Arthur SCHOPENHAUER (1788-1860)
Extrait du document
«
" La vraie philosophie de l'histoire revient à voir que sous tous ces
changements infinis, et au milieu de tout ce chaos, on n'a jamais devant
soi que le même être, identique et immuable, occupé aujourd'hui des
mêmes intrigues qu'hier et que de tout temps : elle doit donc reconnaître
le fond identique de tous ces faits anciens ou modernes, survenus en
Orient comme en Occident ; elle doit découvrir partout la même
humanité, en dépit de la diversité des circonstances, des costumes et des
moeurs.
Cet élément identique, et qui persiste à travers tous les
changements, est fourni par les qualités premières du coeur et de l'esprit
humain — beaucoup de mauvaises et peu de bonnes.
La devise générale
de l'histoire devrait être : Eadem sed aliter (les mêmes choses, mais
d'une autre manière).
Celui qui a lu Hérodote' a étudié assez l'histoire
pour en faire la philosophie ; car il y trouve déjà tout ce qui constitue
l'histoire postérieure du monde : agitations, actions, souffrances et
destinée de la race humaine, telles qu'elles ressortent des qualités en
question et du sort de toute vie sur terre.
" SCHOPENHAUER
[Introduction]
Parce que l'homme vit de manière spécifique la temporalité, il a conscience de
l'histoire et des multiples événements qui la composent.
Faut-il, les restaurant
en récit, considérer qu'ils ont en eux-mêmes du sens et qu'ils témoignent de changements intervenant dans l'humanité
? Doit-on au contraire admettre que cette dernière reste toujours semblable à elle-même, avec ses passions
constantes auxquelles obéissent tous les événements, si divers puissent-ils d'abord sembler ? Schopenhauer est
partisan de cette deuxième solution, qu'il affirme comme une évidence assez sombre et dont il déduit une
conséquence, concernant l'étude même de l'histoire, qui mérite d'être analysée.
[1- Permanence de l'humanité]
[A.
Le chaos apparent]
L'histoire paraît se présenter comme un ensemble d'éléments dont la variété le dispute à l'incohérence : succession
ininterrompue de conflits et de conquêtes, drames collectifs qui escortent à travers les siècles une humanité qui
semble livrée au déchaînement de toutes les passions – qu'elles soient nobles ou viles important peu puisqu'elles se
soldent toutes par des événements plus ou moins catastrophiques.
Schopenhauer n'envisage d'ailleurs, semble-t-il, que les événements qui relèvent de la responsabilité humaine.
Mais, si
l'on y adjoint les phénomènes naturels, la liste des tremblements de terre, éruptions volcaniques et autres raz-demarée, le panorama n'est que plus chaotique.
[B.
Un chaos durable et universel]
L'énumération des événements que l'on peut effectuer recense des faits anciens aussi bien que modernes : les conflits
existent entre les collectivités depuis le début de la mémoire humaine.
Et ils sont survenus « en Orient comme en
Occident » les chroniques anciennes de la Chine ou du Japon ne se distinguent pas, de ce point de vue, de celles du
Moyen Âge européen.
Seuls changent les noms des acteurs et des combattants, la forme des armures, les armements.
Si l'on prétend s'intéresser aux événements moins belliqueux et à la vie quotidienne (comme le font les historiens plus
récents), le même constat s'impose : les règles de mariage sont diverses, mais il y a partout des unions ; la nourriture
est variable d'un continent ou d'une région à l'autre, mais on doit se nourrir partout ; la forme des habitations n'est pas
universelle, mais ce qui l'est, c'est la fonction d'habiter, etc.
[C.
L'humanité est partout la même]
Ce qui fait le « fond identique » de tous les événements que l'on peut ainsi archiver à l'infini (et l'on peut déjà se
demander en quoi un tel archivage serait utile : qu'apporte-t-il d'autre qu'un certain plaisir de la variété, ce qui n'est
peut-être pas d'un immense profit intellectuel), c'est une humanité qui est « partout la même » et se présente comme
« un même être, identique et immuable ».
Cette identité provient des « qualités premières du coeur et de l'esprit humains », ce qui signifie nécessairement pour
Schopenhauer « beaucoup de mauvaises et peu de bonnes », dans la mesure où le chaos historique nous montre
effectivement plus de malheurs que d'éléments fastes : il est bien connu que « les gens heureux n'ont pas d'histoire » !
[II - Inefficacité de l'histoire] [A.
Objections immédiates]
En affirmant ainsi le caractère anhistorique de l'humanité, Schopenhauer se distingue brutalement de tous les
philosophes modernes qui considèrent au contraire que l'humanité se transforme au cours de l'histoire et qu'elle modifie
sa propre « nature ».
Cette historicité de l'homme est considérée dès la philosophie des Lumières, notamment chez Kant : si les Lumières
constituent précisément le moment où l'humanité accède à sa maturité rationnelle, on est en droit d'attendre qu'elle se
comporte de plus en plus rationnellement, et que les événements historiques eux-mêmes affirment la réalité d'un
progrès.
Cette
thèse trouve son expression la plus achevée dans le système hégélien, où l'histoire est comprise comme réalisant.
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