Ai-je besoin d’autrui ?
Extrait du document
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VOCABULAIRE:
AUTRE / AUTRUI : 1) Comme Adjectif, différent, dissemblable.
2) comme Nom, toute conscience qui n'est pas moi.
3) Autrui: Tout
homme par rapport à moi, alter ego: "Autrui, c'est l'autre, c'est-à-dire ce moi (ego) qui n'est pas moi (alter)." (Sartre).
Les autres
hommes, mon prochain.
C'est à la fois l'autre et le même (mon semblable, un moi autre, une personne).
BESOIN: Ce qui est nécessaire à l'existence, à la conservation ou au développement d'un être vivant.
En dehors des besoins strictement vitaux (boire, manger, dormir), on peut identifier chez l'homme des besoins spirituels et moraux
(aimer, être aimé, être reconnu, etc.) dont semble dépendre son épanouissement.
Égoïsme : vouloir être seul
À proximité d'autrui, nous changeons souvent notre comportement, pour suivre les règles de vie en communauté.
Parfois même, nous
désirons éviter son regard qui nous gêne.
Cela nous porte à croire qu'autrui nous empêche d'être nous-mêmes : il serait l'obstacle
dressé entre soi et soi.
L'égoïsme naturel de l'homme le porte à fuir ses semblables.
Sociabilité : vouloir être avec les autres
Pourtant la présence d'autrui nous apporte beaucoup.
En effet, nous pouvons coopérer et nous organiser pour améliorer notre vie
commune : partager notre travail, mais aussi nos plaisirs et nos peines (amitié et amour).
Le rapport à autrui semble porter les
conditions du bonheur.
La réponse de Deleuze
En perdant autrui, je perds le monde
" Autrui comme structure, c'est l'expression d'un monde possible.
" Gilles Deleuze, Logique du sens (1969), Appendice IV.
Problématique
Que perd-on vraiment en perdant tout rapport avec autrui ? Peut-on vivre sans autrui ? Autrui nous apporte-t-il quelque chose
d'absolument essentiel ?
Explication
Seul au monde
Deleuze commente le roman de Tournier, Vendredi ou les Limbes du Pacifique (1967), qui imagine un naufragé coupé de tout rapport à
autrui.
En montrant ce que nous enlève l'absence d'autrui, on mesure tout ce que sa présence nous apporte.
Dans sa solitude,
Robinson ne parvient plus à imaginer d'autres points de vue que le sien.
Mais alors, il ne sait plus si ce qu'il ne voit pas existe (la
colline a-t-elle vraiment un autre versant ?), ni même si ce qu'il voit existe (la colline ne serait-elle pas un mirage ?).
Bref, sans autrui,
la vie n'est qu'un songe.
Autrui structure ma perception
Deleuze en déduit que c'est autrui qui me permet d'organiser mes perceptions entre elles, de leur donner une certaine cohérence et
une certaine crédibilité.
Autrui est une certaine manière d'organiser mon champ perceptif, de le structurer et de lui donner une
objectivité.
Sans autrui, le monde perd toute objectivité.
Autrui est la réalité du possible
Mais autrui me découvre aussi ce que peut être le monde.
Son visage effrayé me permet de me rendre compte que le monde peut
aussi être effrayant.
Le visage d'autrui rend réelles des possibilités dont je n'avais pas conscience : « C'était cela autrui : un possible
qui s'acharne à passer pour réel.
»
Débat et enjeu
Faut-il penser tout seul ?
Deleuze voit dans autrui une voie d'accès au réel.
Nous retrouvons ici une vieille idée de la philosophie, qui fait du dialogue ou de la
confrontation des points de vue le chemin même de la vérité.
Mais cette idée est débattue.
Pour Descartes, notamment, la voie d'accès
au vrai exige au contraire un repli sur soi (se couper du monde et d'autrui), car il faut décider de douter de tout, même de l'existence
d'autrui.
« Ô, mon beau miroir »
Mais d'où vient ce désir de se passer d'autrui ? Le poète latin Ovide nous rapporte l'histoire de Narcisse estimé par tous d'une rare
beauté.
Apercevant un jour son propre reflet dans l'eau, il tomba amoureux de son image, restant jour après jour auprès de son reflet,
ne se souciant même plus de se nourrir, jusqu'à ce que son coeur cesse de battre.
Le narcissisme semble bien représenter la tentative
de se passer d'autrui dans la vie affective.
Mais Freud explique cet excessif amour de soi par l'intériorisation de l'amour de la mère
pour son enfant : le narcissique a en réalité besoin de l'amour de sa mère (donc d'autrui) pour pouvoir s'aimer..
»
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