Aristote
Extrait du document
«
Le choix n'est certainement pas la même chose que le souhait, bien qu'il
en soit visiblement fort voisin.
Il n'y a pas de choix, en effet, des choses
impossibles, et si on prétendait faire porter son choix sur elles on
passerait pour insensé; au contraire, il peut y avoir souhait des choses
impossibles, par exemple de l'immortalité.
D'autre part, le souhait peut
porter sur des choses qu'on ne saurait d'aucune manière mener à bonne
fin par soi-même, par exemple faire que tel acteur ou tel athlète
remporte la victoire; au contraire, le choix ne s'exerce jamais sur de
pareilles choses, mais seulement sur celles qu'on pense pouvoir produire
par ses propres moyens.
En outre, le souhait porte plutôt sur la fin, et le
choix sur les moyens pour parvenir à la fin : par exemple, nous
souhaitons être en bonne santé, mais nous choisissons les moyens qui
nous feront être en bonne santé; nous pouvons dire encore que nous
souhaitons d'être heureux, mais il est inexact de dire que nous
choisissons de l'être : car, d'une façon générale, le choix porte, selon
toute apparence, sur les choses qui dépendent de nous.
Introduction.
Nos désirs ne commandent-ils pas toujours nos choix? Ne peut-on définir le choix
comme la simple actualisation de nos souhaits? Aristote nous rappelle à travers ce texte que l'association entre ces
deux notions n'est pas si simple et il analyse méthodiquement les différences qui les séparent : il en cite trois, qui
montrent toutes que le domaine du souhait, du désir, est plus étendu que la sphère du choix, de la décision.
Ces
différences sont révélées par trois objets de souhait ou de choix : les choses impossibles, celles qui ne dépendent pas
de nous et la distinction entre moyens et fins.
Nous analyserons ces distinctions en montrant dans quelle mesure elles nous permettent de réfléchir sur le rapport de
l'homme à la réalité en général.
Étude ordonnée et intérêt philosophique.
Coup d'oeil synthétique
Le thème du texte nous est indiqué par Aristote dès la première phrase : il s'agit d'analyser la différence entre souhait
et choix, qui sont par ailleurs des concepts « fort voisins ».
Ce voisinage est celui de la préférence: dans le souhait
comme dans le choix nous ordonnons les possibilités d'action ou les représentations du monde selon notre point de
vue.
Ces attitudes sont des expressions du relief que nous donnons aux choses selon que nous les désirons ou que
nous les fuyons.
Il existe cependant une nuance entre ces deux notions, et Aristote s'attache à la préciser en montrant que le souhait
a un caractère plutôt esthétique et le choix un caractère pratique; selon lui, le souhait demeure du côté de la libre
représentation imaginative alors que le choix est un début d'action et se doit donc de tenir compte de la réalité.
Première différence : elle apparaît tout d'abord lorsqu'on envisage les « choses impossibles », comme l'immortalité.
Il
est bien entendu impossible de la « choisir » puisqu'elle ne figure pas parmi les options possibles, elle n'est rien de réel
mais seulement une vue de l'esprit conçue négativement à partir de l'expérience de la mort.
En revanche, comme la
mort nous paraît être un mal, il est tout naturel de la fuir et par conséquent de souhaiter son contraire.
Le contraire de
la mort peut être la vie, simplement, ou l'immortalité.
Aristote met ainsi en lumière la distinction entre l'impossible et l'inconcevable : le couple possible-impossible se
rapporte toujours à la réalité; comme le choix consiste à faire advenir dans la réalité une possibilité, à l'actualiser, il
serait absurde de prétendre choisir une chose impossible, c'est-à-dire non actualisable.
Le choix opère donc sur un
nombre d'options limité par les possibilités d'actualisation alors que le souhait, qui demeure au stade de la
représentation, n'est pas limité.
Il a donc un caractère de jeu imaginatif, qu'on peut qualifier d'esthétique.
Une
question subsidiaire consisterait à se demander s'il est souhaitable de désirer l'impossible et s'il n'y a pas là un risque de
« prendre ses désirs pour des réalités ».
Nous discuterons ultérieurement de cette régulation des souhaits.
Transition
Dès que nous sortons de nos représentations, nous sommes obligés de tenir compte du monde réel qui ne se plie pas à
nos fantaisies.
Telle est donc la leçon du premier point.
Le deuxième indique une autre limitation : nous devons
également tenir compte d'autrui qui poursuit ses propres fins, autres que les nôtres, et qui vit une vie que nous ne
pouvons contrôler.
Deuxième différence
Le propre du souhait est en effet de jouer sur des représentations de l'imagination.
Tout lui est soumis, y compris la vie
des autres hommes qui deviennent des marionnettes dans le théâtre de notre représentation.
Ce peut être également
une expression de l'affection ou de l'aversion que nous éprouvons à l'égard de telle personne : plus ou moins.
»
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