Aimer son travail, est-ce toujours travailler ?
Extrait du document
«
[Aimer son travail permet à l'homme de le faire
avec plaisir, mais cela ne change en rien le fait qu'il travaille.
Le travail est l'activité fondamentale de
l'homme, celle qu'il déploie contre la nature pour assurer ses besoins vitaux.
Le fait qu'un homme aime
son travail ne modifie en rien la nature de l'activité.]
Qu'est-ce, en réalité, que le travail?
Le travail, c'est l'activité par laquelle l'homme transforme la nature et se transforme lui-même.
Dans le «
Capital », Marx montre comment, dans cet acte, l'homme joue à l'égard de la nature le rôle d'une puissance
naturelle.
Pour s'assimiler les matières « en leur donnant une forme utile à la vie », l'homme use des forces
dont son corps est doué : bras et jambes, tête et mains.
Par là il s'agit comme tous les êtres vivants.
Cette
activité purement naturelle ne peut être définie comme un travail.
En fait, le travail humain se différencie d'abord de la simple transformation naturelle ou encore de la prise de
possession de moyens de subsistance tout trouvés (la cueillette des fruits par exemple) par l'utilisation de
l'outil.
Je travaille quand mon activité produit quelque chose, me permet d'assurer ma subsistance et fait que je me
réalise pleinement en tant qu'homme.
Rien n'interdit à une telle activité d'être aimable.
«Le travail est de prime abord un acte qui se passe entre l'homme et la
nature.
L'homme y joue lui-même vis-à-vis de la nature le rôle d'une
puissance naturelle.
Les forces dont son corps est doué, bras et
jambes, tête et mains, il les met en mouvement, afin de s'assimiler des
matières en leur donnant une forme utile à sa vie.
En même temps qu'il
agit par ce mouvement sur la nature extérieure et la modifie, il modifie
sa propre nature, et développe les facultés qui y sommeillent.
Nous ne
nous arrêterons pas à cet état primordial du travail, où il n'a pas encore
dépouillé son mode purement instinctif.
Notre point de départ c'est le
travail sous une forme qui appartient exclusivement à l'homme.
Une
araignée fait des opérations qui ressemblent à celles du tisserand, et
l'abeille confond par la structure de ses cellules de cire l'habileté de plus
d'un architecte.
Mais ce qui distingue dès l'abord le plus mauvais
architecte de l'abeille la plus experte, c'est qu'il a construit la cellule
dans sa tête avant de la construire dans sa ruche.
Le résultat auquel le
travail aboutit, préexiste idéalement dans l'imagination du travailleur.
Ce
n'est pas qu'il opère seulement un changement de forme dans les
matières naturelles ; il y réalise du même coup son propre but dont il a
conscience, qui détermine comme loi son mode d'action, et auquel il
doit subordonner sa volonté.
Et cette subordination n'est pas
momentanée.
L'oeuvre exige pendant toute sa durée, outre l'effort des
organes qui agissent, une attention soutenue, laquelle ne peut ellemême résulter que d'une tension constante de la volonté.
Elle l'exige d'autant plus que, par son objet et son
mode d'exécution, le travail entraîne moins le travailleur, qu'il se fait moins sentir à lui, comme le libre jeu de
ses forces corporelles et intellectuelles ; en un mot qu'il est moins attrayant.
»
Marx, « Le Capital »,I, 3ième section, chapitre 7.
Les premières lignes du texte soulignent le caractère formateur du travail pour l'humanité.
En produisant ses
conditions de vie, l'homme se produit lui-même, il devient véritablement humain.
Marx définit ensuite le travail, en le comparant à l'activité animale.
Si le travail humain s'en distingue, ce n'est pas par la qualité du produit
(les cellules de l'abeilles sont parfaites) mais par la nature de l'activité elle-même.
Le travail est ne transformation consciente de la nature.
Autrement dit travailler suppose l'existence préalable d'un projet à réaliser.
Il en résulte premièrement que le produit du travail est
l'extériorisation ou l'objectivation d'une intention humaine ; deuxièmement que c'est une intention qui impose au travailleur les gestes à
accomplir et les techniques à utiliser.
L'existence d'un projet contraint le travailleur.
Il n'agit pas au hasard mais pour réaliser ce qu'il a dans la tête.
Ses forces intellectuelles et corporelles ne sont pas mises en oeuvre librement, mais dans un but déterminé.
C'est en ce sens que le travail n'est pas « attrayant ».
Et parce qu'il n'est pas attrayant et aussi parce qu'il
prend du temps, le travail implique un effort de la volonté.
Le travail n'est pas une malédiction.
»
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