Auguste COMTE
Extrait du document
«
"Il n'y a donc pas et il ne saurait y avoir de régime politique absolument préférable à tous les autres, il y a seulement des états de civilisation plus
perfectionnés les uns que les autres.
Les institutions bonnes à une époque peuvent être et sont même le plus souvent mauvaises à une autre, et
réciproquement.
Ainsi, par exemple, l'esclavage, qui est aujourd'hui une monstruosité, était certainement, à son origine, une très belle institution, puisqu'elle
avait pour objet d'empêcher le fort d'égorger le faible ; c'était un intermédiaire inévitable dans le développement général de la civilisation.
De même, en sens
inverse, la liberté, qui, dans une proportion raisonnable, est si utile à un individu et à un peuple qui ont atteint un certain degré d'instruction et contracté
quelques habitudes de prévoyance, parce qu'elle permet le développement de leurs facultés, est très nuisible à ceux qui n'ont pas encore rempli ces deux
conditions, et qui ont indispensablement besoin, pour eux-mêmes autant que pour les autres, d'être tenus en tutelle.
Il est donc évident qu'on ne saurait
s'entendre sur la question absolue du meilleur gouvernement possible." COMTE.
La question de la nature du gouvernement idéal a souvent été au centre des débats philosophiques, notamment dans l’antiquité.
Ainsi, Platon décrit dans La
république, la structure que doit adopter la cité idéale et le type de gouvernement formé de philosophes.
Auguste C omte est le fondateur d’un mouvement
appelé « positivisme », méthode épistémologique qui se fonde uniquement sur l’expérience et la connaissance empirique des phénomènes.
Ici, il s’attaque à la
possibilité théorique de décrire le régime politique idéal en tout temps et en tout lieu.
Mais pourquoi cela est-il impossible ? Pour A uguste Comte, le régime
politique semble assujetti au type de civilisation toujours changeant.
En quoi cela témoigne du positivisme ?
Les civilisations évoluent et la forme politique doit s’y adapter
- Auguste Comte s’appuie sur le fait que les états de civilisation évoluent.
Cela ne semble pas souffrir de contradiction.
Les sociétés changent et le terme
« évoluer » n’indique pas seulement un progrès positif.
Les mœurs et les opinions des peuples suivent ce changement.
Nous ne vivons pas de la même manière
et ne pensons pas de la même manière que sous l’ancien régime ou qu’à l’antiquité.
- Or pour l’auteur, le régime politique doit s’adapter à la mentalité de l’époque et des citoyens.
Son efficacité et sa justice ne sont pas absolues.
On ne peut
donc pas trouver le régime politique idéal.
Dès lors, une institution et un régime politique qui fonctionnaient dans l’antiquité, ne sont pas forcément viables
dans une civilisation antérieure.
« Les institutions bonnes à une époque peuvent être et sont même le plus souvent mauvaises à une autre, et
réciproquement.
».
C ette critique est parallèle à celle que Pascal faisait concernant les lois.
«Plaisante justice qu'une rivière borne! Vérité en deçà des
Pyrénées, erreur au-delà ».
Le régime politique est relatif aux nations.
- C ’est pour cela que A uguste Comte affirme que l’esclavage a pu être à son origine une bonne chose.
Cette affirmation peut être choquante mais c’est
justement parce que nous jugeons avec la moralité et la mentalité de notre époque.
Mais, l’esclavage avait son utilité à l’époque de son invention, une utilité
jugée bonne : « elle avait pour objet d’empêcher le fort d’égorger le faible ».
Dès lors, il faut renoncer à juger les choses selon notre point de vue ethnocentrique, en prenant son point de vue comme celui dominant et meilleur.
La liberté n’est pas une bonne chose pour tous
- Par la suite, A uguste C omte affirme, en appliquant cette relativité du régime politique, que la liberté n’est peut être pas bonne pour tous les peuples et tous
les individus.
Elle est une institution qui dépend de l’état de la civilisation.
Il commence bien sûr par reconnaître les mérites de la liberté.
Il serait en effet, insensé à notre époque de critiquer totalement la liberté, alors qu’elle apparaît
dans nos sociétés comme un des biens les plus précieux.
Ainsi, la liberté donne la possibilité à l’individu de s’épanouir, de développer ses facultés.
- Mais la liberté est utile seulement si les individus qui en jouissent, ont reçu un enseignement, une éducation.
C ’est ce que laisse penser la phrase, la liberté
est utile « à un peuple qui ont atteint un certain degré d'instruction ».
La liberté, pour être utilisée à bon escient, doit aussi supposé la capacité de prévoir les
conséquences de ces actes.
En effet, si je peux faire tout ce que je veux, sans comprendre que faire ce que je veux peut m’exposer à des dangers, alors la
liberté est plus un danger pour moi qu’autre chose.
C ’est pour cela que les enfants sont sous la responsabilité de leurs parents, parce qu’ils n’arrivent pas
encore à prendre en compte ce que leurs actions causent.
- A insi, Auguste C omte justifie le droit de tutelle d’un individu pour son propre bien et aussi celui des autres.
Il n’y a pas de Bien absolu.
- Pourtant, si ce droit de tutelle peut se légitimer pour un individu, il est plus difficile de l’appliquer à un peuple entier.
Qui aurait le droit de décider qu’un
peuple est incapable d’être libre ? Qui aurait le droit de le mettre sous tutelle et le priver de sa liberté ? Cela pose de gros problèmes moraux.
- C haque peuple invente le régime politique qui lui convient, puisque selon le principe d’Auguste Comte, seuls les individus d’une civilisation donnée,
établissent ce qui leur semble le meilleur pour eux.
Des institutions extérieures à un pays, à une civilisation ne peuvent juger pour eux.
- A uguste Comte ici, met en place la méthode positiviste.
Selon la distinction traditionnelle, la science s’occupe de ce qui est, la morale de ce qui devrait être.
Pourtant, Auguste Comte ici affirme qu’il n’est pas possible de déterminer le Bien absolu, il va même plus loin en affirmant que ce dernier n’existe pas.
Ses
propos s’opposent à la métaphysique parce que celle-ci s’intéresse seulement à ce qui découle de la raison et qui n’est pas observable.
Pour l’auteur, il faut
s’appuyer sur l’observation des faits et essayer d’énoncer des lois qui leur sont relatives.
Ce serait une erreur que de discuter de ce que l’on ne peut pas voir.
C’est pour cela que la question du meilleur régime politique ne peut trouver de réponse comme il est dit dans la dernière phrase.
Parce que les philosophes
réfléchissent à ce problème, non en s’appuyant sur les faits et les régimes qui existent.
De fait, pour Auguste Comte, la morale devient une science à part entière, la septième dans son œuvre, qui doit s’appuyer sur les faits et les évènements et
qui doit s’appuyer sur la connaissance de la nature humaine.
- Comment améliorer les institutions présentes si l’on ne peut pas réfléchir en fonction d’un Bien absolu ou de ce qui devrait être ? Il ne faut en effet, pas
laisser tomber la question du perfectionnement des institutions et régimes politiques, au risque de stagner dans un état.
Il faut toujours essayer d’œuvre pour
le bien de l’humanité, de progresser vers une situation meilleure.
Cela est difficile à dire.
N’est-ce pas en posant un idéal, même s’il n’existe pas, que nous
pouvons essayer de nous améliorer ? Ne pouvons pas dire avec Kant que le Bien absolu, comme idéal, ne peut avoir d’intérêt pratique ?
Ainsi, l’efficacité et le bien d’un régime politique est relatif à des normes qui sont immanents à l’état social dans lequel nous vivons.
Il n’y a pas de Bien en soi,
car ce qui est bon est relatif aux mœurs qui résultent de la marche de la civilisation.
Le régime politique de l’antiquité peut nous paraître choquant et ne pas
fonctionner de nos jours, parce qu’il est lié à la civilisation particulière de l’époque.
C’est pour cela que la liberté peut être un bien dans une civilisation
préparée à son utilisation et un mal dans une civilisation qui n’a pas les capacités de se gérer et de prévoir les conséquences de ces actes.
Pourtant les
propos de Comte, empreints de positivisme, posent de nombreux problèmes : comment améliorer les institutions, essayer de se perfectionner sans l’idée d’un
Bien absolu ?.
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