Aristote
Extrait du document
«
PRESENTATION DE L' "ETHIQUE A NICOMAQUE" DE ARISTOTE
Au regard de la tripartition du savoir classique dans l'Antiquité (logique, physique et éthique), l'Éthique à
Nicomaque constitue l'oeuvre la plus aboutie de la partie éthique.
En délimitant le champ des affaires humaines
par exclusion de la nature et du divin, elle constitue le premier effort pour penser l'action humaine de manière
immanente et autonome et lui reconnaître ainsi une positivité ontologique.
Aristote (384-322 av.
J.-C.) y opère
en effet une critique de ses prédécesseurs, qui ne voient dans l'action humaine qu'un domaine d'application
pour des principes extérieurs, que ce soient les dieux de la pensée tragique, les formes platoniciennes ou plus
pragmatiquement, les techniques de la sophistique.
Par loi j'entends d'une part la loi particulière, de l'autre la loi
commune ; par loi particulière, celle qui, pour chaque peuple, a été
définie relativement à lui ; et cette loi est tantôt non écrite, tantôt
écrite ; par loi commune j'entends la loi naturelle.
Car il y a une
justice et une injustice dont tous les hommes ont comme une
divination et dont le sentiment leur est naturel et commun, même
quand il n'existe entre eux aucune communauté ni aucun contrat ;
c'est évidemment, par exemple, ce dont parle l'Antigone de
Sophocle, quand elle affirme qu'il était juste d'enfreindre la
défense et d'ensevelir Polynice car c'était là un droit naturel : « Loi
qui n'est ni d'aujourd'hui ni d'hier, qui est éternelle et dont
personne ne connaît l'origine.
C'est aussi celle dont Empédocle
s'autorise pour interdire de tuer un être animé ; car on ne peut
prétendre que cet acte soit juste pour certains, et ne le soit pas
pour d'autres : Mais la loi universelle s'étend en tous sens, à
travers l'éther qui règne au loin et aussi sur la terre immense.
Commençons par bien marquer les distinctions opérées par Aristote dans
ce texte.
Il s'agit, d'une part, de la distinction entre la loi particulière et
la loi commune, d'autre part, de la distinction de cette loi particulière en
loi écrite et loi non écrite.
Nous constatons que la dernière distinction
est seconde par rapport à la distinction fondamentale entre loi particulière et loi commune.
C'est donc par
l'analyse de cette opposition que nous devons aborder l'étude de ce texte.
Ce qui, semble-t-il, caractérise la
loi particulière, c'est la relativité de sa validité : les lois en vigueur à Athènes diffèrent beaucoup de celles en
vigueur dans l'empire perse par exemple.
La loi particulière varie selon chaque peuple, d'où son nom.
Que cette
loi se présente comme loi écrite ou au contraire comme loi non écrite, c'est là un point secondaire.
Pour éclairer
cette distinction entre loi écrite et loi non écrite, nous pouvons nous souvenir que, jusqu'à la veille de la
Révolution de 1789, le droit romain écrit dominait dans le Sud de la France, alors qu'au Nord prévalait le droit
coutumier.
Mais dans un cas comme dans l'autre, il s'agit de la loi particulière.
Nous insistons bien sur ce point
car une confusion est possible entre loi non écrite et ce qu'Aristote nomme loi commune.
Pour prendre l'exemple
d'Antigone, dans la tragédie de Sophocle, exemple dont Aristote se sert ici pour illustrer la loi commune et sur
lequel il nous faudra revenir, l'on dit souvent qu'Antigone a préféré suivre la loi non écrite et désobéir à la loi
écrite, la loi de la Cité.
Seulement il faut bien voir que la loi non écrite en question n'est nullement une loi
particulière.
La loi non écrite d'Antigone est bel et bien la loi commune.
Avant d'essayer de savoir ce qu'il faut
entendre par « loi commune », tâchons de définir de façon plus complète le domaine de la « loi particulière ».
Nous dirons que la loi particulière est du domaine de la convention.
Or nous savons que ce domaine s'oppose à
la nature.
C'est ainsi qu'Aristote nous dit, dans un développement que Marx ne manquera pas de saluer au
passage (dans le chapitre I de la première section du livre I du Capital), que « la monnaie est devenue, en
vertu d'une convention, en quelque sorte un moyen d'échange pour ce qui nous fait défaut ».
« C'est pourquoi,
ajoute-t-il, on lui a donné le nom de nomisma (monnaie), parce qu'elle est d'institution, non pas naturelle, mais
légale (nomos : loi), et qu'il est en notre pouvoir, soit de la changer, soit de décréter qu'elle ne servira plus.
»
(Éthique à Nicomaque, Livre V, Chap.
V).
Cette opposition entre la nature et la convention n'est pas le fait
d'Aristote.
Platon, pour ne citer que lui, avait dans le Cratyle opposé les deux thèses à propos du langage.
Alors que pour Cratyle les noms avaient une origine naturelle, pour Hermogène au contraire ceux-ci étaient
l'effet d'une pure convention (1).
Il apparaît donc qu'Aristote, en distinguant dans ce texte la loi particulière,
qui est de l'ordre de la convention et qui est relative à chaque peuple, et la loi appelée loi commune, retrouve
cette opposition de la convention et de la nature.
Il précise d'ailleurs lui-même ce point : « Par loi commune,
j'entends la loi naturelle.
»
Efforçons-nous à présent d'expliciter ce qu'Aristote appelle loi naturelle.
Il ressort de la lecture de ce texte que
les caractéristiques de la loi naturelle sont pour ainsi dire les contraires mêmes des caractéristiques de la loi
particulière.
Par exemple, à la relativité de cette dernière s'oppose l'universalité de la loi naturelle.
Dans
l'Éthique à Nicomaque, Aristote, après avoir dit qu'une partie du droit est fondée sur la loi (entendons la loi
particulière), et que l'autre est en revanche d'origine naturelle, précise ensuite que « ce qui est d'origine
naturelle est ce qui, en tous lieux, a le même effet et ne dépend pas de nos diverses opinions » (chapitre VII
du livre V).
Ainsi la loi naturelle ne varierait pas comme la loi particulière.
Mais en outre cette loi naturelle ne
semble pas être le fait de l'homme, au contraire de ce qui se passe pour la loi particulière.
Afin d'éclairer
quelque peu ce point, reportons-nous aux exemples que nous donne Aristote.
C'est d'abord la référence à la.
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- ARISTOTE : L'ANIMAL RATIONNEL
- Poétique d'Aristote
- « Le bonheur est une fin en soi » ARISTOTE
- « L’art imite la nature » ARISTOTE
- [ Art et imitation ] chez Aristote