Aristote
Extrait du document
«
« Les actions dont les principes sont en nous dépendent elles-mêmes de
nous et sont volontaires.
En faveur de ces considérations, on peut,
semble-t-il, appeler en témoignage à la fois le comportement des
individus dans leur vie privée et la pratique des législateurs eux-mêmes :
on châtie, en effet, et on oblige à réparation ceux qui commettent des
actions mauvaises, à moins qu'ils n'aient agi sous la contrainte ou par
une ignorance dont ils ne sont pas eux-mêmes causes.
En effet, nous
punissons quelqu'un pour son ignorance même, si nous le tenons pour
responsable de son ignorance, comme par exemple dans le cas d'ébriété
où les pénalités des délinquants sont doublées, parce que le principe de
l'acte réside dans l'auteur de l'action lui-même, qui était maître de ne pas
s'enivrer et qui est ainsi responsable de son ignorance.» ARISTOTE
> QUESTIONS
1.
Dégagez l'idée principale du texte et son argumentation.
2.
a.
Comment Aristote distingue-t-il les actions qui « dépendent de nous » et
celles qui n'en dépendent pas ?
b.
En vous servant de cette distinction vous expliquerez les exemples du texte.
3.
L'ignorance est-elle toujours une excuse ?
> QUESTION 1
Aristote soutient que l'acte volontaire, qui suppose réflexion et liberté de décision, requiert la connaissance de toutes
les circonstances particulières de l'action.
A partir du moment où l'individu agit sous l'emprise de la contrainte ou d'une
ignorance dont il n'est pas la cause, il ne peut être considéré comme pleinement responsable.
La première phrase du texte définit les actions volontaires comme celles dont les principes sont en nous.
La suite
illustre cette thèse par deux exemples, respectivement empruntés au registre de la « vie privée » et de la pratique
législative.
Enfin (à partir de « En effet »), Aristote montre que la punition s'enracine dans la reconnaissance de la
responsabilité de l'auteur de l'acte.
C'est l'occasion d'apporter une nuance aux deux exemples qui précèdent :
l'ignorance peut bien être punie, mais à la condition de considérer que l'individu aurait pu l'éviter, bref, qu'il en est
responsable.
> QUESTION 2
a.
Aristote distingue les actions qui « dépendent de nous » et celles qui n'en dépendent pas, par l'origine de leur «
principe ».
Si la cause de l'action réside « en nous », alors l'action « dépend de nous », et inversement dans le cas
contraire.
Mais toutes les actions que nous commettons ne s'identifient pas à des actions « dont les principes sont en
nous ».
Car pour être pleine-ment à l'initiative d'une action, il faut en connaître toutes les circonstances particulières.
Lorsqu'on agit sous l'emprise d'une ignorance dont on n'est pas la cause, l'action ne « dépend » pas plus de nous que
si elle avait été initiée par quelqu'un d'autre.
Mais lorsque l'auteur de l'action était maître de ne pas ignorer, il est tout
aussi responsable que s'il avait su.
La thèse d'Aristote est donc, au total, plus nuancée (et plus complexe !) que ce
qu'une lecture rapide pouvait éventuellement laisser penser.
b.
Aristote commence par se référer en général à la « vie privée » et à la « pratique des législateurs eux-mêmes »,
donc à l'éducation telle qu'elle est communément pratiquée, et à la justice.
Puis il prend l'exemple précis de l'ébriété,
qui pourrait s'appliquer aux deux domaines distingués.
Il veut montrer que lorsqu'on punit, chez soi ou dans un tribunal,
on postule nécessairement que l'individu a été libre, libre d'agir autrement.
On présuppose qu'il a été à l'initiative de
son acte, et donc qu'il doit en répondre, en particulier devant la personne lésée.
On présume qu'il a agi de lui-même,
sans contraintes et en toute connaissance de cause.
Pourquoi punir sinon ? Le cas de l'ivrogne est intéressant.
Car il
était en son pouvoir de ne pas boire, donc de créer en lui les conditions d'une action lucide et responsable.
Ce n'est
pas seulement un homme qui a mal agi.
C'est quelqu'un qui aurait pu et même dû bien agir.
Cela explique qu'on le
punisse, et même deux fois plus que les autres : « dans le cas d'ébriété [...] les pénalités des délinquants sont
doublées ».
> QUESTION 3
[Introduction]
« Je ne savais pas...
», « Je ne l'ai pas fait exprès...
».
Ces formules, communément alléguées pour justifier une
mauvaise action ou, tout au moins, une action dont le résultat contrarie nos prévisions, valent comme une excuse de
la part de celui qui y recourt.
Elles signalent que dans l'ignorance, ou en l'absence de tous les éléments requis pour
évaluer précisément les circonstances particulières de l'action, on ne pouvait que se tromper ou mal agir.
Elles
soulignent un hiatus entre les intentions, neutres voire bonnes en elles-mêmes, et le résultat effectif de l'action, ce
hiatus étant dû à un défaut de connaissance..
»
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