Bachelard, « C'est en termes d'obstacles qu'il faut poser le problème de la connaissance scientifique»: la notion d'obstacle épistémologique
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Thème 269
Bachelard, « C'est en termes d'obstacles qu'il faut poser le problème de la connaissance scientifique»: la
notion d'obstacle épistémologique
PRESENTATION DE "LA FORMATION DE L'ESPRIT SCIENTIFIQUE" DE BACHELARD
Gaston Bachelard (1884-1962), de formation scientifique et philosophique, a profondément renouvelé l'approche de
l'histoire des sciences.
La révolution introduite en physique par la théorie de la relativité l'a conduit à critiquer la
conception linéaire du progrès scientifique : celui-ci suppose au contraire des ruptures épistémologiques (changement
de méthode et de concepts), résultant d'une victoire de l'esprit sur ses propres blocages.
C'est précisément autour de
la notion d'« obstacle épistémologique » que s'articule La Formation de l'esprit scientifique.
L'auteur entreprend une «
psychanalyse de la connaissance objective », pour rendre à la pensée scientifique son pouvoir d'invention.
Quelles sont les conditions psychologiques de la formation de l'esprit scientifique ? La question, qui concerne à la fois
l'histoire des sciences et la pédagogie, doit être posée en termes d'obstacles : quelles sont les différentes entraves à
la constitution de la science et comment l'esprit peut-il les surmonter ? Cela va permettre de distinguer la démarche
propre à l'esprit scientifique de celle de l'esprit préscientifique.
Indications générales
Gaston Bachelard (1884-1962) est un philosophe des sciences, qui s'est intéressé en particulier à la genèse des
concepts scientifiques.
Il va jusqu'à proposer une psychanalyse des mythes et des représentations qui sous-tendent
nos conceptions communes de la matière (par exemple dans La Psychanalyse du feu, 1937).
Son travail se situe alors
à la frontière entre épistémologie et critique littéraire.
La notion d'« obstacle épistémologique» est centrale pour
comprendre l'évolution des sciences.
Citation
«Quand on cherche les conditions psychologiques des progrès de la science, on arrive bientôt à cette conviction que
c'est en termes d'obstacles qu'il faut poser le problème de la connaissance scientifique.
[...] En fait on connaît contre
une connaissance antérieure, en détruisant des connaissances mal faites, en surmontant ce qui, dans l'esprit même,
fait obstacle à la spiritualisation.
L'esprit scientifique nous interdit d'avoir une opinion sur des questions que nous ne
comprenons pas, sur des questions que nous ne savons pas formuler clairement.
Avant tout, il faut savoir poser des
problèmes».
(La Formation de l'esprit scientifique, 1938, chap.
1.)
Explication
Il faut rapprocher ce passage de ce que nous avons dit en méthodologie* à propos de la problématisation.
La pensée
commence toujours sur un paradoxe, c'est-à-dire, littéralement, dans une opposition à l'opinion commune («paradoxa»).
La science et la philosophie, sur ce point, procèdent de la même manière.
Les découvertes scientifiques ne se
font pas à partir de rien.
Même si c'est parfois par hasard que surgit la solution, une découverte n'est possible que
dans le cadre d'un processus d'investigation et d'interrogation (à rapprocher de Bacon).
Il n'y a de progrès, et même
de «révolution» scientifique que par rapport à une génération scientifique antérieure.
Exemple d'utilisation
La thèse de Bachelard peut utilement être opposée à une conception plus naïve de l'histoire des sciences, qui croit que
les sciences progressent par simple accumulation.
Bachelard met en évidence le caractère conflictuel et dialectique de
l'histoire des sciences.
On peut l'illustrer par l'exemple classique des fontainiers de Florence: la théorie aristotélicienne
expliquant que l'eau s'élève dans les pompes en vertu du principe «la nature a horreur du vide», les scientifiques du
xviie siècle considéraient comme énigmatique que l'eau cesse de monter à partir d'une certaine hauteur.
Il fallut le
génie de Torricelli (1608-1647) pour changer de paradigme scientifique et imaginer que, si l'eau montait, ce n'était pas
par «horreur du vide», mais à cause de la pression atmosphérique – ce qui expliquait aussi qu'à partir d'une certaine
hauteur, proportionnelle à cette pression, elle cesse de monter.
SUJET TYPE: La connaissance scientifique progresse-t-elle par l'accumulation des faits?
Contresens à ne pas commettre
Bachelard ne dit évidemment pas qu'il suffit de contredire ses prédécesseurs pour être génial.
La pure critique a toutes
les chances de rester stérile.
Mais l'idée de génie, qui propose une nouvelle manière de poser un problème (et donc de
le résoudre), advient nécessairement sur un fond historique..
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