Aristote: Ethique et Politique
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Thème 433
Aristote: Éthique et Politique
1.
L'animal politique
« L'homme est par nature un animal politique », dit A ristote (Politique, 1, 1, 1253 a 2).
L'activité politique est ce qu'il y a de plus spécifique à la nature
humaine, puisqu'elle fait appel à la fois à la raison et à la moralité des hommes.
2.
La vertu, fin morale de la cité
La cité a une fin essentiellement morale à réaliser, celle de la vertu et de la vie morale des hommes qui la composent.
Aristote étudie les différentes
constitutions, que nous devons juger bonnes lorsqu'elles permettent aux hommes libres d'être gouvernés en hommes libres, tandis que les mauvaises
constitutions réduisent les hommes libres en esclavage.
L’homme est un animal politique (Aristote).
C ’est au second chapitre du premier livre de la « Politique » que l’on retrouve en substance la formule d’A ristote.
On traduit souvent mal en disant :
l’homme est un « animal social », se méprenant sur le sens du mot « politique », qui désigne l’appartenance de l’individu à la « polis », la cité, qui est une forme
spécifique de la vie politique, particulière au monde grec.
En disant de l’homme qu’il est l’animal politique au suprême degré, et en justifiant sa position, A ristote, à la fois se fait l’écho de la tradition grecque, reprend la
conception classique de la « cité » et se démarque des thèses de son maître Platon.
A ristote veut montrer que la cité, la « polis », est le lieu spécifiquement humain, celui où seul peut s’accomplir la véritable nature de l’homme : la « polis »
permet non seulement de vivre mais de « bien vivre ».
Il affirme de même que la cité est une réalité naturelle antérieure à l’individu : thèse extrêmement
surprenante pour un moderne, et que Hobbes & Rousseau voudront réfuter, puisqu’elle signifie que l’individu n’a pas d’existence autonome et indépendante, mais
appartient naturellement à une communauté politique qui lui est « supérieure ».
Enfin Aristote tente de différencier les rapports d’autorité qui se font jour dans
la famille, le village, l’Etat, et enfin la cité proprement dite.
La cité est la communauté politique au suprême degré et comme elle est spécifiquement humaine, « L’homme est animal politique au suprême degré ».
En effet
la communauté originaire est la famille : c’est l’association minimale qui permet la simple survie, la reproduction « biologique » de l’individu et de l’espèce.
C omposée du père, de la mère, des enfants et des esclaves, elle répond à des impératifs vitaux minimaux, à une sphère « économique » comme disent les
Grecs.
« D’autre part, la première communauté formée en vue de la satisfaction de besoins qui ne sont pas purement quotidiens est le village.
»
Il faut comprendre que famille et village sont régis par le besoin, par la nécessité naturelle de la vie, et ne sont pas propres à l’humanité.
Le cas de la « polis » est différent.
« A insi, formée au début pour satisfaire les besoins vitaux, elle existe pour permettre de bien vivre.
» Dans la « polis » se
réalise tout autre chose que la simple satisfaction des besoins : sa fonction initiale (satisfaire les besoins vitaux) découvre autre chose de beaucoup plus
important : non plus le vivre mais le bien vivre.
Non plus la simple vie biologique mais l’accès à la vie proprement humaine, qui dépasse la sphère économique
pour atteindre la sphère morale.
« C ar c’est le caractère propre de l’homme par rapport aux autres animaux d’être le seul à avoir le sentiment du bien et du mal, du juste et de l’injuste, et des
autres notions morales, et c’est la communauté de ces sentiments qui engendre famille et cité.
»
Seule la cité, la « polis », transcende les simples nécessités vitales et animales et permet à l’homme d’accéder à sa pleine humanité.
Elle naît de la mise en
commun de ce qui est spécifiquement humain : la raison et les sentiments moraux.
A insi les modernes ont-ils tort de parler « d’animal social » : ce qu’A ristote
désigne est moins l’appartenance à une communauté quelconque, ou encore régie par des intérêts « économiques », que l’accès à une sphère autre,
seulement politique, et qui permet à l’homme de s’épanouir en tant qu’homme, de viser le bonheur, d’entretenir avec les autres hommes des liens libres, libérés
de tout enjeu vital.
Plus étranges peuvent paraître les deux autres thèses, liées, d’A ristote, affirmant que la cité est une réalité naturelle, et surtout, qu’elle est antérieure par
nature à l’individu.
Cela signifie que l’homme n’est pas autosuffisant : il n’est qu’une partie d’un tout : la cité, comme la mai est partie du corps.
Pas plus que la
main n’existe réellement sans le corps, l’individu humain n’existe sans la cité.
C ’est d’elle qu’il reçoit son humanité, son développement, son statut moral.
« Mais l’homme qui est dans l’incapacité d’être membre d’une communauté, ou qui n’en éprouve nullement le besoin, parce qu’il se suffit à lui-même, ne fait en
rien partie de la cité et par conséquent est ou une brute, ou un dieu »
Ne pas appartenir à la « polis », lei d’humanité, c’est être soit infra-humain, soit supra-humain.
L’exposé d’A ristote reprend la conception classique de la cité au sens grec.
La cité n’est pas un Etat (forme barbare pour les Grecs), elle n’est pas liée à un
territoire (comme aujourd’hui où la citoyenneté se définit d’abord par référence au sol, à la « patrie »).
La cité est une communauté d’hommes, vivant sous les
mêmes mois et adorant les mêmes dieux.
L’idéal grec est celui d’un groupe d’hommes pouvant tous se connaître personnellement.
L’idéal politique est donc
celui d’une communauté d’hommes libres (non asservis par le travail et les nécessités vitales, disposant de loisirs) et unis par la « philia ».
Quand les contemporains parlent « d’animal social », ou quand Marx déclare que l’homme est « animal politique », ce ‘est pas au même sens que les Grecs.
La
polis n’est pas une communauté économique, au contraire : elle naît quand on peut s’affranchir de la contrainte économique et disposer de loisirs.
Ainsi les
esclaves ne sont-ils pas citoyens, ainsi le statut des artisans est-il difficile (A ristote dit qu’ils sont en « esclavage limité »).
Le travail est ressenti comme une
nécessité (vitale, économique) et la « polis » est un lieu de liberté.
Enfin Aristote polémique avec Platon.
Pour ce dernier, les liens d’autorité sont les mêmes pour le chef de famille, le chef politique, le maître d’esclaves.
C e s
types de gouvernement ne différent que par le nombre d’individus sur lesquels ils s’exercent.
O r, A ristote restitue des différences, selon que l’autorité s’exerce
sur un être déficient, comme est censé l’être l’esclave, des êtres libres mais inférieurs comme le seraient la femme et l’enfant, ou encore entre égaux, ce qui
est le cas proprement politique.
Le pouvoir politique s’exerce donc au sein d’hommes libres et égaux.
Par suite, il n’a aucune mesure avec le pouvoir paternel.
Dans une communauté politique,
nul ne peut se prévaloir d’une supériorité de nature pour gouverner : ainsi chaque individu sera-t-il alternativement gouvernant et gouverné.
L’idéal de la
« polis » exige que chacun puisse, en tant qu’homme libre, égal aux autres, prétendre au pouvoir pour un laps de temps déterminé.
Les modernes renieront, en un sens, l’enseignement d’Aristote, en faisant de l’individu souverain un être autonome, indépendant, capable de décider pour luimême de ses actions.
Toute la tradition politique dont notre monde est issu rejettera l’idée que : « La cité est antérieure à chacun de nous pris
individuellement.
».
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