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ALAIn: L'art de l'artiste et le métier d'artisan

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"Il reste à dire en quoi l'artiste diffère de l'artisan. Toutes les fois que l'idée précède et règle l'exécution, c'est industrie. Et encore est-il vrai que l'oeuvre souvent, même dans l'industrie, redresse l'idée en ce sens que l'artisan trouve mieux qu'il n'avait pensé dès qu'il essaye ; en cela il est artiste, mais par éclairs. Toujours est-il que la représentation d'une idée dans une chose, je dis même d'une idée bien définie comme le dessin d'une maison, est une oeuvre mécanique seulement, en ce sens qu'une machine bien réglée d'abord ferait l'oeuvre à mille exemplaires. Pensons maintenant au travail du peintre de portrait ; il est clair qu'il ne peut avoir le projet de toutes les couleurs qu'il emploiera à l'oeuvre qu'il commence ; l'idée lui vient à mesure qu'il fait ; il serait même rigoureux de dire que l'idée lui vient ensuite, comme au spectateur, et qu'il est spectateur aussi de son oeuvre en train de naître. Et c'est là le propre de l'artiste. Il faut que le génie ait la grâce de nature et s'étonne lui-même. Un beau vers n'est pas d'abord en projet, et ensuite fait ; mais il se montre beau au poète ; et la belle statue se montre belle au sculpteur à mesure qu'il la fait ; et le portrait naît sous le pinceau. La musique est ici le meilleur témoin, parce qu'il n'y a pas alors de différence entre imaginer et faire ; si je pense, il faut que je chante.(...)Le génie ne se connaît que dans l'oeuvre peinte, écrite ou chantée. (...)l' art ou la résistance de la chose se fait le plus fortement sentir, c'est l'architecture. Or ce n'est point le dernier venu ni l'élève; c'est le maître de presque tous et leur père. Au contraire l'art le plus libre, qui est la prose, est aussi le plus jeune, le plus tâtonnant, le plus trompeur de tous, surtout quand il exprime des sentiments, matière trop flexible. Il ne manque pourtant pas d'artistes qui maudiraient bien le marbre, et d'autres qui maudiraient le dictionnaire et la grammaire, comme si c'étaient de pauvres moyens pour les grandes choses qu'ils veulent représenter. C'est là l'erreur propre de l'imagination, et c'est ainsi que le romancier imagine l'artiste; mais le vrai artiste ne se meut pas longtemps dans ce genre de déclamation; il aime plutôt le métier et lui dit merci. heureux qui orne une pierre dure." Alain, système des beaux -arts, tel Gallimard, p 38-39
Dans ce texte, Alain distingue tout d’abord l’artiste de l’artisan. L’artisan est celui qui crée un artefact, il est un industriel dans le sens où l’idée de l’objet précède la création. L’artisan a déjà à l’esprit ce qu’il va construire de ses mains, on peut dire en quelque sorte que l’essence de l’objet précède son existence. Il n’y pas de création artistique car l’œuvre est connue de l’ouvrier avant que se dessiner sous ses yeux, il est l’artisan de Platon, il reproduit matériellement l’idée de l’objet. Il peut certes arriver que certains points apparaissent dans l’objets, détails qui eux n’étaient pas prévu et certes création spontanée est le propre de l’œuvre d’art. Cependant, l’artisan n’est pas artiste pour autant, ces détails inattendus, Alain les décrit comme des « éclairs » artistiques, ce qui ne fait pas de l’objet une œuvre d’art pour autant. L’artisan, par ses créations préétablis consciemment, s’oppose à l’artiste qui lui possède dans ses œuvres un caractère totalement spontané, l’œuvre d’art apparaît à l’artiste en même temps que sa construction.

« "Il reste à dire en quoi l'artiste diffère de l'artisan.

Toutes les fois que l'idée précède et règle l'exécution, c'est industrie.

Et encore est-il vrai que l'œuvre souvent, même dans l'industrie, redresse l'idée en ce sens que l'artisan trouve mieux qu'il n'avait pensé dès qu'il essaye ; en cela il est artiste, mais par éclairs.

Toujours est-il que la représentation d'une idée dans une chose, je dis même d'une idée bien définie comme le dessin d'une maison, est une oeuvre mécanique seulement, en ce sens qu'une machine bien réglée d'abord ferait l'œuvre à mille exemplaires. Pensons maintenant au travail du peintre de portrait ; il est clair qu'il ne peut avoir le projet de toutes les couleurs qu'il emploiera à l'œuvre qu'il commence ; l'idée lui vient à mesure qu'il fait ; il serait même rigoureux de dire que l'idée lui vient ensuite, comme au spectateur, et qu'il est spectateur aussi de son oeuvre en train de naître.

Et c'est là le propre de l'artiste.

Il faut que le génie ait la grâce de nature et s'étonne lui-même.

Un beau vers n'est pas d'abord en projet, et ensuite fait ; mais il se montre beau au poète ; et la belle statue se montre belle au sculpteur à mesure qu'il la fait ; et le portrait naît sous le pinceau.

La musique est ici le meilleur témoin, parce qu'il n'y a pas alors de différence entre imaginer et faire ; si je pense, il faut que je chante.(...)Le génie ne se connaît que dans l'œuvre peinte, écrite ou chantée. (...)l' art ou la résistance de la chose se fait le plus fortement sentir, c'est l'architecture.

Or ce n'est point le dernier venu ni l'élève; c'est le maître de presque tous et leur père.

Au contraire l'art le plus libre, qui est la prose, est aussi le plus jeune, le plus tâtonnant, le plus trompeur de tous, surtout quand il exprime des sentiments, matière trop flexible.

Il ne manque pourtant pas d'artistes qui maudiraient bien le marbre, et d'autres qui maudiraient le dictionnaire et la grammaire, comme si c'étaient de pauvres moyens pour les grandes choses qu'ils veulent représenter.

C'est là l'erreur propre de l'imagination, et c'est ainsi que le romancier imagine l'artiste; mais le vrai artiste ne se meut pas longtemps dans ce genre de déclamation; il aime plutôt le métier et lui dit merci.

heureux qui orne une pierre dure." Alain, système des beaux -arts, tel Gallimard, p 38-39 Explication du texte Dans ce texte, Alain distingue tout d'abord l'artiste de l'artisan.

L'artisan est celui qui crée un artefact, il est un industriel dans le sens où l'idée de l'objet précède la création.

L'artisan a déjà à l'esprit ce qu'il va construire de ses mains, on peut dire en quelque sorte que l'essence de l'objet précède son existence.

Il n'y pas de création artistique car l'œuvre est connue de l'ouvrier avant que se dessiner sous ses yeux, il est l'artisan de Platon, il reproduit matériellement l'idée de l'objet.

Il peut certes arriver que certains points apparaissent dans l'objets, détails qui eux n'étaient pas prévu et certes création spontanée est le propre de l'œuvre d'art.

Cependant, l'artisan n'est pas artiste pour autant, ces détails inattendus, Alain les décrit comme des « éclairs » artistiques, ce qui ne fait pas de l'objet une œuvre d'art pour autant.

L'artisan, par ses créations préétablis consciemment, s'oppose à l'artiste qui lui possède dans ses œuvres un caractère totalement spontané, l'œuvre d'art apparaît à l'artiste en même temps que sa construction. Pour Alain, l'artiste lui même ne sait pas à quoi ressemblera sa création avant que par sa main elle ne s'achève.

Elle n'a pas de préexistence dans l'esprit de l'artiste, elle est unique et contrairement à l'objet industriel elle ne pourrait être reproduite par aucune machine car les règles de sa construction ne sont même définies dans l'esprit de son créateur.

L'art n'est pas mécanique, l'œuvre d'art est sa propre fin.

L'artiste découvre son œuvre d'art en même temps qu'il la crée.

Pour Alain, l'artiste est doué de nature, c'est à dire qu'il ne peut rationaliser sa création, ni même son processus, son œuvre lui échappe, c'est le génie artistique d'Hegel qu'Alain met ici en évidence.

On ne peut l'apprendre, on ne peut le penser ni même le prévoir, tout le contraire de l'artisan qui ne fait que reproduire un objet prévu d'avance.

L'artiste devient l'outil par lequel son génie s'exprime, il ne prévoit rien, il contemple son œuvre se créer sous ses yeux.

Le seul témoignage que l'on ait de ce génie, c'est l'œuvre d'art. De plus pour l'artiste, le véritable artiste, l'art ne doit pas sa valeur au matériau qu'il utilise.

L'artiste peut se tromper lorsqu'il tente de concevoir l'essence de l'art.

En effet, la poésie qui relève uniquement de la pensée peut paraître comme l'art absolu, seul l'esprit de l'artiste est pris en compte, or la véritable prouesse artistique ne se trouve pas dans l'objet concret mais dans le concept, il n'y a pas d'art vulgaire, ni d'art facile seul le métier d'artiste compte.

Ainsi, l'architecte, celui qui doit faire sortir l'œuvre en puissance présente dans le marbre, il possède la contrainte d'appliquer son génie à un matériau rustre, contrairement à la prose qui, sous ses apparences de liberté, est en fait jonchée de difficulté car génie et passions peuvent se confondre.

C'est dans la maîtrise de son génie, dans sa capacité de distinguer talent artistique et expression sentimentale que l'artiste dévoile son essence. L'important, ce n'est pas, pour Alain, le support de l'œuvre d'art mais l'amour de l'artiste pour son art , son « métier ». On pourrait de là, discuter ce concept de génie.

En effet, même si l'artiste et l'artisan se distingue en différents points, on ne peut renier l'utilité de la maîtrise d'une technique pour créer une œuvre d'art, au delà du génie, la technique est indispensable, personne ne peut s'improviser peintre sans avoir diverses techniques universelles et répétitives pour pouvoir ensuite exprimer son art.

De plus, l'artiste qui crée n'a t il pas une idée approximative de son œuvre avant que de là créer, La Joconde n'a t elle pas été basée sur un modèle vivant avant que d'être recréée artistiquement? Si le génie est le seul guide de la création artistique, l'artiste ne perd il pas son statut créateur au profit d'un statut d'outil artistique? Si l'artiste découvre son œuvre après sa création, quelle est la limite de l'intervention de l'artiste dans celle-ci?. »

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