Aristote
Extrait du document
«
"L’homme est un être qui aine son prochain et qui vit en société.
Que parmi ces liens d’affection, les uns soient plus éloignés, les
autres tout proches de nous, cela ne fait rien à la chose: toute
affection est précieuse pour elle-même et non pas seulement pour
les services qu’on en tire.
Si donc l’affection pour les concitoyens
est précieuse pour elle-même, il faut nécessairement en dire
autant pour les gens de même nation et de même race, en sorte
qu’il en va pareillement de l’affection pour tous les hommes.
De
fait, les sauveteurs sont ainsi disposés à l’égard du prochain qu’ils
accomplissent le plus souvent leur sauvetage non pas en vue
d’une récompense, mais parce que la chose vaut d’être faite pour
elle-même.
Qui donc , voyant un homme écrasé par une bête, ne
s’efforcerait s’il le pouvait, d’arracher à la bête sa victime? Qui
refuserait d’indiquer la route à un homme égaré? Ou de venir en
aide à quelqu’un qui meurt de faim? Ou, s’il a découvert une source
dans un désert aride, ne la ferait connaître par des signaux à ceux
qui suivent la même route? Qui donc enfin n’entendrait avec
horreur, comme contraires à la nature humaine, des propos tels
que ceux-ci: "Moi, mort, que la terre soit livrée aux flammes!" ou:
"Que m’importe le reste, mes affaires à moi prospèrent"? De toute
évidence, il y a en nous un sentiment de bienveillance et d’amitié
pour tous les hommes, qui manifeste que ce lien d’amitié est chose précieuse par elle-même.
"
ARISTOTE.
Aristote expose sa thèse: l’homme est naturellement un être qui aime son prochain.
1) Certes, ce lien d’affection peut connaître des variations.
Mais son existence de principe et sa valeur ne sont
pas mis en cause pour autant.
Il vaut aussi bien pour ceux qui nous sont proches que pour l’humanité dans son
ensemble.
2) C’est le principe de ce lien (et non l’intérêt qu’il peut susciter) qui est à l’oeuvre dans une série d’actions où
l’on porte secours à autrui.
3) C’est ce même principe de bienveillance qui rend insupportables des propos égoïstes, "contraire à la nature
humaine".
Aristote affirme sa thèse, qui prend une double forme.
D’une part, "l’homme est un être qui aime son prochain".
D’autre part, "l’homme est un être qui vit en société".
Le rapprochement de ces deux formules suggère un lien
entre ce qui est de l’ordre du fait (l’homme vit en société) et ce qui est de l’ordre du principe (l’homme qui aime
son prochain).
Et l’on peut supposer que ce qui est de l’ordre du principe -la nature de l’homme- explique le fait
d’évidence -la vie de l’homme en société.
Ce principe ne relève pas directement de l’observation, même si de nombreux faits le confirment.
Il a cependant
valeur d’explication quant à la sociabilité humaine.
On retrouve l’adage fameux, attribué à Aristote: l’homme est
un animal politique -où le terme d’animal indique la "naturalité" de la sociabilité politique.
L’accord que le lecteur ne peut manquer de donner à la seconde partie de la thèse qui, à l’évidence de son
universalité, facilite l’acceptation de la première partie.
Reste toujours possible cependant une objection qui
opposerait au principe de l’amour (compris comme bienveillance) un autre principe, comme celui de l’égoïsme.
1) Ayant dégagé un principe (théorique), Aristote reconnaît ses variations (pratiques).
Mais les variations, qui
se répartissent sur la gamme "proche, éloignée", ne remettent pas en cause le principe ("cela ne fait rien à la
chose").
L’idée même des liens, seraient-ils étroits ou relâchés, renvoie au thème de la société qui relie, à des
degrés divers, les hommes entre eux.
C’est l’affection (au sens de sentiment, ce qui nous fait agir, ce qui nous
touche) en tant que telle qui a du prix ("toute affection est précieuse pour elle-même") et non ses
conséquences ("et non pas seulement pour les services que l’on en tire"), selon l’argumentation qu’il ne saurait
y avoir de conséquences s’il n’y a -en premier- comme fondement, un principe.
Certes nous pouvons admettre que nous comprenons mieux ce qui est proche.
Proximité qui est un des degrés
de l’expérience concrète, déjà évoquée au début du texte.
Et nous pouvons ainsi établir concrètement une progression qui ordonne du proche au lointain nos concitoyens,
les gens de même nation et de même race, et enfin tous les hommes.
Mais il y a quelque chose d’identique
dans chacun des éléments de cette série, quelque chose qui relève du même, ou encore, pour reprendre aussi
une expression du texte, quelque chose de pareil.
Identité qui renvoie au principe.
Dans le concitoyen, dans
n’importe quel homme, pris au hasard parmi tous ces hommes, il y a l’homme.
Au-delà de la diversité, à laquelle
nous sommes certes de plus en plus sensibles au fur et à mesure où nous nous éloignons de ce qui est proche
(et par là même familier), il y a, plus important que ‘importe quelle différence, (viendrait-on même à additionner
toutes ces différences), l’homme.
Ce qui fait qu’à chaque fois joue le bienveillance primordiale.
2) Ceci, certes, est une question de principe.
Mais que se passe-t-il en fait? Les exemples choisis par Aristote
illustrent le principe.
Mais ils vont aussi à son secours et sont aux fins d’édification.
Ces exemples, dans leur diversité, n’appellent pas directement de commentaires.
Notons pourtant qu’ils mettent.
»
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