«Avec Jean Giraudoux, Électre devient une sorte de tragi-comédie merveilleusement subtile [...] alliant la verve ironique à la pathétique éloquence et évoluant même, au deuxième acte, vers le drame policier », écrivait, en 1937, Edmond Sée dans l'oeuvre.
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La citation loue l'originalité de l'écriture dramatique de Giraudoux. Force en effet est d'en constater la grande variété de registres. Celle-ci est au service du tragique qu'il s'agit de renouveler. Ainsi Électre apparaît-elle comme une pièce de l'ambiguïté. I. Une grande variété dans l'écriture Le mélange des genres et des tons en est la caractéristique la plus évidente.
Le mélange des genres Constamment la pièce oscille entre la tragédie et la comédie. Dès la première scène, le spectateur plonge dans un univers plaisant avec la présence de villageois en costumes de fêtes pour les noces annoncées du Jardinier. Le couple des Théocathoclès introduit une note divertissante : la scène de ménage à laquelle ils s'adonnent (II, 6) ne serait pas déplacée dans une comédie de Molière (dans George Dandin par exemple) ou de Beaumarchais (Le Mariage de Figaro). D'autres scènes relèvent en revanche du plus pur registre tragique, comme celle du grand affrontement entre Égisthe et Électre (II, 8), ou comme les récitatifs du Mendiant relatant le meurtre d'Agamemnon puis l'assassinat d'Égisthe et de Clytemnestre par Oreste (II, 9).
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«Avec Jean Giraudoux, Électre devient une sorte de tragi-comédie merveilleusement subtile [...] alliant la verve
ironique à la pathétique éloquence et évoluant même, au deuxième acte, vers le drame policier », écrivait, en 1937,
Edmond Sée dans l'oeuvre.
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La citation loue l'originalité de l'écriture dramatique de Giraudoux.
Force en effet est d'en constater la grande variété de registres.
Celle-ci est au service du tragique qu'il s'agit de renouveler.
Ainsi Électre apparaît-elle comme une pièce de l'ambiguïté.
I.
Une grande variété dans l'écriture
Le mélange des genres et des tons en est la caractéristique la plus évidente.
Le mélange des genres
Constamment la pièce oscille entre la tragédie et la comédie.
Dès la première scène, le spectateur plonge dans un univers plaisant
avec la présence de villageois en costumes de fêtes pour les noces annoncées du Jardinier.
Le couple des Théocathoclès introduit une
note divertissante : la scène de ménage à laquelle ils s'adonnent (II, 6) ne serait pas déplacée dans une comédie de Molière (dans
George Dandin par exemple) ou de Beaumarchais (Le Mariage de Figaro).
D'autres scènes relèvent en revanche du plus pur registre tragique, comme celle du grand affrontement entre Égisthe et Électre (II, 8),
ou comme les récitatifs du Mendiant relatant le meurtre d'Agamemnon puis l'assassinat d'Égisthe et de Clytemnestre par Oreste (II, 9).
Le mélange des tons
À cette diversité des genres correspond une grande variété de tons.
Le burlesque* alterne avec l'éloquence lyrique* d'Égisthe prêtant
son serment de roi : «Ô puissance du monde, puisque je vous dois invoquer à l'aube de ce mariage » (II, 7, p.
105).
À l'intérieur d'une même scène, et parfois d'une même réplique, le vocabulaire le plus noble voisine avec la formule familière.
Ainsi le
Mendiant peut s'interroger sur le caractère de Clytemnestre, sur la fraternité et se lancer dans une digression sur les «petits canards »
(I, 13).
Les anachronismes* sont nombreux.
Agathe reçoit son amant dans une maison à étages, craint pour ses verres de cristal, parle d'un
vétérinaire.
Égisthe fait référence dans la même phrase à l'exportation des vaches, au prix du beurre et à la Crucifixion (I, 3).
Cet
amalgame permanent ne peut que déconcerter.
II.
Renouveler le tragique
Cette désinvolture dans la manière de traiter l'un des sujets les plus tragiques de la mythologie grecque n'a toutefois rien de gratuit.
Elle obéit à une double volonté de moderniser et de dramatiser le mythe.
Une volonté de moderniser le mythe
Il s'agit moins pour Giraudoux de désacraliser le mythe que d'élargir sa portée.
La présence des époux Théocathoclès, dont on a pu
dire qu'ils introduisaient un élément bourgeois dans la tragédie royale des Atrides*, est indispensable à la progression de l'action.
Ce
qu'a vécu Clytemnestre avec Agamemnon, Agathe le vit avec son ridicule mari.
C'est le même naufrage conjugal.
Ainsi, le drame n'apparaît pas comme une spécificité ou un privilège royal : chacun, à son niveau, peut le connaître.
Mais il ne
s'exprime pas bien sûr de la même façon.
De là vient le mélange des genres et des tons.
C'est la même réalité vécue sous des formes
différentes, parfois comiques, parfois pathétiques, parfois tragiques.
Les anachronismes remplissent la même fonction.
S'ils font sourire, ils n'en soulignent pas moins l'intemporalité du mythe.
Le tragique
n'est lié ni à une époque précise ni à un lieu déterminé.
Une volonté de dramatiser le mythe
Étymologiquement, le mot « drame» désigne le déroulement d'une action.
Or comment rendre plus captivante une intrigue sinon en lui
donnant la forme d'une enquête policière ? Chez les prédécesseurs de Giraudoux, Électre sait dès le début que son père a été
assassiné et connaît l'identité des meurtriers.
L'action réside dans les préparatifs de la vengeance et dans un débat sur l'horreur du
matricide.
Giraudoux est le premier à avoir imaginé qu'Électre ne sait, à l'origine, rien.
Aussi se comporte-t-elle comme une enquêtrice,
recueillant des indices, menant des interrogatoires, vérifiant les alibis.
L'intérêt dramatique s'en trouve renforcé.
La façon dont, à la
scène 8 de l'acte II, elle pousse littéralement Clytemnestre dans ses ultimes retranchements et dont elle la force à avouer, en est une
preuve éclatante.
III.
Une pièce de l'ambiguïté
Électre est ainsi une pièce aux facettes multiples, qui repose sur une esthétique de la diversité et sur une éthique de l'ambivalence.
Une esthétique de la diversité
L'alliance de la fantaisie verbale, de la quête policière et du dialogue tragique renvoie à une esthétique de la diversité.
Giraudoux
conçoit le théâtre comme un espace de liberté où tout est possible, même le merveilleux, par le biais des Euménides*.
Qu'il entre dans
cette conception une part de jeu est évident.
C'est là sans doute une des raisons pour lesquelles on a souvent qualifié le théâtre de Giraudoux de précieux*.
La fantaisie verbale y
débouche sur des paradoxes, sur des associations, sur des formules frappantes.
Une éthique de l'ambivalence
Cette esthétique de la diversité est mise au service d'une philosophie et d'une morale.
La fin d'Électre ne se veut pas seulement placée
sous le signe de la catastrophe et du pessimisme.
Le dernier mot de la pièce est le terme « aurore ».
À l'idée d'anéantissement se
substitue le thème de l'espoir.
Rien ne finit jamais chez Giraudoux, comme rien n'est manichéen.
Comment choisir en toute bonne foi
entre le patriotisme d'Égisthe et les exigences supérieures de la Justice qu'incarne Électre ?.
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