Aimer, est ce la même chose qu'etre amoureux ?
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«
Le substantif « amour » (qui vient du latin « amor ») est largement polysémique.
Il évoque l'attachement affectif,
allant du degré le plus faible jusqu'à l'exclusivité, d'un sujet à des objets qui peuvent être variés.
Un individu peut
aimer une chose, une activité, une abstraction : le jardinage, la musique, Dieu (s'il est croyant) ou sa patrie ; il peut
ressentir de l'amour pour un ou plusieurs individus : lui-même (« amour propre » ou « amour de soi »), un autre ou sa
famille toute entière par exemple.
On parle également de « l'amour » pour qualifier la sexualité dans son ensemble ou
pour évoquer l'acte sexuel, auquel cas on dit « faire l'amour ».
Empédocle, philosophe présocratique, conscient de la
richesse du terme, parlait déjà de l'amour en terme d'« affinité universelle » ayant part dans un ordre cosmologique
(ordre selon lequel le monde est organisé), en opposition avec un principe de désordre.
Il existe en français deux
verbes relatifs à l'amour : aimer et être amoureux (dérivés tous deux du latin « amare »).
« Être amoureux » est
toujours relatif à un individu, on est amoureux de quelqu'un (certes il arrive d'entendre quelqu'un dire qu'il est
amoureux de quelque chose, mais il s'agit toujours d'une métaphore, par exemple, Kant[1] écrit que les philosophes
« sont toujours amoureux d'un savoir qui puisse leur faire connaître cette essence éternelle qui n'est point soumise
aux vicissitudes de la génération et de la corruption ») ; tout comme on peut d'ailleurs dire que l'on aime
quelqu'un.
Si l'on envisage les différentes acceptions du verbe aimer, on comprend donc aisément qu'aimer et être
amoureux n'aient pas le même sens.
Mais lorsqu'il s'agit d'un amour dirigé vers un individu, la différence entre les
deux termes fait problème.
Pourquoi précise-t-on que l'on est amoureux de quelqu'un lorsqu'on pourrait se contenter
de dire qu'on l'aime ?Aimer quelqu'un, est-ce la même chose qu'en être amoureux? Comment différencier les
termes « aimer quelqu'un » et « être amoureux de quelqu'un » ?
I.
Être amoureux relève de la passion, on ne choisit pas d'être amoureux, comme le
souligne la forme passive du verbe, tandis qu'on choisit d'aimer, en ce sens, on peut dire avec le
psychanalyste Jacques Lacan qu'« aimer, c'est essentiellement vouloir être aimé ».
II.
Aimer et être aimés relèvent pourtant de la même erreur, il s'agit dans les deux cas
d'une illusion, nul n'aime ni n'est réellement aimé de qui que ce soit (comme nous venons de le
voir), seules les qualités des gens sont aimables, comme le souligne le romancier Proust : « celui qui
aime quelqu'un à cause de sa beauté l'aime-t-il ? Non, car la petite vérole qui tuera la beauté sans tuer
la personne fera qu'il ne l'aimera plus.
Et si on m'aime pour mon jugement, pour ma mémoire, m'aime-t-on
moi? Non, car je puis perdre ces qualités sans me perdre moi-même (...).
On n'aime personne que pour
des qualités empruntées.
» Pascal, Pensées, 1670.
« Mon amour pour Albertine n'a été qu'une forme
passagère de ma dévotion à la jeunesse.
Nous croyons aimer une jeune fille et nous n'aimons, hélas, en
elle que cette aurore dont son visage reflète momentanément la rougeur.
»
III.
Être amoureux intervient après que l'on soit « tombé amoureux », c'est-à-dire « tombé en
amour », qu'une passion momentanée nous ait saisi, mais il est possible de cultiver un sentiment
d'attachement qui ne relève pas du désir (l'expérience nous apprend que de nombreuses personnes se
rencontrent puis passent le reste de leur vie ensemble en dépit des dégâts physiques et psychologiques
causés par le temps, en dépit de la perte des « qualités » de l'autre.).
Celui qui apprécie profondément et
durablement la présence qu'une autre personne l'« aime » mais n'est plus forcément sous le joug d'une
passion, bien que les deux sentiments ne soient pas incompatibles.
[1] Critique de la raison pure, 1781.
»
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