Aristote
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«
PRESENTATION DE L' "ETHIQUE A NICOMAQUE" DE ARISTOTE
Au regard de la tripartition du savoir classique dans l'Antiquité (logique, physique et éthique), l'Éthique à Nicomaque
constitue l'oeuvre la plus aboutie de la partie éthique.
En délimitant le champ des affaires humaines par exclusion de la
nature et du divin, elle constitue le premier effort pour penser l'action humaine de manière immanente et autonome et
lui reconnaître ainsi une positivité ontologique.
Aristote (384-322 av.
J.-C.) y opère en effet une critique de ses
prédécesseurs, qui ne voient dans l'action humaine qu'un domaine d'application pour des principes extérieurs, que ce
soient les dieux de la pensée tragique, les formes platoniciennes ou plus pragmatiquement, les techniques de la
sophistique.
"Sans doute dire que le bonheur est le souverain bien apparaît-il comme
faisant l'accord unanime, mais souhaite-t-on qu'on dise encore plus
clairement ce qu'il est.
Peut-être y parviendrait-on si l'on pouvait saisir la
fonction de l'homme.
Or de même que pour le joueur de hautbois, le
sculpteur et pour toute espèce d'artisan, et, d'une façon générale, pour
tout ce qui a une fonction et une action, c'est dans la fonction que
résident, semble-t-il, le bien et la perfection, de même il peut sembler
qu'il en est ainsi pour l'homme, s'il a vraiment une fonction propre.
Eh
quoi! y aurait-il pour le charpentier, le cordonnier, des fonctions et des
actions propres, alors qu'il n'y en aurait pas pour l'homme et qu'il serait
né sans fonction? Ou bien, de même que l'oeil, la main, le pied et, de
façon générale, chaque partie du corps ont manifestement une fonction,
ne peut-on admettre que l'homme, en dehors de toutes ses fonctions
particulières, a une fonction propre? Quelle peut-elle donc être?
Vivre, en effet, lui est manifestement commun même avec les plantes, et
nous cherchons ce qui lui est propre.
Il faut donc écarter la vie de
nutrition et de croissance.
Viendrait alors la vie sensitive, mais
manifestement elle nous est commune avec le cheval, le boeuf et toute
espèce d'animal.
Reste la vie pratique de l'être qui participe de la raison.
De celui-ci une part obéit à la raison, l'autre participe de la raison et
pense.
Mais cette vie raisonnable pouvant s'entendre en deux sens, il
faut poser qu'il s'agit de la vie selon l'activité, car c'est celle, semble-t-il, dont on peut dire qu'elle est la plus
importante.
Or si la fonction de l'homme est l'activité de l'âme conforme à la raison ou non dépourvue de raison; si nous
affirmons que la fonction de tel individu ou de tel bon individu est la même en espèce (comme celle d'un
cithariste et d'un bon cithariste, et ainsi en un mot pour tous les cas), l'excellence de la qualité par rapport à
la fonction venant s'ajouter (car la fonction du cithariste est de jouer de la cithare, et d'un bon cithariste d'en
bien jouer); si donc il en est ainsi, si nous posons que la fonction de l'homme est une certaine vie consistant
dans une activité de l'âme et des actions accompagnées de raison, et que celle de l'homme de bien consiste
à les faire selon le bien et le beau, chacune d'elles s'accomplissant dans sa perfection selon sa vertu propre;
s'il en est ainsi, le bien de l'homme se trouve être l'activité de l'âme selon la vertu, et s'il y a plusieurs
vertus, selon la meilleure et la plus accomplie.
Il faut encore que ce soit dans une vie complète.
Car une
hirondelle ne fait pas le printemps, non plus qu'un beau jour; de même un seul jour ni un court laps de temps
ne font davantage félicité et bonheur." ARISTOTE.
Que le bonheur soit pour l'homme le souverain bien, les hommes en sont tous d'accord, mais en réalité, dit Aristote, ils
ne s'entendent que sur le « nom ».
Il s'efforce ici de le définir à partir du concept de fonction ou de tâche (ergon).
Il
reprend d'abord l'analyse de Platon qui montre qu'un animal (un cheval) ou un organe (les yeux, les oreilles) ou une
serpette pour la vigne ont une fonction qu'ils remplissent seuls ou mieux que les autres.
Donc l'ergon d'un être, sa
fonction propre, «c'est l'opération pour laquelle il est fait et qui, étant sa fin, définit aussi son essence »3.
Platon
applique cette analyse à l'âme : «L'âme n'a-t-elle pas une fonction, qu'aucune autre chose au monde ne peut remplir,
comme diriger, commander, délibérer et toutes les choses du même genre ? A-t-on le droit d'attribuer ces fins à autre
chose qu'à l'âme et ne faut-il pas dire qu'elles lui sont propres ? — On ne peut, répond Thrasymaque, les attribuer qu'à
l'âme ».
Aristote intègre cette analyse à sa doctrine.
L'homme a sa fonction propre.
Mais cette tâche n'est pas celle des arts
et métiers qu'il considère sans doute comme utile à la vie de l'individu et de la cité, mais qui reste en quelque sorte
extérieure à l'homme, bien qu'elle ait ses règles et sa perfection.
Or ce qu'il faut déterminer, c'est la fonction de
l'homme en tant que tel.
L'organisation du corps humain où chaque partie ou organe a sa fonction impose à plus forte
raison l'idée qu'il y a une fonction du tout de l'homme.
En quoi consiste cette fonction ? On ne peut la trouver dans la vie végétative ni dans la vie sensitive, que nous avons
en commun respectivement avec les plantes et les animaux et qui sont liées au corps.
Il ne reste que la partie
rationnelle, qui est distincte du corps et par là spécifique de l'homme.
Elle-même se divise en deux parties, «l'une
proprement raisonnable, siège de la raison; l'autre surtout capable d'entendre raison comme on écoute son père ».
La
première montre par l'effet des admonestations et exhortations qu'elle peut avoir le pouvoir de maîtriser la seconde,
c'est-à-dire la partie appétitive et désirante.
Mais l'activité propre de l'âme, comme la vertu ou excellence du cithariste
est de bien jouer de la cithare, est l'exercice de la pensée dans son excellence ou vertu, et cela dans le cours d'une.
»
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