Aristote: L'équité comme correctif à la loi
Extrait du document
«
Même quand il s'agit des lois écrites, la meilleure solution n'est pas toujours de les conserver immuables.
En effet, dans
l'ordre politique il est impossible de préciser par écrit tous les détails, car la loi écrite a forcément pour objet le général,
tandis que les actions ont rapport aux cas particuliers.
Ces considérations montrent donc avec évidence que des
changements sont opportuns pour certaines lois et dans certains cas.
Mais si on considère les choses sous un autre angle,
une grande vigilance paraîtra s'imposer dans ce domaine.
Quand, en effet, l'avantage qu'on retire du changement apporté
est de faible intérêt, et comme, en revanche, il est dangereux d'habituer les hommes à abroger les lois à la légère, mieux
vaut manifestement fermer les yeux sur quelques erreurs des législateurs ou des magistrats, car le profit qu'on pourra
retirer d'une modification de la loi sera loin de compenser le dommage qui sera causé par l'habitude de désobéir à ceux qui
gouvernent.
La loi n'a aucun pouvoir de contraindre à l'obéissance, en dehors de la force de la coutume, et celle-ci ne
s'établit qu'après un laps de temps considérable, de sorte que passer facilement des lois existantes à de nouvelles lois
toutes différentes, c'est affaiblir l'autorité de la loi.
Aristote.
I.
L'analyse du texte
a) Les articulations logiques
1e partie du texte -> Aristote note qu'il est parfois juste de corriger les lois en vue de l'équité («Même quand...
cas
particuliers.»).
2e partie du texte -> il précise que ces corrections sont soumises à un calcul d'intérêt et ne sont utiles que si elles
compensent les pertes occasionnées par un gain plus grand («Mais si l'on considère...
ceux qui gouvernent.»).
3e partie du texte -> Aristote justifie ce calcul en rappelant que c'est la coutume et le temps qui donnent aux lois leur force
(«La loi n'a aucun...
l'autorité de la loi»).
b) Les notions clés
Général -> valable dans la majorité des cas ; fréquemment.
Particulier -> valable dans quelques cas ; rarement.
Loi -> règle générale qui autorise ou interdit une action.
Coutume -> conduite généralement adoptée dans un pays ; tradition.
c) Le problème et la thèse
• La loi est-elle nécessairement juste? Comment en juger? Si elle ne l'est pas, comment la corriger ou l'abroger? Au nom de
quoi? Qu'y a-t-il au-dessus des lois?
• Pour Aristote, il faut parfois corriger les lois pour être plus juste.
Mais le but des lois étant de garantir la paix civile, le
magistrat changera uniquement si cela ne contredit pas leur fin.
Dans le cas contraire, il tolérera une petite injustice pour
en éviter une plus grande.
2.
Le plan détaillé
I.
Le législateur n'a intérêt à corriger la loi qu'exceptionnellement.
a) Aristote note que la loi est générale, tandis que les cas sont particuliers.
Le particulier s'opposant au général, il en
déduit que le législateur doit parfois adapter la loi pour être juste.
Il appelle «équité» ce droit de corriger la loi au nom de
l'exactitude.
b) Mais la loi n'étant qu'un moyen au service de la justice et de la paix, il ajoute que l'on ne doit pas la corriger
fréquemment : on en saperait le fondement et l'équité se retournerait contre la fin visée.
c) Selon Aristote, le temps donne à la loi sa force, en la transformant en coutume enracinée dans la vie des hommes.
II.
Pourquoi obéir aux lois si elles doivent changer ?
a) Pour Pascal, il faut obéir aux lois parce qu'elles sont établies, et non parce qu'elles sont justes.
Il ne faut pas sonder le
fondement de leur autorité.
b) Aristote met à jour ce fondement, qui n'est pas mystique, mais temporel et humain.
Conclusion
La démocratie fait de la justice une convention humaine, révisable, plutôt qu'un ordre éternel ou naturel.
3.
Le texte dans le débat philosophique
Après la démonstration de Platon que l'on peut légitimement gouverner sans loi {La République), Aristote fait une place à
l'équité à côté du droit en définissant ce dernier comme un correctif aux lois.
Cette définition est reprise par Thomas
d'Aquin, qui distingue la lettre et l'esprit des lois.
Elle aboutit à la constitution de la jurisprudence.
4.
Ce qu'il ne faut pas faire
Oublier que l'équité est un calcul d'intérêt..
»
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