Arthur SCHOPENHAUER (1788-1860)
Extrait du document
«
La satisfaction, le bonheur, comme l'appellent les hommes, n'est au propre et dans
son essence rien que de négatif ; en elle, rien de positif.
Il n'y a pas de satisfaction
qui, d'elle-même et comme de son propre mouvement, vienne à nous ; il faut
qu'elle soit la satisfaction d'un désir.
Le désir, en effet, la privation, est la condition
préliminaire de toute jouissance.
Or, avec la satisfaction cesse le désir, et par
conséquent la jouissance aussi.
Donc la satisfaction, le contentement, ne sauraient
être qu'une délivrance à l'égard d'une douleur, d'un besoin ; sous ce nom, il ne faut
pas entendre en effet seulement la souffrance effective, visible, mais toute espèce
de désir qui, par son importunité, trouble notre repos, et même cet ennui qui tue,
qui nous fait de l'existence un fardeau.
Maintenant, c'est une entreprise difficile
d'obtenir, de conquérir un bien quelconque ; pas d'objet qui ne soit séparé de nous
par des difficultés, des travaux sans fin ; sur la route, à chaque pas, surgissent des
obstacles.
Et la conquête une fois faite, l'objet atteint, qu'a-t-on gagné ? rien
assurément, que de s'être délivré de quelque souffrance, de quelque désir, d'être
revenu à l'état où l'on se trouvait avant l'apparition de ce désir.
Le fait immédiat
pour nous, c'est le besoin tout seul, c'est-à-dire la douleur.
Pour la satisfaction et la
jouissance, nous ne pouvons les connaître qu'indirectement ; il nous faut faire appel au souvenir de la
souffrance, de la privation passées, qu'elles ont chassées tout d'abord.
Voilà pourquoi les biens, les
avantages qui sont actuellement en notre possession, nous n'en avons pas une vraie conscience, nous ne les
apprécions pas ; il nous semble qu'il n'en pouvait être autrement ; et en effet, tout le bonheur qu'ils nous
donnent, c'est d'écarter de nous certaines souffrances.
Il faut les perdre, pour en sentir le prix ; le manque,
la privation, la douleur, voilà la chose positive, et qui sans intermédiaire s'offre à nous.
Telle est encore la
raison qui nous rend si douce la mémoire des malheurs surmontés par nous : besoin, maladie, privation, etc.
; c'est en effet notre seul moyen de jouir des biens présents.
Ce qu'on ne saurait méconnaître non plus, c'est
qu'en raisonnant ainsi, en égoïste (l'égoïsme, au reste, est la forme même de la volonté de vivre), nous
goûtons une satisfaction, un plaisir du même ordre, au spectacle ou à la peinture des douleurs d'autrui ;
Lucrèce l'a dit en de beaux vers, et bien nettement, au début de son second livre.
Profondément marqué par Kant et par la philosophie hindoue, Schopenhauer a stigmatisé le vouloir-vivre, puissance qui
nous fait désirer la vie aveuglément et nous plonge dans une souffrance continuelle.
Tant que l'homme est attaché à la
vie, il ne peut qu'être malheureux.
La délivrance ne peut surgir que d'une négation du vouloir vivre.
Problématique
La vie, pour Schopenhauer, oscille entre la souffrance et l'ennui.
Le désir condamne l'homme à la souffrance, car il est
sans fin.
Chaque être vivant est déterminé dans son existence par la chaîne de ses désirs.
La satisfaction que
l'existence peut procurer résulte toujours d'une frustration première.
Sans elle, il n'y aurait pas de bonheur possible.
Enjeux.
Désirer vivre, c'est désirer souffrir.
Telle est l'équation de Schopenhauer.
Si l'homme veut accéder à une authentique
liberté, il ne peut le faire qu'en renonçant à la vie.
Pour se faire, il doit rompre la chaîne de ses désirs qui l'attache à
ses représentations.
Arthur Schopenhauer a souvent été considéré et appelé philosophe pessimiste.
En effet, comme nous allons le voir
dans ce texte sa conception de la vie est loin d’être idyllique.
Pourtant, il ne s’agit pas là d’une conception non fondée
ou provocante.
Elle repose sur un système philosophique ample et cohérent, fondé sur la théorie de la volonté.
En
effet, pour le philosophe, le monde est l’effet, l’objectivation d’une volonté unique et première qui se manifeste autant
dans la croissance de la plante que dans les actions humaines.
Il subordonne donc par suite l’existence humaine, non à
l’intellect comme ont pu le faire les philosophes avant lui, mais à la volonté.
Ce qui fait par suite que l’homme est
toujours poussé à vouloir, à désirer.
Or, c’est bien ce perpétuel mouvement de volonté et de désir qui rend pour le
philosophe la vie difficilement supportable.
Il essaie donc dans ce texte d’expliquer pourquoi la souffrance est première
et en quoi le bonheur est négatif, n’a aucune existence par lui-même.
Le désir chez l’homme est premier, la satisfaction est seconde
- Nous l’avons dit en introduction, la nature de l’homme est d’être un être de volonté.
Il est donc poussé à toujours
vouloir quelque chose, à toujours désirer.
Or, le philosophe en étudiant la nature du désir, découvre qu’il est souffrance
de part en part.
En effet, la définition traditionnelle du désir met en évidence le manque initial sur lequel il s’appuie.
Pour désirer quelque chose, il faut que cet objet ne soit pas en ma possession.
Leibniz définissait ainsi le désir comme
l’inquiétude provoquée par l’absence d’un objet que l’on sait être source de satisfaction.
Le désir est donc souffrance
puisqu’il se définit par la privation de quelque chose.
- de plus, lorsque nous avons un désir, nous mettons en œuvre les moyens pour obtenir l’objet que nous pensons
source de satisfaction.
Ces moyens demandent souvent beaucoup d’effort, de travail et de peine.
Si je veux devenir
riche, il va falloir ainsi que je me prive pendant un certain, que je travaille d’arrache pied pour gagner de l’argent..
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