Aristote
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PRESENTATION DE L' "ETHIQUE A NICOMAQUE" DE ARISTOTE
Au regard de la tripartition du savoir classique dans l'Antiquité (logique, physique et éthique), l'Éthique à Nicomaque
constitue l'oeuvre la plus aboutie de la partie éthique.
En délimitant le champ des affaires humaines par exclusion de la
nature et du divin, elle constitue le premier effort pour penser l'action humaine de manière immanente et autonome et
lui reconnaître ainsi une positivité ontologique.
Aristote (384-322 av.
J.-C.) y opère en effet une critique de ses
prédécesseurs, qui ne voient dans l'action humaine qu'un domaine d'application pour des principes extérieurs, que ce
soient les dieux de la pensée tragique, les formes platoniciennes ou plus pragmatiquement, les techniques de la
sophistique.
"Ainsi tout homme averti fuit l'excès et le défaut, recherche la bonne
moyenne et lui donne la préférence, moyenne établie non relativement à
l'objet, mais par rapport à nous.
De même toute connaissance remplit
bien son office, à condition d'avoir les yeux sur une juste moyenne et de
s'y référer pour ses actes.
C'est ce qui fait qu'on dit généralement de tout
ouvrage convenablement exécuté qu'on ne peut rien lui enlever, ni rien
lui ajouter, toute addition et toute suppression ne pouvant que lui enlever
de sa perfection et cet équilibre parfait la conservant.
Ainsi encore les
bons ouvriers couvrent toujours les yeux fixés sur ce point d'équilibre.
Ajoutons encore que la vertu, de même que la nature, l'emporte en
exactitude et en efficacité sur toute espèce d'art ; dans de telles
conditions, le but que se propose la vertu pourrait bien être une sage
moyenne.
Je parle de la vertu morale qui a rapport avec les passions et
les actions humaines, lesquelles comportent excès, défaut et sage
moyenne.
Par exemple, les sentiments d'effroi, d'assurance, de désir, de
colère, de pitié, enfin de plaisir ou de peine peuvent nous affecter ou trop
ou trop peu, et d'une manière défectueuse dans les deux cas.
Mais si
nous éprouvons ces sentiments au moment opportun, pour des motifs
satisfaisants, à l'endroit de gens qui les méritent, pour des fins et dans
des conditions convenables, nous demeurerons dans une excellente
moyenne, et c'est là le propre de la vertu : de la même manière, on
trouve dans les actions excès, défaut et juste moyenne.
Ainsi donc la vertu se rapporte aux actions comme
aux passions.
Là l'excès est une faute et le manque provoque le blâme ; en revanche, la juste moyenne
obtient des éloges et le succès, double résultat propre à la vertu.
La vertu est donc une sorte de moyenne,
puisque le but qu'elle se propose est un équilibre entre deux extrêmes...
La vertu est donc une disposition
acquise volontaire, consistant par rapport à nous, dans la mesure, définie par la raison conformément à la
conduite d'un homme réfléchi.
Elle tient la juste moyenne entre deux extrémités fâcheuses, l'une par excès,
l'autre par défaut." ARISTOTE.
Dans les chapitres V et VI de l'Éthique à Nicomaque, Aristote définit la vertu comme n'étant ni une passion, ou un état
affectif (comme la colère, la peur, la joie, la haine, etc.), ni une possibilité d'éprouver telle ou telle de ces passions,
mais une disposition acquise (hexis), c'est-à-dire une manière d'être habituelle s'accompagnant d'un choix réfléchi.
La
vertu cardinale définissant l'homme sensé et prudent consiste dans une juste mesure entre deux conduites déficientes,
l'une par excès, l'autre par défaut.
L'analyse aristotélicienne ne laisse ainsi aucune place à une éventuelle « psychologie » ; c'est dans le cadre d'une
éthique que la question de la vertu se pose, parce qu'elle constitue la disposition acquise à discerner, dans un
contexte donné, les conditions de l'action sensée.
Celle-ci se situe dans un point d'équilibre entre excès et défaut,
dans toutes les circonstances typiques de la conduite de la vie.
La vertu est le choix de la « mesure », c'est-à-dire ce
qui ne comporte ni exagération, ni défaut, dans quelque contexte que ce soit.
Cette « mesure » ne saurait se réduire à
une simple moyenne selon la proportion mathématique, du fait que cette mesure est variable selon les individus et le
domaine d'application considéré.
C'est pourquoi la vertu morale est une « sage moyenne », qui ne récuse pas tant les
sentiments passionnels qu'elle ne les adapte à la circonstance et les applique au moment opportun.
Que cette « vertu
» ne puisse être l'objet d'aucune science tient au fait que la vertu n'est assimilable à aucune exactitude relevant d'un
savoir à caractère scientifique.
C'est du reste la raison pour laquelle la définition de la vertu implique chez Aristote une
certaine « personnification », en tant qu'elle est moins un Idéal intelligible, une norme transcendante, qu'elle ne réfère
à la conduite d'un homme considéré dans la singularité de son existence concrète.
Ce n'est donc pas tant la prudence
en général (qui ne semble pas pouvoir être définie) que l'homme prudent lui-même qui doive ici servir de norme éthique.
Cette disposition vertueuse doit être habituelle : elle ne peut s'acquérir qu'à force de pratique, par laquelle la vertu
devient disposition personnelle du sujet.
Les vertus sont des dispositions stables qui finissent par déterminer
durablement le caractère.
Cette constitution subjective explique que le modèle de l'action droite ne peut être qu'un
homme droit qui, incarnant la vertu, inspire à ses contemporains la disposition à agir selon le bien..
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