Arthur SCHOPENHAUER (1788-1860)
Extrait du document
«
« La philosophie en tant que science n'a absolument rien à faire avec ce
qui doit ou peut être cru ; mais seulement avec ce qu'on peut savoir.
Si
maintenant ce savoir devait être également tout autre chose que ce que
l'on doit croire, ce ne serait pas un inconvénient pour la foi elle-même :
elle est foi parce qu'elle enseigne ce qu'on ne peut savoir.
Si l'on pouvait
le savoir, la foi s'en trouverait inutile et ridicule, comme si en quelque
sorte une doctrine de la foi était établie dans le domaine mathématique.
Mais on objectera à présent qu'au contraire la foi elle-même peut
enseigner plus et plus encore que la philosophie, rien pourtant qui soit
inconciliable avec les résultats de celle-ci : le savoir est d'une matière
plus dure que la foi, si bien que, s'ils s'entrechoquent, c'est la foi qui se
brise.
Tous deux sont en tous cas choses fondamentalement différentes, qui
pour leur bien respectif doivent rester rigoureusement séparées, de telle
sorte que l'une suive son chemin, sans même faire attention à l'autre.
»
SCHOPENHAUER
Schopenhauer défend ici une disjonction exclusive radicale entre savoir et foi :
loin de toute articulation, il s'agit pour lui de deux notions qui n'ont de sens
qu'en restant mutuellement étanches.
La disjonction fonctionne d'abord dans le
texte comme pierre de touche d'une autre distinction, celle de la philosophie et
de la religion.
L'argument employé est révélateur : c'est par définition que les termes sont incompatibles, quelle que
soit la réalité de leurs contenus respectifs.
Ainsi la foi se comprend-elle justement par définition comme portant sur «
ce qu'on ne peut savoir ».
Dès lors la foi qu'on aurait pourvue de preuves n'aurait plus de sens (elle serait « ridicule »
et « inutile »), comme Pascal le disait déjà.
Le second argument, en réponse à une objection potentielle (et si la foi enseignait davantage que la philosophie) est
plus brutal, comme en témoigne l'appel implicite aux images des pots de terre et de fer (« le savoir est d'une matière
plus dure que la foi »).
Le paragraphe qui suit le texte explicite les dangers de la révélation : « tous les curaillons » de
la terre entière prennent prétexte du besoin métaphysique des hommes pour les « diriger et les dominer à coeur joie ».
L'épreuve de l'opinion commune met donc en lumière la légitimité supérieure de la raison.
Si Schopenhauer n'entretient pas ici de conflit entre raison et foi, c'est qu'il sait ce conflit joué d'avance : c'est donc
pour le bien de la foi que celle-ci doit rester « rigoureusement séparée » sous peine de disparaître ; et c'est, en même
temps pour le bien de la raison que celle-ci doit observer, sous peine d'en être polluée, la même séparation.
Le texte
peut donc conclure sur une nécessaire indifférence mutuelle de la raison et de la foi, s'opposant ainsi à toute
articulation des deux notions.
Introduction :
Dans cet extrait du chapitre 175 sur La religion de Schopenhauer, il est essentiel de remarquer la distinction
que ce dernier développe entre la religion et la philosophie en tant que science.
Il apparaît que cette distinction est
irrémédiable non seulement pour permettre à la philosophie dans un champ propre qui est le sien mais aussi pour que la
religion ne cherche par dans la raison les causes de son existence.
La question est donc bien celle du rapport que
doivent entretenir foi et science.
La thèse est donc claire, ils ont chacun un domaine spécifique au sein du rapport au
savoir en tant que science et au-delà mais ne doivent en aucun prétexte être mélangé sous peine de rentrer dans une
guerre intestine ou aucune des deux ne peut ressortir glorifier c’est-à-dire tendant vers un scepticisme voire une
misologie de la raison.
Il est nécessaire de remarquer que l’influence kantienne dans ce texte est prégnante.
Et c’est bien ce que l’on pourra remarquer dans le première partie de ce texte (la première phrase du texte)
développant le thème d’une philosophie scientifique, tandis que la second partie (de «Si maintenant ce savoir devait
être également tout autre chose que ce que l'on doit croire » à « comme si en quelque sorte une doctrine de la foi
était établie dans le domaine mathématique.
») insiste sur la complémentarité entre foi et savoir, pour conclure l’extrait
sur la nécessaire distinction des domaines auxquels se rapportent foi et savoir – philosophie – (« Mais on objectera à
présent qu'au contraire la foi elle-même peut enseigner plus et plus encore que la philosophie » à la fin du texte.»).
C’est bien suivant cette organisation logique que nous entendons rendre compte de ce texte.
I –Philosophie scientifique et foi
a) La thèse que défend Schopenhauer au sein de ce texte apparaît très nettement dès la premier phrase de
l’extrait : « La philosophie en tant que science n'a absolument rien à faire avec ce qui doit ou peut être cru ; mais
seulement avec ce qu'on peut savoir.
» La question que pose l’auteur est donc le sens et la valeur même de la
philosophie en tant que science.
Définir la philosophie comme une science n’est pas anodin est révèle une volonté de
donner à la philosophie un champ propre de recherche et d’objets en vue desquels la philosophie seule ou du moins
spécifiquement pourrait apporter une réponse.
Et ce point de vue est tout à faire remarquable de considérer que
Schopenhauer s’inscrit dans la droite limite de la philosophie critique kantienne voulant délimiter l’usage correct ou non
de la raison notamment face à l’horizon métaphysique tel qu’on pouvait le voir dans la Préface de la Critique de la
raison pure.
L’idée est donc de faire de la philosophie un champ scientifique à pas.
Or force est de constater que la
philosophie s’est toujours intéressée de près ou de loin aux questions de la foi et notamment de la théologie c’est-à-.
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