Apprendre et comprendre

« Introduction.

— Les enfants le savent, ils vont à l'école pour apprendre : apprendre à lire et à écrire ; à compter et à calculer ; apprendre l'histoire et la géographie...

Mais plus tard, spécialement en philosophie, les maîtres insistent sur la nécessité de comprendre.

Deux mots dont il importe de déterminer le sens précis et le rapport. I.

— DIFFERENCES Ces mots ont bien la même racine, « prendre », dérivé de prehendere qui est mieux traduit par « saisir »,; mais les préfixes en modifient notablement le sens. A la différence de « prehendere », apprendre ne désigne qu'un processus mental.

Le préfixe « ad » pourrait suggérer un mouvement « vers » ce qui est appris, une activité du sujet qui apprend.

Mais si on peut observer une activité de ce genre chez l'écolier qui apprend sa leçon, nous apprenons bien des choses d'une façon passive, sans regarder ou écouter, sans le vouloir.

« Apprendre » dit simplement : enregistrer une connaissance, de quelque manière, que se fasse cet enregistrement. Etymologiquement déjà, comprendre dit plus : non seulement saisir, mais « saisir avec » (cum) ; avec les mots enregistrés par l'ouïe ou par la vue, saisir leur signification ; avec le fait observé, saisir sa cause ou sa raison ; dans une machine, saisir les rapports de ses éléments les uns avec les autres, de manière à voir en pensée son fonctionnement ; dans un raisonnement, saisir la conclusion avec les prémisses qui la justifient...

La compréhension appartient à l'ordre rationnel. II.

— RAPPORTS On peut apprendre sans comprendre : soit parce que ce qu'on a appris est dépourvu de sens (comptines des enfants, suite de lettres de l'alphabet...) ; soit par défaut de connaissances préalables (langue étrangère), d'attention ou d'intelligence... Mais on apprend mieux ce que l'on comprend, parce que les associations mécaniques de la mémoire sont renforcées par les liaisons rationnelles perçues par l'intelligence. Inversement, on comprend mieux ce que l'on a appris.

Non seulement après l'avoir compris : grâce aux formules enregistrées, la compréhension est plus rapide.

Mais encore, avant de l'avoir compris : ces formules constituent une compréhension virtuelle qu'il suffira d'actualiser. Conclusion.

— L'homme commence par apprendre : la compréhension ne vient et ne peut venir qu'après coup.

En effet, il ne comprendrait pas s'il n'avait rien appris, et pour mieux comprendre il lui faut apprendre toujours davantage.

Ainsi, apprendre et comprendre sont deux activités mentales qui se conditionnent l'une l'autre.. »