Apprendre à être libre est-ce seulement apprendre à se passer du secours d'autrui ?
Extrait du document
«
La liberté correspond à l'état de l'être qui n'obéit qu'à sa volonté, indépendamment de toute contrainte extérieure.
Autrui, « c'est l'autre, c'est-à-dire le moi qui n'est pas moi » selon l'expression de Sartre.
Autrui, en ce sens est ce
mixte de proximité et de distance.
Ainsi, s'il nous est interdit de mettre autrui entre parenthèses au nom d'une
autonomie individuelle, en revanche autrui peut donner lieu à un véritable affrontement.
La qualité des rapports que
l'homme noue avec autrui dépend donc non seulement de la sympathie qui est investie, mais aussi de la
connaissance réciproque des protagonistes.
Dire que l'homme est libre peut se prendre dans un sens très relatif.
Libre, oui, mais par rapport à quoi? Par rapport
à la société, par rapport à son passé, par rapport à son milieu, son corps? Par rapport à une contrainte.
C'est une
manière assez négative de penser la liberté.
D'un point de vue plus positif, en quoi consiste la liberté? Est-ce que la
conscience est en elle-même libre absolument?
La liberté de vouloir :
Considérons le problème sous l'angle du vécu conscient : qu'est-ce qui atteste l'existence d'un libre-arbitre ?
Nous faisons une expérience claire de notre pouvoir de choisir.
Nous éprouvons ce pouvoir en présence de
plusieurs possibles qui s'offrent à nous.
Nous percevons en nous une volonté libre, réfléchie, maîtresse d'ellemême et nous avons même un sentiment vif de notre liberté et de notre indépendance.
Cette expérience
consciente se suffit à elle-même pour attester de la présence de la liberté en l'homme.
« La liberté de notre
volonté se connaît sans preuve, par la seule expérience que nous en avons ».
Autrement dit, la preuve de la
liberté, c'est la liberté elle-même en acte, telle que nous la rencontrons dans notre expérience.
Cette liberté de fait se fonde sur la liberté de vouloir ou de ne pas vouloir qui appartient au moi.
Mais encore
faut-il que cette puissance soit exercée comme il faut.
Pour que nos actes soient libres, il est important que
l'action soit spontanée, mais aussi qu'elle soit délibérée.
L'homme libre doit conserver sa lucidité devant le réel,
son pouvoir de délibération, car s'il perdait toute lucidité et tout pouvoir de délibération, il perdrait du même
coup sa liberté.
Tout se joue donc au niveau de la disponibilité à elle-même de l'intelligence.
Pour que je puisse
juger sainement, il faut que mon intelligence garde son indépendance, observe un retrait et ne soit pas
asservie au domaine des sens.
C'est là une exigence élevée, mais ce pouvoir est peut-être en nous.
C'est pour
Descartes une évidence incontestable : « il est évident que nous avons une volonté libre qui peut donner son
consentement ou ne pas le donner quand bon lui semble, que cela peut-être compté pour une de nos plus
commune notions ».
La volonté s'appartient à elle-même, parce que la conscience s'appartient à elle-même.
Selon le volontarisme, le pouvoir de la volonté est certainement le plus grand pouvoir dont l'homme dispose,
celui qui le rend capable de tout.
La volonté est en l'homme une puissance absolue.
Nous ne pouvons pas tout
comprendre, mais il est possible de tout vouloir.
La volonté est à ce point une puissance absolue, qu'elle
dépasse tout à la fois la conviction que l'on tire des motifs intellectuel que la persuasion que nous trouvons
dans les mobiles sensibles.
A supposé que nous nous trouvions devant une décision à prendre qui nous met
devant une alternative entre A et B.
Nous serions alors comme l'âne de Buridan qui a également faim et soif et
qui a été place entre un picotin d'avoine et un baquet d'eau.
S'il n'y avait de détermination de la volonté qu'à
travers l'empire des raisons, l'âne pourrait mourir de faim et de soif.
Si par contre l'âne dispose effectivement
d'un libre arbitre, il possède le ressort d'une volonté capable de trancher une situation d'indifférence, ou l'esprit
balance entre A et B.
La volonté libre est la force qui fera pencher la balance en faveur de l'une ou l'autre des
options, soit aller boire d'abord, puis aller manger ensuite.
C'est le pouvoir de la liberté qui seul est susceptible
d'incliner.
Cette situation est appelée liberté d'indifférence que Descartes qualifie de « plus bas degré de la
liberté.
Au plus haut degré se situe la liberté rationnelle qui consiste pour la volonté à suivre les motifs que
l'intelligence lui propose, de sorte qu'avec clarté apparaît qu'un choix s'impose comme meilleur que l'autre.
C'est
un peu comme si sur la balance, le poids des motifs intellectuels inclinait nettement vers A et non pas vers B
et que je choisissais A en toute connaissance de cause et repoussait B.
La volonté suit ce que l'entendement
lui propose, elle est éclairée par l'intelligence.
Cependant, parce que la liberté de la volonté suppose un pouvoir
original qui est indépendant des ressources à la fois de la séduction sensible autant que des motifs
intellectuels, il est tout à fait concevable que nous puissions aussi choisir délibérément le pire tout en
connaissance le meilleur.
C'est un peu comme si, l'un des plateaux de la balance penchait nettement d'un côté
A, parce que toutes les raisons nous y inclinent, et que pourtant, en vertu de notre liberté, nous décidions de
choisir B.
On peut toujours dire que c'est ridicule, mais nous pouvons le faire, estime Descartes, ne serait ce
que pour nous prouver à nous-mêmes notre liberté.
Si tel est le cas, nous disposons alors d'un libre-arbitre
absolu.
Le libre-arbitre humain est donc la capacité de se décider en dépit de toutes les déterminations, que
celles-ci soient des mobiles sensibles ou des motifs intellectuels.
L'acte gratuit et la liberté :
Une fois admis cette hypothèse d'un libre-arbitre absolu, on dira que la liberté est capable du meilleur comme
du pire.
D'où le problème de l'acte gratuit.
L'acte gratuit, c'est l'acte qui est accompli sans raison, par seul
effet de la liberté.
Prenons un exemple célèbre, celui du héros de Gide dans les Caves du Vatican, Lafcadio.
Lafcadio se rend à Rome par le train et se retrouve seul dans la nuit, ne partageant son compartiment qu'avec
un vieux monsieur, Amédée Fleurissoire.
Lafcadio se prend d'une pensée folle.
Là sous ma main, la poignée.
Il
suffirait de la tirer et de le pousser en avant.
On n'entendrait même pas un cri dans la nuit.
Qui le verrait...
un
crime immotivé, quel embarras pour la police ».
Lafcadio pense ne pas pouvoir être soupçonné, il n'y a pas de
relation entre lui et Amédée Fleurissoire.
L'enquête devra s'orienter ailleurs pour trouver un coupable.
Lafcadio.
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