Art et société ?
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Ce n'est qu'à partir d'une époque fort récente qu'on a pu prôner l'art pour l'art - doctrine selon laquelle l'art est à lui-même sa propre fin et ne peut être que désintéressé. Ainsi un Théophile Gauthier put-il écrire : «il n'y a rien de vraiment beau que ce qui ne peut servir à rien ; tout ce qui est utile est laid» (Préface à Mademoiselle de Maupin, 1836). Quant à l'art engagé, le cliché d'après lequel il aboutit toujours et partout à produire des œuvres inesthétiques et stupidement didactiques est régulièrement démenti : les Géorgiques de Virgile (1er siècle av. J.-C.) sont une œuvre de propagande à la gloire des cultures dans la campagne romaine ; l'Alexandre Nevski d'Eisenstein visait à exalter la mobilisation russe contre le nazisme ; et la grande littérature latino-américaine (Asturias, Garcia Marquez, Amado, etc.) use, comme d'un leitmotiv, du thème de l'oppression - sociale ou politique - qui sévit du Mexique à la Terre de Feu.
«
L'art engagé et l'art pour l'art
Ce n'est qu'à partir d'une époque fort récente qu'on a pu prôner l'art pour l'art - doctrine selon laquelle l'art est à
lui-même sa propre fin et ne peut être que désintéressé.
Ainsi un Théophile Gauthier put-il écrire : «il n'y a rien de
vraiment beau que ce qui ne peut servir à rien ; tout ce qui est utile est laid» (Préface à Mademoiselle de Maupin,
1836).
Quant à l'art engagé, le cliché d'après lequel il aboutit toujours et partout à produire des œuvres inesthétiques et
stupidement didactiques est régulièrement démenti : les Géorgiques de Virgile (1er siècle av.
J.-C.) sont une œuvre
de propagande à la gloire des cultures dans la campagne romaine ; l'Alexandre Nevski d'Eisenstein visait à exalter la
mobilisation russe contre le nazisme ; et la grande littérature latino-américaine (Asturias, Garcia Marquez, Amado,
etc.) use, comme d'un leitmotiv, du thème de l'oppression - sociale ou politique - qui sévit du Mexique à la Terre de
Feu.
Il n'y a pas de progrès en art
Notons, d'autre part, qu'il y a, sans conteste, des progrès dans les techniques qu'utilisent les artistes : matériaux
notablement plus résistants que jadis en architecture ; conditionnement des couleurs dans des tubes de peinture
standardisés, à partir du milieu du siècle dernier, etc.
Encore les progrès en question ne sont-ils pas exempts de
rançon : prolifération de bâtisses disgracieuses ; mauvaise conservation des tableaux peints après le début du XIXe
siècle ; etc.
Mais, pour ce qui est du contenu esthétique des œuvres d'art elles-mêmes, on peut, avec Baudelaire, prendre acte
de cette aveuglante évidence : «transportée dans l'ordre de l'imagination, l'idée du progrès se dresse avec une
absurdité gigantesque» (Curiosités esthétiques, 1855).
Tout art est art d'une époque
• Exemple 1 : Les préoccupations archaïsantes (= retour à l'antique) de David et des peintres néo-classiques (fin
XVIII - début XIX siècle) ne sont pas sans rapport avec l'engouement des révolutionnaires pour la Rome antique.
• Exemple 2 : Les nomades Scythes (= peuple vivant en Ukraine aux IIe / Ier siècles av.
J.-C.) confectionnaient de
précieux objets d'orfèvrerie, au lieu que seuls des peuples sédentaires (anciens Égyptiens, Aztèques des XIVe / XVIe
siècles) pouvaient construire...
des pyramides !
• Exemple 3 : Outre la conjoncture politique (cf.
Exemple 1) et l'économie (Exemple 2) d'une société donnée, le seul
fait que l'histoire de l'art apparaisse comme une longue succession d'emprunts, de transpositions dans une autre
culture de motifs déjà utilisés par des civilisations antérieures, nous oblige à nous référer à l'histoire lorsque nous
analysons les productions esthétiques d'une époque ou d'un grand artiste.
Ainsi, la colonne grecque (dorique, ionique ou corinthienne) est-elle passée chez les Romains (cf.
le Cotisée),
lesquels inspirèrent les architectes de la Renaissance (italienne, puis française : cf.
les pilastres de la cour du
«Louvre de François Ier») ; la Renaissance fut, à son tour, imitée par les tenants du style néo-renaissance, au XIXe
siècle ; etc.
Art et société
1.
ART ET IDEOLOGIE
Jusqu'à la Renaissance...
a) L'art — l'art des sculpteurs et des artisans verriers, notamment — fut longtemps soumis en Occident à l'autorité
des théologiens.
Pas plus que l'artiste de l'ancienne Egypte (— 3000/— 331) dont les figures étaient censées
garantir la survie du mort dans l'au-delà, l'artiste du Moyen Age chrétien ne pouvait donc se poser le problème : «
art pour l'art » ou art « engagé » ? La cathédrale est d'abord une Bible de pierre (et de verre), qui édifie le peuple
illettré sur les vérités de la foi.
b) C'est à l'époque de la Renaissance italienne (XVe/XVIe siècle) qu'apparaît l'idée qu'un objet peut ne valoir que par
son aspect esthétique.
C'est en ce sens que Malraux évoque par contraste les artistes antérieurs, « pour qui l'idée.
»
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