ARISTOTE : LA VERTU COMME JUSTE MILIEU (Éthique à Nicomaque, II, 6)
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ARISTOTE : LA VERTU COMME JUSTE MILIEU (Éthique à Nicomaque, II, 6)
PRESENTATION DE L' "ETHIQUE A NICOMAQUE" DE ARISTOTE
Au regard de la tripartition du savoir classique dans l'Antiquité (logique, physique et éthique), l'Éthique à Nicomaque
constitue l'oeuvre la plus aboutie de la partie éthique.
En délimitant le champ des affaires humaines par exclusion de
la nature et du divin, elle constitue le premier effort pour penser l'action humaine de manière immanente et
autonome et lui reconnaître ainsi une positivité ontologique.
Aristote (384-322 av.
J.-C.) y opère en effet une
critique de ses prédécesseurs, qui ne voient dans l'action humaine qu'un domaine d'application pour des principes
extérieurs, que ce soient les dieux de la pensée tragique, les formes platoniciennes ou plus pragmatiquement, les
techniques de la sophistique.
I.
TEXTE
« Ainsi donc, la vertu est une disposition à agir d'une façon délibérée, consistant en une médiété relative à
nous, laquelle est rationnellement déterminée et comme la déterminerait
l'homme prudent.
Mais c'est une médiété entre deux vices, l'un par excès et
l'autre par défaut ; et [c'est encore une médiété] en ce que certains vices
sont au-dessous, et d'autres au-dessus du « ce qu'il faut » dans le domaine
des affections aussi bien que des actions, tandis que la vertu, elle, découvre
et choisit la position moyenne.
C'est pourquoi dans l'ordre de la substance et
de la définition exprimant la quiddité, la vertu est une médiété, tandis que
dans l'ordre de l'excellence et du parfait, c'est un sommet.
Mais toute action n'admet pas la médiété, ni non plus toute affection,
car pour certaines d'entre elles leur seule dénomination implique
immédiatement la perversité, par exemple la malveillance, l'impudence,
l'envie, et, dans le domaine des actions, l'adultère, le vol, l'homicide : ces
affections et ces actions, et les autres de même genre, sont toutes, en
effet, objets de blâme parce qu'elles sont perverses en elles-mêmes, et ce
n'est pas seulement leur excès ou leur défaut que l'on condamne.
Il n'est
donc jamais possible de se tenir à leur sujet dans la voie droite, mais elles
constituent toujours des fautes.
On ne peut pas non plus, à l'égard de telles
choses, dire que le bien ou le mal dépend des circonstances, du fait, par
exemple, que l'adultère est commis avec la femme qu'il faut, à l'époque et
de la manière qu'ils conviennent, mais le simple fait d'en commettre un, quel
qu'il soit est une faute.
Il est également absurde de supposer que
commettre une action injuste ou lâche ou déréglée, comporte une médiété, un excès et un défaut, car il y aurait
à ce compte-là une médiété d'excès et de défaut, un excès d'excès et un défaut de défaut.
Mais de même que
pour la modération et le courage il n'existe pas d'excès et de défaut du fait que le moyen est en
un sens
extrême, ainsi pour les actions dont nous parlons il n'y a non plus ni médiété, ni excès, ni défaut, mais quelle que
soit la façon dont on les accomplit, elles constituent des fautes : car, d'une manière générale, il n'existe ni médiété
d'excès et de défaut, ni excès et défaut de médiété.
»
II.
COMMENTAIRE
Le livre II de l'Éthique à Nicomaque est consacré à l'étude de la vertu, qui répond précisément aux analyses
menées dans le livre I.
En effet, dès le premier chapitre Aristote a défini le Souverain bien comme fin de la vie
humaine.
Le chapitre 3 a établi par la suite que cette fin consistait dans le bonheur, en tant qu'il est parfait et se
suffit à lui-même.
Enfin, le chapitre 6 nous a permis de définir sa nature, en conformité avec la fonction propre
(ergon) de l'homme, comme « une activité de l'âme conforme à la vertu ».
Une réflexion plus approfondie sur la
vertu s'avère donc nécessaire dans le livre II, afin de déterminer la nature de l'activité dans laquelle consiste le
bonheur.
Le chapitre 6 du deuxième livre s'inscrit de manière générale dans les analyses consacrées à la vertu éthique,
consistant dans le caractère ou l'habitude (èthos).
Plus précisément, il suit les deux définitions qu'Aristote en donne
aux chapitres 4 et 5 : quant au genre, d'une part, la vertu consiste dans une disposition (hexis), intermédiaire entre
la puissance et l'acte, et non dans une affection (pathos) ou une faculté (dunamis), en tant qu'elle implique un
choix délibéré (prohairèsis) ; quant à l'espèce, d'autre part, elle se définit comme une médiété (mesotès), c'est-àdire un milieu entre l'excès et le défaut caractérisant le vice.
Mais si la médiété constitue bien un milieu entre excès
et défaut, elle est relative, car elle se rapporte à nous, et non à la chose elle-même.
Le chapitre 6 reprend les
acquis de ces analyses, en proposant une définition complète de la vertu éthique, qui tient compte aussi bien de sa
propriété générique que spécifique.
Cependant, si notre texte entend donner ainsi une définition complète de la vertu éthique, c'est avant tout
parce que sa seconde propriété, la médiété, ne permet pas de la spécifier suffisamment.
En effet, si, comme l'établit
le chapitre 5, elle est bien un milieu entre excès et défaut, mais relatif à nous, alors rien ne semble garantir par
ailleurs son objectivité, de sorte qu'il en résulterait un relativisme moral.
Ainsi, pour autant que chacun déterminerait.
»
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