ARISTOTE: «L'homme est un animal politique.»
Extrait du document
«
La formation de la société est dans la nature de l'homme.
«L'homme est un animal politique.» Aristote, Les Politiques (Ive siècle avant J.C.).
• La célèbre formule d'Aristote va plus loin que la simple affirmation d'une
sociabilité de l'homme.
Il ne suffit pas de dire que l'homme aime la compagnie de
ses semblables, ou qu'il en a besoin pour repousser les bêtes sauvages.
Pour
Aristote, l'organisation en «cité» (État) est le te/os de l'homme, son but naturel.
C'est pourquoi Aristote va jusqu'à dire que la cité est «antérieure à la famille et
à chacun de nous»: elle préexiste aux individus et aux formes plus simples
d'organisation sociale (le couple, l'alliance maître-esclave, la famille, le village).
• En effet, ces formes sociales plus simples ne sont pas auto-suffisantes; les
familles, par exemple, ont besoin de s'allier avec d'autres pour subvenir à leurs
besoins, ce qui forme les villages.
Si la cité est la forme la plus parfaite, vers
laquelle tend la nature humaine pour parvenir à son plus haut développement,
c'est parce que c'est une organisation autarcique (qui se suffit à elle-même).
C’est au second chapitre du premier livre de la « Politique » que l’on
retrouve en substance la formule d’Aristote.
On traduit souvent mal en disant :
l’homme est un « animal social », se méprenant sur le sens du mot « politique »,
qui désigne l’appartenance de l’individu à la « polis », la cité, qui est une forme spécifique de la vie politique,
particulière au monde grec.
En disant de l’homme qu’il est l’animal politique au suprême degré, et en justifiant sa position, Aristote, à la fois se fait
l’écho de la tradition grecque, reprend la conception classique de la « cité » et se démarque des thèses de son maître
Platon.
Aristote veut montrer que la cité, la « polis », est le lieu spécifiquement humain, celui où seul peut s’accomplir la
véritable nature de l’homme : la « polis » permet non seulement de vivre mais de « bien vivre ».
Il affirme de même que
la cité est une réalité naturelle antérieure à l’individu : thèse extrêmement surprenante pour un moderne, et que
Hobbes & Rousseau voudront réfuter, puisqu’elle signifie que l’individu n’a pas d’existence autonome et indépendante,
mais appartient naturellement à une communauté politique qui lui est « supérieure ».
Enfin Aristote tente de
différencier les rapports d’autorité qui se font jour dans la famille, le village, l’Etat, et enfin la cité proprement dite.
La cité est la communauté politique au suprême degré et comme elle est spécifiquement humaine, « L’homme est
animal politique au suprême degré ».
En effet la communauté originaire est la famille : c’est l’association minimale qui
permet la simple survie, la reproduction « biologique » de l’individu et de l’espèce.
Composée du père, de la mère, des
enfants et des esclaves, elle répond à des impératifs vitaux minimaux, à une sphère « économique » comme disent les
Grecs.
« D’autre part, la première communauté formée en vue de la satisfaction de besoins qui ne sont pas purement
quotidiens est le village.
»
Il faut comprendre que famille et village sont régis par le besoin, par la nécessité naturelle de la vie, et ne sont pas
propres à l’humanité.
Le cas de la « polis » est différent.
« Ainsi, formée au début pour satisfaire les besoins vitaux, elle existe pour
permettre de bien vivre.
» Dans la « polis » se réalise tout autre chose que la simple satisfaction des besoins : sa
fonction initiale (satisfaire les besoins vitaux) découvre autre chose de beaucoup plus important : non plus le vivre
mais le bien vivre.
Non plus la simple vie biologique mais l’accès à la vie proprement humaine, qui dépasse la sphère
économique pour atteindre la sphère morale.
« Car c’est le caractère propre de l’homme par rapport aux autres animaux d’être le seul à avoir le sentiment du bien et
du mal, du juste et de l’injuste, et des autres notions morales, et c’est la communauté de ces sentiments qui engendre
famille et cité.
»
Seule la cité, la « polis », transcende les simples nécessités vitales et animales et permet à l’homme d’accéder à sa
pleine humanité.
Elle naît de la mise en commun de ce qui est spécifiquement humain : la raison et les sentiments
moraux.
Ainsi les modernes ont-ils tort de parler « d’animal social » : ce qu’Aristote désigne est moins l’appartenance à
une communauté quelconque, ou encore régie par des intérêts « économiques », que l’accès à une sphère autre,
seulement politique, et qui permet à l’homme de s’épanouir en tant qu’homme, de viser le bonheur, d’entretenir avec
les autres hommes des liens libres, libérés de tout enjeu vital.
Plus étranges peuvent paraître les deux autres thèses, liées, d’Aristote, affirmant que la cité est une réalité naturelle,
et surtout, qu’elle est antérieure par nature à l’individu.
Cela signifie que l’homme n’est pas autosuffisant : il n’est
qu’une partie d’un tout : la cité, comme la mai est partie du corps.
Pas plus que la main n’existe réellement sans le
corps, l’individu humain n’existe sans la cité.
C’est d’elle qu’il reçoit son humanité, son développement, son statut.
»
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