Auguste COMTE
Extrait du document
«
"Il est sensible, en effet, que, par une nécessité invincible, l'esprit humain peut observer directement
tous les phénomènes, excepté les siens propres.
Car, par qui serait faite l'observation ? On conçoit,
relativement aux phénomènes moraux, que l'homme puisse s'observer lui-même sous le rapport des
passions qui l'animent, par cette raison, anatomique, que les organes qui en sont le siège sont distincts
de ceux destinés aux fonctions observatrices.
Encore même que chacun ait eu occasion de faire sur lui
de telles remarques, elles ne sauraient évidemment avoir jamais une grande importance scientifique, et
le meilleur moyen de connaître les passions sera-t-il toujours de les observer en dehors ; car tout état
de passion très prononcé, c'est-à-dire précisément celui qu'il serait le plus essentiel d'examiner, est
nécessairement incompatible avec l'état d'observation.
Mais, quant à observer de la même manière les
phénomènes intellectuels pendant qu'ils s'exécutent, il y a impossibilité manifeste.
L'individu pensant
ne saurait se partager en deux dont l'un raisonnerait, tandis que l'autre regarderait raisonner.
L'organe
observé et l'organe observateur étant, dans ce cas, identiques, comment l'observation pourrait-elle
avoir lieu ?" COMTE.
En ce texte, Auguste Comte cherche à ruiner les psychologies fondées sur l'introspection, ou observation directe
de l'esprit par lui-même.
Le texte commence par l'énoncé brutal de la thèse de Comte : de même qu'un oeil ne peut se regarder regardant
— à moins qu'il ne soit en face d'un miroir —, un esprit ne peut observer directement ses propres phénomènes.
L'explication qui s'ensuit apporte quelques précisions qui nuancent cette affirmation.
Il convient de distinguer
entre :
1) L'observation des phénomènes moraux, comme les passions, qui., parce que « les organes qui en sont le siège
sont distincts de ceux destinés aux fonctions observatrices », peuvent faire l'objet d'observations accomplies par
le sujet qui en est victime.
Ainsi puis-je constater l'altération soudaine que provoque dans mes poumons une
douleur profonde ou une surprise.
Il importe cependant de préciser que ces observations ne sont possibles que tant que la passion demeure peu
violente.
La confusion du célèbre témoignage de Phèdre montre leurs limites :
« Je le vis, je rougis, je pâlis à sa vue ;
Un trouble s'éleva dans mon âme éperdue ;
Mes yeux ne voyaient plus, je ne pouvais parler ; Je sentis tout mon corps et transir et brûler.
»
On comprend dès lors que ces observations « ne sauraient évidemment avoir jamais une grande importance
scientifique.
»
2) L'observation immédiate des phénomènes intellectuels par l'esprit qui les accomplit est impossible.
Un
mathématicien qui veut s'observer en train de résoudre un problème doit suspendre ses recherches
mathématiques ; de sorte qu'il est, en définitive, aussi ridicule qu'un cycliste qui descendrait de sa bicyclette
pour se regarder pédaler.
Comment l'esprit peut-il donc accéder à la conscience de soi ? En contemplant ses oeuvres, en lesquelles sont
inscrits les procédés, les méthodes et les lois auxquels il s'est soumis sans en avoir d'abord conscience.
Aucune
lumière n'éclaire la nuit de notre for intérieur, c'est pourquoi l'esprit doit sortir de lui-même, s'objectiver en des
créations comme les religions, l'art, les institutions ou les sciences pour accéder, en les étudiant, à la conscience
de soi..
»
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