Avoir tous les droits, est-ce être libre ?
Extrait du document
«
Introduction :
La liberté est entendue comme l'état d'un individu qui agit conformément à sa volonté, et qui ne subit
aucune contrainte.
Dans cette mesure, on peut penser qu'elle correspond à l'état de celui qui n'a aucune obligation,
aucun devoir, et donc tous les droits.
Le droit, c'est la possibilité, mais aussi la légitimité que possède l'homme à agir
d'une manière précise.
Aussi, la pratique humaine s'accompagne ou plutôt évolue dans un cadre précis et restreint,
à savoir la loi.
Cette dernière constitue en effet l'ensemble des règles qui non seulement encadrent mais surtout
définissent l'action de l'homme.
Ainsi, la liberté individuelle est elle-même restreinte et définie au sein de ce même
champ.
Néanmoins, il faut ajouter et clairement remarquer que la loi n'est pas seulement un ensemble de droits, ces
derniers s'accompagnent nécessairement de devoirs.
Dès lors, la liberté est-elle l'état résultant des actions de l'homme qui n'agit que selon ses droits et bafoue
ses devoirs ? Dans cette mesure être libre c'est être hors la loi.
A l'inverse, peut-on penser qu'on est libre lorsque
chacune de nos actions se trouve légiférée par la loi ? Peut-on alors coupée littéralement la loi en deux, et dire
qu'on est libre lorsqu'on jouit de nos droits, et contraints lorsqu'il s'agit d'honorer nos devoirs ?
On le comprend, il s'agit au sein de cette réflexion de comprendre, à travers la définition même de la
liberté, le rôle que le citoyen a à jouer au sein de la société.
I.
Etre libre c'est avoir tous les droits.
L'homme, dans cette perspective, ne peut être libre.
La pensée spinoziste oppose radicalement la liberté et la contrainte.
Selon lui en effet, l'individu libre n'agit et
surtout n'existe que par lui-même, aucun tiers n'intervient au sein de sa vie.
Dans cette perspective, la liberté est
bien celle de tous les droits ; l'individu qui la possède n'a besoin de rien d'autre que de lui-même pour exister et agir.
Alors, on le comprend, Spinoza affirme que l'homme n'est pas libre, et que seul Dieu l'est.
« Vous voyez donc que je
ne situe pas la liberté dans un libre décret mais dans une libre nécessité » écrit-il.
L'homme est un être de désir, et
croit agir librement alors qu'il est sans cesse guidé et littéralement animé par ces derniers.
Ainsi, avoir tous les droits c'est être libre.
Dans cette mesure, l'homme n'accède pas à cette qualité, puisqu'il agit
souvent, voire toujours, selon ses désirs, mais également parce que ses droits, à lui, s'accompagnent de devoirs.
Pour ma part, je dis que cette chose est libre qui existe et agit par la
seule nécessité de sa nature, et contrainte cette chose qui est
déterminée par une autre à exister et à agir selon une modalité précise
et déterminée.
Dieu, par exemple, existe librement (quoique
nécessairement) parce qu'il existe par la seule nécessité de sa nature.
De même encore, Dieu connaît soi-même et toutes choses en toute
liberté, parce qu'il découle de la seule nécessité de sa nature qu'il
comprenne toutes choses.
Vous voyez donc que je ne situe pas la
liberté dans un libre décret, mais dans une libre nécessité.
Introduction
Il s'agit de définir la liberté.
1.
En opposant liberté et contrainte, et en associant liberté et nécessité.
La
liberté se situe dans « la libre nécessité ».
2.
Ainsi Dieu est libre en tant qu'il existe « par la seule nécessité de sa nature
».
Développement
C'est une définition de la liberté que Spinoza reconnaît sienne : « Pour ma
part, je dis que ».
Mais ce « je dis que » est une simple limite de courtoisie.
Il faut entendre que Spinoza donne la
définition de la liberté, telle qu'il l'entend à l'intérieur de son système philosophique, telle qu'on doit l'entendre, pour
comprendre sa doctrine et surtout telle qu'elle lui apparaît comme juste.
1.
Tout d'abord, et c'est d'emblée le centre même de la position de Spinoza, la notion de liberté est à comprendre
dans sa distinction d'avec la notion de contrainte.
Plus simplement, la notion de liberté est à opposer à la notion de
contrainte (et non à celle de nécessité).
D'où, d'un point de vue stylistique, la construction symétrique : « je dis
que cette chose est libre [...], je dis que cette chose est contrainte ».
Construction symétrique qui oppose une
chose qui existe et agit (du côté de la liberté) à une chose qui est déterminée (du côté de la contrainte).
Plus précisément d'un côté l'autonomie (« par la seule nécessité de sa nature »), de l'autre l'hétéronomie (« par une
autre [chose] à exister et à agir »).
Notons en passant que la notion d'existence, renvoie aussi bien à « l'existence
nécessaire par essence » (c'est-à-dire liberté) qu'à « l'existence nécessaire par causalité externe (c'est-à-dire
déterminisme).
Quant à agir, il s'agit non pas d'une action finalisée, mais d'une production immanente à la Nature.
Autrement dit, de l'extérieur et à première vue, on peut ne voir guère de différence : une chose (quelle qu'elle soit)
existe et agit — et ceci qu'elle soit libre ou contrainte...
Mais dès qu'on pousse l'investigation en se posant la
question de savoir ce qui fait exister et agir une telle chose, une classification s'impose — et une différence éclate.
Soit la chose existe et agit par elle-même (« par la seule nécessité de sa nature »), soit la chose n'existe et n'agit.
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