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Auguste COMTE

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On ne doit pas, sans doute, exagérer l'influence de l'intelligence sur la conduite des hommes. Mais, certainement, la force de la démonstration a une importance très supérieure à celle qu'on lui a supposée jusqu'ici. U histoire de l'esprit humain prouve que cette force a souvent déterminé, à elle seule, des changements dans lesquels elle avait à lutter contre les plus grandes forces humaines réunies. Pour n'en citer que l'exemple le plus remarquable, c'est la seule puissance des démonstrations positives qui a fait adopter la théorie du mouvement de la Terre, qui avait à vaincre non seulement la résistance du pouvoir théologique, encore si vigoureux à cette époque, mais surtout l'orgueil de l'espèce humaine tout entière, appuyé sur les motifs les plus vraisemblables qu'une idée fausse ait jamais eus en sa faveur. Des expériences aussi décisives devraient nous éclairer sur la force prépondérante qui résulte des démonstrations véritables. C'est principalement parce qu'il n'y en a jamais eu encore dans la politique, que les hommes d'État se sont laissés entraîner dans de si grandes aberrations pratiques. Que les démonstrations paraissent, les aberrations cesseront bientôt. Auguste COMTE

« On ne doit pas, sans doute, exagérer l'influence de l'intelligence sur la conduite des hommes.

Mais, certainement, la force de la démonstration a une importance très supérieure à celle qu'on lui a supposée jusqu'ici.

U histoire de l'esprit humain prouve que cette force a souvent déterminé, à elle seule, des changements dans lesquels elle avait à lutter contre les plus grandes forces humaines réunies.

Pour n'en citer que l'exemple le plus remarquable, c'est la seule puissance des démonstrations positives qui a fait adopter la théorie du mouvement de la Terre, qui avait à vaincre non seulement la résistance du pouvoir théologique, encore si vigoureux à cette époque, mais surtout l'orgueil de l'espèce humaine tout entière, appuyé sur les motifs les plus vraisemblables qu'une idée fausse ait jamais eus en sa faveur.

Des expériences aussi décisives devraient nous éclairer sur la force prépondérante qui résulte des démonstrations véritables.

C'est principalement parce qu'il n'y en a jamais eu encore dans la politique, que les hommes d'État se sont laissés entraîner dans de si grandes aberrations pratiques.

Que les démonstrations paraissent, les aberrations cesseront bientôt. VOCABULAIRE: DÉMONSTRATION : C’est un raisonnement conduisant à une conclusion certaine car nécessaire (aucune autre n’étant possible).

La démonstration est une preuve ne reposant que sur la raison.

Le sceptique demande généralement alors ce qui prouve la raison… Introduction Les grandes révolutions de pensée qui ont donné naissance aux différentes sciences constituent un objet de choix pour la réflexion.

C'est qu'à chaque fois elles se sont produites malgré la ténacité de représentations idéologiques que l'homme avait intérêt à maintenir, soit qu'elles lui donnaient l'illusion de l'évidence et de la facilité, soit qu'elles le sécurisaient.

À des titres divers, Copernic, Darwin, Marx et Freud, ont pu éprouver la « résistance » que rencontraient leurs conceptions.

Quels facteurs ont permis le dépassement de ces représentations ? Par quelle force a pu être brisée la résistance des préjugés et des idées toutes faites ? L'étude du texte d'Auguste Comte, et du point de vue qu'il développe, nous permettra d'aborder ces questions. Étude ordonnée du texte (explication proprement dite) Le texte proposé porte en effet sur les facteurs de la « rupture épistémologique » qui permet l'avènement d'une conception scientifique du Monde, et ce, en général (même si l'exemple choisi - l'astronomie - semble spécifier l'objet de la réflexion).

Auguste Comte défend une thèse relativement simple : c'est à la « force de la démonstration » qu'il faut attribuer l'avènement du point de vue scientifique, s'imposant contre des représentations qui lui préexistent et lui font obstacle.

Il explicite cette thèse en parlant de la « puissance des démonstrations positives », « véritables », qu'il oppose sans doute aux constructions théoriques plus ou moins imaginaires, que rien n'étaie concrètement, et qu'aucune méthode rigoureuse d'analyse, d'observation et de calcul n'a établies.

Comment l'auteur du texte développe-t-il cette thèse ? Dans un premier temps (les deux premières phrases), il l'énonce sous la forme d'une critique implicite du point de vue qui tend à minorer le rôle de la « démonstration ».

Dans un second temps (« L'histoire de l'esprit humain [...

] en sa faveur. »), il illustre sa thèse et s'efforce de la prouver en évoquant l'histoire de la connaissance scientifique, notamment, l'exemple de l'avènement de l'astronomie (Copernic, Galilée).

Cet exemple révèle, selon lui, la « force des démonstrations positives », puisque le géocentrisme qui fut alors démenti s'appuyait à la fois sur des conceptions théologiques (théorie chrétienne de la Création telle qu'elle figure dans l'Ancien Testament) et sur l'intérêt que l'homme peut avoir à se représenter le Monde d'une façon anthropocentriste et finalisée.

Enfin, dans un dernier temps (la fin du texte), après avoir réaffirmé sa thèse, Auguste Comte utilise une sorte d'exemple a contrario, en évoquant le domaine politique, où l'absence de « démonstrations positives » explique, selon lui, les « aberrations pratiques ».

Un texte d'argumentation relativement simple (énoncé de la thèse - illustration et démonstration positive à l'aide d'un exemple -, confirmation « négative » à l'aide d'un exemple a contrario), dont il convient cependant d'expliciter certains aspects. Que recouvre pour l'auteur la « force des démonstrations positives » ? L'exemple qu'il choisit (révolution copernicienne et galiléenne) peut nous renseigner.

On sait que l'hypothèse héliocentriste a été proposée par Copernic au terme de toute une série de calculs et d'observations critiques du mouvement des astres.

La prise en considération de la position relative qu'occupe tout observateur terrestre par rapport au mouvement des astres lui a permis de problématiser l'apparence géocentrique, et les calculs effectués sur les relations entre planètes lui ont permis de démontrer rigoureusement la validité de son hypothèse héliocentriste.

Il y a donc là mise en jeu d'une procédure critique, combinant observation, intériorisation de la relativité de la position de l'observateur et calculs méthodiques. Démonstration « positive », car elle vise le concret et ne présuppose rien, sinon ce qui est méthodologiquement nécessaire pour une approche efficace du réel. En fait, le texte n'explique guère les modalités d'avènement de telles démonstrations - et il n'élucide pas ce qui les a rendues possibles malgré la ténacité des motifs qui semblaient valider les idées fausses.

L'auteur présuppose par ailleurs que la seule force des démonstrations peut surmonter ces idées toutes faites.

Comme nous le verrons plus loin, l'analyse attentive des révolutions scientifiques montre que les choses sont plus complexes (cf.

par exemple l'étude de Koyré : Du monde clos à l'univers infini, Éd.

IdéesGallimard).

La problématique d'Auguste Comte est-elle de ce point de vue tout à fait satisfaisante ? En fait, elle pose les questions et les résoud de façon très générale, sans distinguer, par exemple, les différents types de science.

Le début du texte semble établir une équivalence entre « influence de l'intelligence » et « force des démonstrations ».

Mais comment fonder et préciser une telle équivalence, sinon en montrant, dans le détail d'une crise épistémologique, les processus complexes qui se déroulent ? On sait que, dans le cadre de sa philosophie positiviste, Auguste Comte oppose rigoureusement la démarche scientifique et positive de l'esprit scientifique (qui s'en tient aux relations objectivement constatées entre les phénomènes, formulant ainsi les lois internes du réel) et les présupposés des conceptions théologiques ou métaphysiques du Monde (qui expliquent les phénomènes, respectivement, par des agents surnaturels ou par des forces abstraites - « entités »). Quant à la fin du texte, qui fait une rapide incursion dans le domaine politique, elle semble bien allusive et générale pour être pleinement élucidée et discutée.. »

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