Auguste COMTE
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Sujet 2084
Le but de la science est-il la réussite technique ?
" Science, d'où prévoyance : prévoyance, d'où action ; telle est la formule très simple qui exprime, d'une manière exacte, la relation
générale de la science et de l'art, prenant ces deux expressions dans leur acception totale.
Mais malgré l'importance capitale de cette relation, qui ne doit jamais être méconnue, ce serait se former des sciences une idée bien
imparfaite que de les concevoir seulement comme les bases des arts, et c'est à quoi malheureusement on n'est que trop enclin de
nos jours.
Quels que soient les immenses services rendus à l'industrie par les théories scientifiques, quoique, suivant l'énergique
expression
de Bacon, la puissance soit nécessairement proportionnée à la connaissance, nous ne devons pas oublier que les sciences ont, avant
tout, une destination plus directe et plus élevée, celle de satisfaire au besoin fondamental qu'éprouve notre intelligence de connaître
les lois des phénomènes."
Auguste Comte, Cours de philosophie positive (1830-1842)
Pour Auguste Comte, toute recherche gratuite et désintéressée est un non-sens.
Il pense, au contraire, que la
connaissance scientifique doit être au service de la société et que les recherches qui n'ont d'autres buts qu'ellesmêmes ne sont que perte de temps et luxe inutile.
Le positivisme développe une conception pratique voire
pragmatique de la connaissance scientifique.
Ce que défend ce texte:
Auguste Comte distingue, dans ce texte, le domaine de la théorie, qui est celui de la science, et celui de la pratique, qui concerne le
champ de la technique.
Certes, la science permet la prévision des phénomènes grâce aux lois qu'elle établit sur les relations invariables qui existent entre
eux.
En s'appuyant sur le principe de causalité, elle nous permet en effet d'agir sur la nature, car nous savons que telle cause
produira tel effet sur les phénomènes qui la manifestent.
En outre, nous pouvons, grâce à cette prévision, agir pour empêcher que certains d'entre eux se produisent.
Ainsi, lorsqu'un
médecin connaît les effets induits par telle substance chimique sur l'organisme, il peut s'opposer au développement d'une maladie en
l'administrant au malade, sous forme de médicament.
Dans ce dernier
cas, on dira que la prévision (la connaissance des vertus d'une substance) a précédé et guidé l'action de soigner et la guérison.
Ces vérités, Comte les rappelle au début de ce texte dans une formule simple : « science, d'où prévoyance : prévoyance d'où action
».
Il s'agit là de l'expression la plus générale des relations qui s'établissent entre la science et l'art et, par ce mot « art », il faut
entendre l'ensemble des connaissances pratiques et appliquées, l'ensemble des savoir-faire techniques qui donnent lieu à des
métiers.
Cette relation, Descartes en avait déjà souligné l'importance dans Le Discours de la méthode, lorsqu'il y avait affirmé que cette
philosophie (science) appliquée était seule en mesure de « nous rendre comme maîtres et possesseurs de la nature ».
Ce à quoi s'oppose cet extrait:
Toutefois, Comte cherche ici à dénoncer une confusion.
Quelle que soit l'importance que l'on accorde à l'idée de science appliquée,
c'est-à-dire tournée vers ses applications techniques les plus concrètes et les plus utiles, « ce serait se former des sciences une idée
bien imparfaite que de les concevoir seulement comme les bases des arts ».
L'auteur nous rappelle, en effet, que le but premier de la science est d'ordre théorique et concerne la connaissance.
Il retrouve ainsi
la conception grecque qui définissait la théoria comme une contemplation désintéressée, c'est-à-dire ayant valeur par elle-même et
non pour les commodités ou l'utilité pratique qu'elle peut nous apporter.
Il s'agit donc de nuancer la conception que Francis Bacon, avant Descartes, développa dans son Novum Organum et selon laquelle
notre puissance est « nécessairement proportionnée à la connaissance ».
Bacon cherchait à s'opposer alors à la conception grecque
de la science héritée de Platon et d'Aristote, enfermée dans des raisonnements complexes et vides, et marquée par une méfiance
constante à l'égard du témoignage des sens, empêchant tout développement de la recherche expérimentale.
L'objectif d'Auguste Comte ne consiste donc pas ici à remettre en cause la valeur de l'expérimentation.
Celle-ci est essentielle à
l'exercice de la recherche scientifique, qui s'inscrit dans un rapport constant entre théorie et expérience.
Son propos ne porte pas sur
l'expérimentation, mais sur les applications techniques tirées de la science, qui ne doivent pas, selon lui, conditionner la recherche et
primer sur elle.
La réhabilitation de l'expérimentation, opérée avec Bacon, ne doit donc pas nous faire oublier que « les sciences ont,
avant tout, une destination plus directe et plus élevée » que celle qui consiste à nous apporter des perfectionnements et des
commodités techniques.
Cette destination correspond à la satisfaction d'un besoin non du corps mais de l'esprit, celui, fondamental, qu'éprouve notre
intelligence de connaître les lois des phénomènes.
La science est donc par essence spéculative et c'est là sa fonction première.
Elle
ne doit donc pas laisser guider ses recherches par le seul intérêt pratique et technique mais respecter son idéal de recherche de la
vérité.
Science,
d'où
prévoyance;
prévoyance,
d'où
action.
(Cours
de
philosophie positive)
Il faut lier théorie et pratique.
La connaissance permet à l'homme de
prévoir et donc d'agir sur le monde.
La science permet à l'homme,
par sa connaissance de la nature, de développer des techniques
pour satisfaire ses besoins.
Il ne faut néanmoins pas en conclure que
la science ne sert qu'au développement de l'industrie.
Elle a aussi
pour but de satisfaire le besoin de connaissance de notre
intelligence..
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