André Vésale
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André Vésale
1514-1564
André Vésale, Bruxellois de vieille souche médicale et brabançonne, naquit à Louvain en 1514.
Sa mère Élisabeth Crable et ses nombreux
enfants y entretenaient un foyer idéal où travail et science étaient à l'honneur sous l'Oeil averti du père : mille traits témoignent des
encouragements en faveur de tout effort louable.
L'enfant, passionné pour l'anatomie, disséquait tout animal venu sous yeux : les rats,
les souris du grenier, les chats tombés des gouttières, les taupes du jardin, les pièces informes acquises chez les tripiers voisins.
Cette direction spéciale de son activité ne l'empêchait pas de suivre avec le plus grand fruit ses études classiques, puisque dès son entrée
à l'Université de Louvain, c'est à lui que l'éditeur Haldinus Junta s'adresse pour la correction des épreuves grecques et latines des Oeuvres
de Galien.
Il cultive en même temps les mathématiques au point de devenir l'ami de Gemma d e Groningen, avec qui nous le
rencontrerons un jour volant au gibet de Louvain un squelette humain tout entier.
Nous n'avons aucune preuve du séjour de Vésale à Montpellier, mais nous savons qu'en 1532 il se trouve à Paris où François Ier illustrait
de maîtres fameux la Faculté de médecine.
Dubois-Sylvius y occupe la chaire d'anatomie ; et si les leçons de ce dernier ne sont que le
commentaire de Galien qui a basé son étude des muscles et viscères humains sur ceux du singe, l'adolescent visiteur de gibets devait
être profondément déconcerté, et ici se placent naturellement ses visites à Montfaucon et au cimetière des Innocents où ses protestations,
les pièces à la main, l'associeront publiquement aux travaux de Gonthier d'Andernach à l'Université.
Il vient d'avoir dix-huit ans.
Il rentre
alors à Louvain où Jacques Armentarius le charge des démonstrations anatomiques sur cadavre humain, comme il appert de sa propre
affirmation au chapitre 59 livre I de la Fabrica.
Mais le peu de compréhension qu'il y rencontre et la pénurie de cadavres le poussent vers
l'Italie.
Il y parvient en 1537 et le 5 décembre il y conquiert le bonnet carré en présence de vingt-deux docteurs.
Immédiatement, une
chaire lui est offerte par le Sénat de Venise.
Cette fois, Vésale est dans son élément : il dissèque le cadavre humain devant un auditoire
si nombreux que, souvent, le manque d'air l'oblige à interrompre son cours.
Il visite en triomphateur toutes les universités du Nord italien
et s'arrête enfin à Pise, où Cosme de Médicis le retient par la promesse de lui livrer autant de cadavres qu'il en demandera.
Mais dès ce moment, Vésale a fait palper les erreurs des anciens maîtres et que les professeurs de ce jour, par paresse ou négligence,
répètent emphatiquement du haut de leur chaire Le moment est propice pour lancer un ballon d'essai.
Et ce fut sur le marché de la
science l'apparition des Tabulæ anatomicæ sex, éditées par Vitalis.
Le succès fut immense et Vésale monta à l'apogée de sa gloire.
L'heure était venue de livrer au monde son grand Oeuvre : humani corporis fabrica libri septem.
Il en confie le manuscrit au philologue
imprimeur Oporinus à Bâle.
Aux fins d'en revoir lui-même les épreuves et de surveiller l'exécution des planches, il se trouve lui-même
dans cette ville le 12 mai 1543 un mois avant la sortie des presses.
Si l'on considère ce qui existait avant l'apparition de ces deux ouvrages, on peu proclamer leur auteur le créateur de l'iconographie
médicale utile ; avec la Fabrica, nous atteignons les sommets de la perfection, voire de l'art.
Ce sont des squelettes vivants qui défilent
devant nos yeux.
Ces attitudes, ces poses, ces parties tantôt au repos tantôt en activité sont, en même temps qu'un rigoureux cours
d'anatomie, une merveilleuse démonstration physiologique.
Le squelette à la bêche, le squelette méditant, le squelette en lamentation
sont des chefs-d'Oeuvre d'harmonie et de souplesse dans le mouvement.
Et cette suite d'écorchés qui laissent surprendre le muscle en
pleine action, le font saillir et mouvoir tel qu'il joue dans ses gaines sous la peau, ne sont-ils pas d'inappréciables auxiliaires pour les
princes de la peinture qui bientôt vont surgir ? L'exubérance charnelle de Rubens n'est-elle pas fille de Vésale ?
A l'encontre de Galien, qu'il réfute partout à fond, Vésale décrit le cours des veines, l'anatomie du cOeur, où il nie l'existence d'un orifice
interventriculaire, l'oreille interne, l'oreille externe, le médiastin, le mésentère, le trigone ou fornix.
Il repousse l'affirmation de Galien à
propos de l'incurvation du fémur et de l'humérus ; il décrit le maxillaire inférieur formé de deux os et nie l'existence d'un os
intermaxillaire ; il démontre la structure du sternum et le nombre de pièces dont se compose l'os sacré ; il observe correctement les
cartilages aryténoïdes, les ménisques articulaires de la main et du genou, il décrit les corps jaunes...
et ainsi de suite.
Comme il était
prévu, la foule des galénistes se soulève en bloc avec, à leur tête, Sylvius-Dubois qui décoche un pamphlet indigne d'un homme sérieux :
Sylvius, Vesani in Galeno calumnias depulsandus.
Mais l'empereur Charles Quint a compulsé la Fabrica ; il en fut si charmé qu'il attacha l'auteur à sa personne, lui permettant seulement un
voyage à Padoue pour défendre ses assertions.
Moins égoïste, il eût dû le défendre des criailleries rageuses de ses confrères en le
nommant professeur à l'Université de Louvain.
Désabusé, Vésale se retira désormais à Bruxelles, où il mena une existence familiale mais opulente.
Il s'était édifié sur les terrains de la
maison paternelle un palais grandiose dit Ædes Vesalianæ, qu'il légua en dot à sa fille quand, disant adieu à sa patrie, il suivit l'empereur
en Espagne.
Ici se place naturellement l'infâme calomnie que l'on profère encore de nos jours et qui mène à la mort du grand anatomiste
: Vésale pratiquait l'autopsie d'un noble espagnol quand un assistant vit battre le cOeur du défunt.
Il fut poursuivi et condamné à mort.
Le
roi commua la peine en un pèlerinage expiatoire à Jérusalem.
A ce propos, le professeur Burggraeve, de Gand, s'est demandé qui était ce gentilhomme autopsié, quels furent les témoins de
l'accusation, devant quel tribunal fut porté le procès, pourquoi don Antonio Llorente, l'historien de l'Inquisition, n'en parle pas alors qu'il
traite de Vésale, enfin, pourquoi les contemporains de Vésale, confrères et profanes, gardent le silence sur un fait qui leur donnait
l'occasion de le plaindre ou de le terrasser, mais qui, certes, leur permettait d'exalter la clémence du monarque.
Le botaniste Clusius, qui
se trouve alors à Madrid, nous en donne l'explication : Vésale s'ennuyait loin de son ancienne ambiance laborieuse.
Pour quitter la cour, il
prétexta un voyage en Terre sainte auquel le roi consentit, lui offrant de grandes facilités pour l'accomplir.
En cours de route, il fut appelé
à prendre en charge la chaire de Falloppe qui venait de mourir, et c'est en cinglant vers Venise qu'au cours d'une tempête, il fut jeté sur
les rives de l'île de Zante où il mourut en 1564.
Son Oeuvre, dit Octave Béliard, est réellement un monument d'observation et de génie, et l'on ne peut, après la consécration de cette
grande renommée, mesurer l'énergie qu'il fallut pour l'édifier.
Avait-il du génie ? Contentons-nous de répondre par les trois mots que lui adresse Falloppe, son élève et son rival : Stupendum naturæ
miraculum..
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