Alain: Politique et morale
Extrait du document
La problématique s'élabore à partir de la notion d'opinion publique. Celle-ci est-elle l'opinion de tous les citoyens? D'une majorité d'entre eux ? Quel est donc le "public" qui serait l'auteur d'une opinion générale ? Ce problème débouche, dans le dernier paragraphe, sur un autre, concernant directement la pratique du pouvoir politique. Qui gouverne ? Les gouvernants ou cette opinion publique dont personne n'est véritablement l'auteur ? On en vient même à se demander, avec ALAIN, si l'Etat peut être tenu pour une entité responsable. Ne risque-t-il pas toujours, au contraire de sombrer dans la folie de la "dictature d'opinion" ?
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Chacun a pu remarquer, au sujet des opinions communes, que chacun les subit et que personne ne
les forme.
Un citoyen, même avisé et énergique quand il n'a à conduire que son propre destin, en
vient naturellement et par une espèce de sagesse à rechercher quelle est l'opinion dominante au
sujet des affaires publiques.
"Car, se dit-il, comme je n'ai ni la prétention ni le pouvoir de gouverner à
moi tout seul, il faut que je m'attende à être conduit ; à faire ce qu'on fera, à penser ce qu'on
pensera." Remarquez que tous raisonnent de même, et de bonne foi.
Chacun a bien peut-être une
opinion ; mais c'est à peine s'il se la formule à lui-même ; il rougit à la seule pensée qu'il pourrait être
seul de son avis.
Le voilà donc qui honnêtement écoute les orateurs, lit les journaux, enfin se met à la recherche de cet
être fantastique que l'on appelle l'opinion publique.
"La question n'est pas de savoir si je veux ou non
faire la guerre." Il interroge donc le pays.
Et tous les citoyens interrogent le pays au lieu de
s'interroger eux-mêmes.
Les gouvernants font de même, et tout aussi naïvement.
Car, sentant qu'ils ne peuvent rien tout
seuls, ils veulent savoir où ce grand corps va les mener.
Et il est vrai que ce grand corps regarde à
son tour vers le gouvernement, afin de savoir ce qu'il faut penser et vouloir.
Par ce jeu, il n'est point de folle conception qui ne puisse quelque jour s'imposer à tous, sans que
personne pourtant l'ait jamais formée de lui-même et par libre réflexion.
Bref, les pensées mènent
tout, et personne ne pense.
D'où il résulte qu'un Etat formé d'hommes raisonnables peut penser et
agir comme un fou.
Et ce mal vient originairement de ce que personne n'ose former son opinion par
lui-même ni la maintenir énergiquement, en lui d'abord, et devant les autres aussi.
ALAIN
I - LES TERMES DU SUJET
Le texte d'ALAIN ne comporte pas de concepts techniques ni spécifiquement philosophiques.
ALAIN réfléchit ici
sur l'idée d'opinion publique.
Le candidat aura dû chercher à définir cette idée à son tour.
II - ANALYSE DU PROBLÈME
La problématique s'élabore à partir de la notion d'opinion publique.
Celle-ci est-elle l'opinion de tous les
citoyens?
D'une majorité d'entre eux ? Quel est donc le "public" qui serait l'auteur d'une opinion générale ?
Ce problème débouche, dans le dernier paragraphe, sur un autre, concernant directement la pratique du
pouvoir politique.
Qui gouverne ? Les gouvernants ou cette opinion publique dont personne n'est véritablement l'auteur ?
On en vient même à se demander, avec ALAIN, si l'Etat peut être tenu pour une entité responsable.
Ne risquet-il pas toujours, au contraire de sombrer dans la folie de la "dictature d'opinion" ?
III - LES GRANDES LIGNES DE RÉFLEXION.
Il serait utile dans un premier temps, de proposer une explication précise du texte d'ALAIN, afin de poursuivre
ensuite la réflexion à partir de l'énoncé de la problématique évoquée plus haut.
IV - UNE DÉMARCHE POSSIBLE
A - RÉFLEXION SUR L'OPINION PUBLIQUE
1 - Comment caractériser cette opinion ?
ALAIN réfléchit sur les opinions connues, l'opinion publique, comme il l'appelle encore.
Le premier paragraphe
contient deux idées.
La première est que l'opinion publique n'est l'opinion de personne.
C'est une pensée anonyme sans sujet.
Aussi,
ALAIN la nommera t-il un "être fantastique", au second paragraphe.
Voilà en effet une pensée qui existe, mais
que nul ne "forme".
Aucun individu n'en est l'auteur; pas davantage un groupe d'individus.
La seconde idée vise à expliquer cet état de choses.
Personne n'ose émettre une opinion concernant les
affaires publiques, c'est-à-dire ce qui concerne tous.
Personne n'ose s'en remettre à son jugement propre.
Tous, au contraire, adoptent une attitude passive et consentent à suivre l'avis général..
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