Autrui: fin ou moyen ?
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«
VOCABULAIRE:
FIN / FINALITE:
1.
— Terme, limite, cessation, interruption d'un phénomène ; opposée à commencement.
2.
— But vers lequel tend
un acte (SYN.
dessein) ; ce en vue de quoi quelque chose est fait ; opposée à moyen.
Rem.
: les sens 1 et 2 sont
souvent confondus, comme dans l'adage : « La fin est première dans l'intention, dernière dans l'exécution » ; la
confusion entraîne celle de la cessation d'une action, du dessein qui préside à son exécution et du but qu'elle
atteint ; c'est cette confusion qui est au coeur de l'idée ant.
selon laquelle la fin d'un être est sa perfection, son
achèvement.
3.
— (Par anal.) Ce qui explique pourquoi une chose est telle qu'elle est : organisation de son activité
ou de ses parties ; cf.
finalité.
4.
— Fin dernière : fin ultime au sens de but ou de terme absolu, tel que le souverain
bien ; SYN.
fin suprême ; fin en soi : pour KANT, fin objective, nécessaire, inconditionnelle ; opposée à fin
subjective, empirique.
5.
— Règne des fins : état dans lequel les volontés des êtres raisonnables sont censées
s'accorder entre elles et avec l'ordre du monde (SYN.
monde des esprits) ; il s'agit pour KANT d'un idéal pratique
posant la liaison systématique, par des lois objectives communes, des êtres raisonnables en tant qu'ils sont une fin
en soi, et qu'ils peuvent se proposer des fins.
6.
— Final : a) Qui constitue ou concerne un terme ; SYN.
ultime,
dernier, opposé à initial.
b) Cause finale : qui provoque ou explique un fait à la manière d'un but à atteindre, ou
comme moyen par rapport à une fin ; opposée à cause efficiente ; cf.
cause, finalisme, téléonomie.
7.
— Finalité.
:
a) Fait de posséder une fin, une signification, d'être organisé selon un dessein, un plan ; on distingue : la finalité
externe qui a pour fin un être autre que celui dont il est question ; la finalité interne à un être dont les parties sont
considérées réciproquement comme moyen et fin (cf.
un organisme) ; la finalité immanente qui résulte de la nature
et du développement de l'être même (adaptation du vivant à son milieu) ; la finalité transcendante qui est réalisée
dans un être par l'action qu'exerce sur lui un autre être.
b) Principe de finalité : la nature ne fait rien en vain, c.-àd.
tout être a une fin ; d'où, à l'inverse, l'idée d'une preuve de l'existence de Dieu à partir de l'existence de la finalité
dans la nature ; cf.
téléologique (argument ).
8.
— Finalisme : a) Caractère de ce qui dépend d'une fin.
b) Toute
doctrine qui affirme l'existence d'une cause finale de l'univers, ou (par ext.) qui utilise les causes finales comme
principes explicatifs ; opposé à mécanisme.
MOYEN: Ce qui sert à la réalisation d'une fin: "La fin justifie les moyens."
Kant: l'antagonisme de l'insociable sociabilité
• L'homme a tendance à la fois à s'associer à d'autres hommes pour se
renforcer, mais aussi à s'isoler pour rechercher son intérêt propre.
Cette
dernière propension le pousse à résister à autrui pour s'imposer.
Ainsi trouvet-il des forces qui le mènent peu à peu vers la culture.
• Cet antagonisme en l'homme se résume dans une « insociable sociabilité » :
l'homme ne peut ni se passer d'autrui, ni vivre harmonieusement avec autrui.
Cette double postulation au sein de la société humaine fait d'autrui un moyen
paradoxal de civilisation et sert ainsi les desseins de la nature qui poursuit ses
fins supra-humaines à travers nous.
«J'entends ici par antagonisme l'insociable sociabilité des hommes, c'est-àdire leur inclination à entrer en société, inclination qui est cependant doublée
par une répulsion générale à le faire, menaçant constamment de désagréger
cette société.» Kant, Idée d'une histoire universelle au point de vue
cosmopolitique (1784).
• Kant dit bien la tension interne qui règne dans le tempérament humain et,
du coup, dans la société.
D'un côté, les hommes tendent à s'associer, de
l'autre, ils y répugnent.
L'homme est ambivalent, et la société est traversée à
la fois par des forces qui la maintiennent, et des forces qui la mettent en
danger.
• Cependant, l'effet de ces forces est, lui aussi, ambivalent.
Car Kant voit dans cet égoïsme naturel des hommes,
dans leur vanité et leur désir de domination, un aiguillon qui les pousse à développer leurs talents.
Sans cela, la
société baignerait «dans une concorde, une satisfaction et un amour mutuel parfaits», qui serait, en fait, moins
profitable à l'espèce que cette émulation.
L'égoïsme a donc paradoxalement aussi son rôle à jouer dans le
développement de la société.
« L'homme a un penchant à s'associer, car dans un tel état, il se sent plus qu'homme par le développement de ses
dispositions naturelles.
Mais il manifeste aussi une grande propension à se détacher (s'isoler), car il trouve en même
temps en lui le caractère d'insociabilité qui le pousse à vouloir tout diriger dans son sens ; et de, ce fait, il s'attend
à rencontrer des résistances de tous côtés, de même qu'il se sait par lui-même enclin à résister aux autres.
C'est
cette résistance qui éveille toutes les forces de l'homme, le porte à surmonter son inclination à la paresse, et, sous
l'impulsion de l'ambition, de l'instinct de domination ou de cupidité, à se frayer une place parmi ses compagnons qu'il
supporte de mauvais gré, mais dont il ne peut se passer.
L'homme a alors parcouru les premiers pas, qui de la
grossièreté le mènent à la culture dont le fondement véritable est la valeur sociale de l'homme […] .
Sans ces
qualités d'insociabilité, peu sympathiques certes par elles-mêmes, source de la résistance que chacun doit
nécessairement rencontrer à ses prétentions égoïstes, tous les talents resteraient à jamais enfouis en germes, au.
»
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