implique donc nécessairement une activité rationnelle (elle démontre, ordonne, reconstruit des schémas),
elle doit être opposée à l'observation préscientifique, toute passive, qui enregistrerait directement les données du
réel (empirisme).
• C aractéristiques de l'expérimentation scientifique, qui renforce encore le caractère polémique de l'observation
scientifique.
— Les faits ne sont plus simplement perçus ou décrits, mais transformés en phénomènes que définissent des instruments, de mesure, d'enregistrement
;
— C es instruments ne sont plus de simples moyens de mieux percevoir, mais des théories matérialisées : des techniques qui sont l'application dans le
réel de théories scientifiques.
• La science est fondamentalement polémique.
L'esprit scientifique suppose en effet une attitude critique, une contestation-constante.
C'est que « la vérité est fille de la discussion, non pas fille de la
sympathie » (La Philosophie du non, p.
134), et si la science vise à l'accord des esprits, « deux hommes, s'ils veulent s'entendre vraiment, ont dû
d'abord se contredire » (id.).
A insi l'esprit scientifique ne contredit que pour pouvoir s'accorder.
(Il convient cependant de ne pas se méprendre :
l'esprit scientifique ne saurait être assimilé à un simple esprit de contradiction, soulevant de vagues arguties, ni non plus à un scepticisme borné.
La
discussion qu'il institue s'inscrit au contraire au sein de règles rigoureuses).
• C ette dimension polémique de la science, qui est évidente sur le plan des théories, se manifeste déjà au niveau de l'observation.
D'une part toute
observation confirme ou réfute une observation antérieure, d'autre part aucune observation scientifique ne se fait spontanément et de nulle part : elle
suppose un « plan d'observation » qui est lui-même commandé par une « thèse » constituée.
De fait, contrairement à l'« observation première » qui se
borne à accueillir les faits bruts dans leur immédiateté, l'observation scientifique -est une observation critique qui transcende l'immédiat, qui «
hiérarchise les apparences » en n'accordant pas une égale valeur à tous les phénomènes, en rejetant certains et en conservant d'autres, en les
choisissant, en les rectifiant.
L'observation exige en outre le plus souvent des instruments de mesure, d'enregistrement, etc., lesquels nécessairement
« trient, filtrent, épurent, coulent dans leur moule les phénomènes.
• Or ces instruments sont eux-mêmes les produits d'un état de la science, ils sont « des théories matérialisées ».
A insi donc l'observation scientifique
est une observation qui construit le donné, le « réel », qui d'une certaine manière le crée.
Or si toute observation se fait à partir d'une thèse, d'un
schéma qui le sous-tend, observer c'est par là-même faire courir en permanence à ce schéma le risque d'être remis en question dès lors que les
enseignements de l'observation ne s'accorderaient plus avec lui.
C 'est la raison pour laquelle toute observation confirme ou infirme nécessairement
une thèse préalable.
Et s'il advient que ce schéma soit effectivement remis en cause, alors la science élaborera un nouveau schéma en fonction duquel
elle reconstruira le réel.
• Dans ces conditions, l'observation scientifique, que l'on aurait pu croire neutre, est bien et inévitablement « polémique ».
C e caractère « polémique »
sera évidemment plus net encore dans le cas de l'expérimentation, puisque l'expérimentation est la vérification d'une hypothèse par des expériences
appropriées.
La manipulation (répétition, ralentissement, etc.), la simplification, la construction des phénomènes y est encore plus patente que dans la
simple observation, puisque l'expérimentation ne veut retenir des phénomènes que les éléments désignés par l'hypothèse.
D'une manière générale
donc, pour Bachelard, l'existence et la nature des objets de la science dépendent des opérations autorisant leur définition.
L'objet scientifique n'est pas
« un objet naturel », mais le produit des opérations nécessaires à sa connaissance, et en ce sens il est un objet social.
Licencié de mathématiques et professeur de physique et chimie, il fut professeur d'histoire et de philosophie des Sciences, à la Sorbonne, de 1940 à 1954.
Il se tourna ensuite vers l'étude de la poésie.
Il nous indique son dessein en ces termes :« dialectiser la pensée et, par cette dialectisation de la pensée,
comprendre enfin que le concret est moins donné qu'il n'est construit, que les concepts clairs du mécanisme sont moins simples qu'arbitrairement — ou
commodément — simplifiés.
Il s'agit de démystifier le rapport transcendantal du sujet et de l'objet, trop souvent immobilisé dans un rationalisme théorique
et par là même aisément triomphant, et de recevoir les leçons de l'expérience, loin de l'expérimentation, afin de « ne pas voir la réalité telle que je suis ».
Il
s'est livré à une véritable « psychanalyse objective » de la matière, des quatre éléments, cherchant à accorder « l'esprit poétique expansif et l'esprit
scientifique taciturne ».
Œuvres principales : Le nouvel esprit scientifique (1934), Le rationalisme appliqué, Essai sur la connaissance approchée (1934), La formation de l'esprit
scientifique (1938), La Psychanalyse du feu (1938), L'eau et les rêves (1942), L'air et les songes (1943), La terre et les rêveries du repos (1948), La terre
et les rêveries de la volonté (1948), La Poétique de l'espace (1957)..
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