Aristote
Extrait du document
«
PRESENTATION DE L' "ETHIQUE A NICOMAQUE" DE ARISTOTE
Au regard de la tripartition du savoir classique dans l'Antiquité (logique, physique et éthique), l'Éthique à Nicomaque
constitue l'oeuvre la plus aboutie de la partie éthique.
En délimitant le champ des affaires humaines par exclusion de la
nature et du divin, elle constitue le premier effort pour penser l'action humaine de manière immanente et autonome et
lui reconnaître ainsi une positivité ontologique.
Aristote (384-322 av.
J.-C.) y opère en effet une critique de ses
prédécesseurs, qui ne voient dans l'action humaine qu'un domaine d'application pour des principes extérieurs, que ce
soient les dieux de la pensée tragique, les formes platoniciennes ou plus pragmatiquement, les techniques de la
sophistique.
On prétend que ceux qui sont parfaitement heureux et se suffisent à euxmêmes n'ont aucun besoin d'amis : ils sont déjà en possession des biens
de la vie, et par suite, se suffisant à eux-mêmes, n'ont besoin de rien de
plus ; or, l'ami, qui est un autre soi-même, a pour rôle de fournir ce qu'on
est incapable de se procurer par soi-même.
D'où l'adage « Quand la
fortune est favorable, à quoi bon des amis ? » Pourtant il semble étrange
qu'en attribuant tous les biens à l'homme heureux on ne lui assigne pas
des amis, dont la possession est considérée d'ordinaire comme le plus
grand des biens extérieurs.
De plus, si le propre d'un ami est plutôt de
faire du bien que d'en recevoir, et le propre de l'homme de bien et de la
vertu de répandre des bienfaits, et si enfin il vaut mieux faire du bien à
des amis qu'à des étrangers, l'homme vertueux aura besoin d'amis qui
recevront de lui des témoignages de sa bienfaisance.
Et c'est pour cette
raison qu'on se pose encore la question de savoir si le besoin d'amis se
fait sentir davantage dans la prospérité ou dans l'adversité, attendu que
si le malheureux a besoin de gens qui lui rendront des services, les
hommes dont le sort est heureux ont besoin eux-mêmes de gens
auxquels s'adresseront leurs bienfaits.
Et sans doute est-il étrange aussi
de faire de l'homme parfaitement heureux un solitaire : personne, en
effet, ne choisirait de posséder tous les biens de ce monde pour en jouir
seul, car l'homme est un être politique et naturellement fait pour vivre en
société.
Par suite, même à l'homme heureux cette caractéristique appartient, puisqu'il est en possession des
avantages qui sont bons par nature.
Et il est évidemment préférable de passer son temps avec des amis et
des hommes de bien qu'avec des étrangers ou des compagnons de hasard.
Il faut donc à l'homme heureux
des amis.
CORRECTION DU COMMENTAIRE
DE TEXTE
portant sur le texte d’ARISTOTE
tiré de Ethique à Nicomaque
Introduction :
La question de savoir si l’homme heureux a besoin d’amis peut sembler bien oiseuse : qui, se découvrant heureux,
déciderait de rompre avec ses amis ? Mais elle en cache une autre, car nous pouvons essayer maintenant de savoir si
l’homme heureux peut l’être seul, se suffisant à lui-même.
Il est logique de le penser puisque le bonheur est pleine
réalisation de soi-même.
Mais dès lors l’amitié devient superflue.
Est-ce à dire que les hommes ne vivent ensemble et
ne s’apprécient que parce que les échanges sont nécessaires, voire pour supporter leurs malheurs ?
C’est contre cette représentation pessimiste des rapports humains, et pour redonner à l’amitié un sens pleinement
positif, qu’Aristote élabore sa démonstration.
D’abord pour amener sa conception de l’amitié comme fin, il procède par
la réfutation de la thèse adverse que l’homme seul est heureux, de « On prétend ( ...
) des biens extérieurs ».
Mais il
ne s’arrête pas là : il démontre que l’homme heureux est un homme vertueux vis-à-vis d’autrui, de « De plus (...)
témoignage de sa bienfaisance ».
Enfin, dans le dernier passage du texte, il fonde ses idées dans la nature
« politique » de l’homme regroupé à l’époque dans la Cité grecque.
Est-ce alors suffisant d’avancer comme argument que l’homme est né naturellement politique pour vivre et donner à
autrui ? N’y a-t-il pas un enjeu éthique qu’essaie de défendre Aristote ?.
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