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Agir selon sa fantaisie est-ce agir librement ?

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La fantaisie désigne le caprice arbitraire de l'imagination et des désirs qui sont propres à chacun. La liberté désigne la capacité de faire ce que l'on veut. Dans la mesure où la fantaisie désigne ce qui est le plus singulier en nous-mêmes, agir selon sa propre fantaisie ne consisterait à n'obéir qu'à soi, en l'absence de toute contrainte externe, et partant il ne pourrait y avoir d'action vraiment libre que gouvernée par la fantaisie. Cependant il n'est pas certain qu'obéir à l'arbitraire de ses désirs corresponde toujours à une action libre. Si nos caprices nous manipulent et nous fait désirer des choses contradictoires, nous sommes alors plus possédés par eux que nous ne les possédons. Par conséquent, si la fantaisie produit une part de notre aliénation, c'est-à-dire de notre soumission à autre chose qu'à nous-mêmes, il semble nécessaire que la fantaisie ne puisse être synonyme de liberté. Cependant le fait d'être gouverné par notre fantaisie ne peut correspondre absolument avec une perte de liberté. L y aurait en effet un sens créateur et fécond où notre fantaisie nous révèle le possible. Nous sommes alors confrontés à ce problème : l'action qui a son principe dans notre fantaisie nous permet-elle de faire ce que nous voulons ou bien est-elle au contraire l'instrument de notre aliénation ?

« Introduction : La fantaisie désigne le caprice arbitraire de l'imagination et des désirs qui sont propres à chacun.

La liberté désigne la capacité de faire ce que l'on veut. Dans la mesure où la fantaisie désigne ce qui est le plus singulier en nous-mêmes, agir selon sa propre fantaisie ne consisterait à n'obéir qu'à soi, en l'absence de toute contrainte externe, et partant il ne pourrait y avoir d'action vraiment libre que gouvernée par la fantaisie.

C ependant il n'est pas certain qu'obéir à l'arbitraire de ses désirs corresponde toujours à une action libre.

Si nos caprices nous manipulent et nous fait désirer des choses contradictoires, nous sommes alors plus possédés par eux que nous ne les possédons.

P ar conséquent, si la fantaisie produit une part de notre aliénation, c'est-à-dire de notre soumission à autre chose qu'à nous-mêmes, il semble nécessaire que la fantaisie ne puisse être synonyme de liberté.

C ependant le fait d'être gouverné par notre fantaisie ne peut correspondre absolument avec une perte de liberté.

L y aurait en effet un sens créateur et fécond où notre fantaisie nous révèle le possible.

Nous sommes alors confrontés à ce problème : l'action qui a son principe dans notre fantaisie nous permet-elle de faire ce que nous voulons ou bien est-elle au contraire l'instrument de notre aliénation ? I Agir selon sa fantaisie, c'est agir librement _ La fantaisie désigne la partie la plus capricieuse de l'imagination en l'homme.

A ussi en tant qu'elle se différencie selon les individus, elle aura tendance à exprimer la part la plus singulière de notre être.

Un être se distingue en effet des autres par ce qu'il y a d'étrange dans ses goûts et dans sa conduite.

Or si la liberté consiste à faire ce que l'on veut et que la fantaisie désigne la part irréductible de notre singularité, agir selon sa fantaisie ne peut être qu'agir librement.

En effet lorsque c'est notre fantaisie qui nous gouverne, nous laissons opérer au principe de notre action ce qui est le plus nous en nous-mêmes. La singularité de nos goûts nous permet de réaliser pleinement ce que nous sommes, comme le montre l'exemple de Lord henry dans le Portrait de Dorian Gray d'oscar Wilde : le dandy est celui qui se laisse tout entier guidé par sa seule fantaisie et refuse de faire entrer dans le principe de ses actions rien de ce qui n'est pas elle comme les préjugés et les conventions d'une société. _ Si une action est libre lorsque elle accomplit c e que j'ai décidé, elle l'est également en tant qu'elle peut s'accomplir.

O r la condition de son accomplissement est la conformité de cette action avec le réel sur lequel elle s'applique.

Si l'on examine le réel, ne voit-on pas qu'il est lui-même traversé par l'inconstance capricieuse qui caractérise la fantaisie ? C omme le soutient M ontaigne dans ses Essais, au chapitre IX de son livre III : « la vie est un mouvement matériel et corporel; action imparfaite de sa propre essence et déréglée, je m'emploie à la servir selon elle ».

A insi si la vie est elle-même fantaisiste, accomplir une action libre au sein du réel ne pourra se faire qu'en s'employant à servir la vie selon elle, c'est-à-dire en agissant selon la fantaisie.

Par conséquent agir selon sa fantaisie, ce serait agir librement. C ependant la fantaisie consiste en caprices arbitraires de nos désirs qui obéissent aux impulsions du moment : en tant qu'elle nous rive à ce qui n'est pas nous-mêmes, la fantaisie n'est-elle pas source d'aliénation ? II La fantaisie source d'aliénation et d'impuissance _ La fantaisie n'est pas seulement ce qui est le plus singulier en nous-mêmes, elle est aussi le principe de notre intempérance.

Être intempérant consiste à vouloir satisfaire tous les désirs que la fantaisie imaginative nous propose comme buts.

O r en tant que la fantaisie est en perpétuelle mouvement, elle nous fait désirer à la fois toutes choses et son contraire.

Si nous voulons satisfaire tous nos désirs que nos désirs sont contradictoires entre eux, il y a fort à parier que nous serons malheureux.

C 'est ce que soutient Épicure dans la Lettre à Ménécée : « ce ne sont pas les beuveries et les orgies continuelles, les jouissances es jeunes garçons et des femmes, les poisons et les autres mets qu'offre une table luxueuse qui engendrent la vie heureuse ».

En tant que la fantaisie nous fait désirer des désirs qui ne peuvent être satisfaits, elle nous enferment dans des actions qui, en plus de nous aliéner, ne peuvent que nous rendre malheureux.

En effet désirer des désirs contradictoires, c'est nécessairement se condamner à des caprices sources de malheur. _ S i l a fantaisie nous trompe sur les objets à désirer, elle a également une action sur le désir lui-même.

La fantaisie rend la volonté inconstante. L'inconstance désigne l'incapacité d'un être à préserver une certaine permanence dans sa volonté.; ce qui assimile la fantaisie au caprice.

Or si la liberté consiste à faire ce que l'on veut, la liberté n'a d'effectivité que si l'on prend une décision à laquelle on se tient avec constance.

Par opposition, la fantaisie nous enlève toute constance en nous rivant à nos désirs du moment.

C e que nous voulions à un instant, nous ne le voulons plus, l'instant précédent et ce que nous désirions avec ardeur nous dégoûte à présent.

L'irrésolution est, comme le soutient Descartes dans la deuxième maxime de sa morale par provision au sein de la troisième partie du Discours de la Méthode, le plus grand mal dans la mesure où il nous fait regretter ce que nous venons de faire et nous empêche d'agir par peur de s'en repentir par après.

A insi agir selon notre fantaisie, c'est nous condamner à ne jamais rien achever, ou plutôt à ne jamais rien vouloir vraiment, mais à nous borner à désirer.

Si le désir n'est tendu que vers la fin, la volonté veut la fin en même temps que les moyens.

La fantaisie de mon désir me donnent comme fin toutes les femmes et toutes les vies possibles, la volonté plus sérieuse me donne une seule fin et la voie par laquelle je peux l'atteindre.

Ainsi si la fantaisie ne se préoccupe pas des moyens, elle ne donne lieu qu'à une agitation qu'il ne faut pas confondre avec une action véritable. C ependant la fantaisie ne peut être absolument confondue avec cette source de l'aliénation de l'intempérance et de l'inconstance, n'a-t-elle pas aussi une fonction positive au service de la liberté ? III La fantaisie comme imagination créatrice _ La fantaisie ne se confond pas avec une liberté sans entraves qui serait si évasive et si confuse qu'elle finirait par s'évanouir dans les airs comme une brume informe.

En fait la fantaisie, est d'abord et avant tout une acception de l'imagination : la « phantasia » est la faculté des images dans l'être humain.

O r l'imagination se distingue en deux parties : l'imagination reproductrice et l'imagination créatrice.

L'imagination reproductrice se contente de reprendre les éléments de la perception et les assembler.

Par opposition l'imagination créatrice n'est pas tant la faculté de former des images que de déformer les images fournies par la perception.

Cette déformation permet une libération du donné immédiat.

Or si une action n'est libre ue lorsque qu'elle accomplit ce que ma volonté à décidé en empruntant les moyens découverts par cette dernière, la fantaisie joue également un rôle important dans l'action libre.

En effet, pour vouloir, il faut d'abord se représenter quelque chose à vouloir au-delà de ce qui est immédiatement donné.

Si nous n'avions que la volonté, nous aurions tous les instruments opératoires pour accomplir l'action sans avoir aucune action à vouloir.

C e qui est au-delà du donné, est ce qui n'est pas encore, mais ce qui pourrait être. _ Le possible est ce qui n'est pas encore, mais ce qui pourrait être.

La fantaisie permet, en se séparant du donné immédiat de la perception, de nous représenter du possible.

A utrement dit, la fantaisie nous empêche d'être paralysé, et nous permet de penser des horizons qui n'existent pas encore sous la forme de possibles que notre volonté et notre action auront pour charge de réaliser.

Nous pouvons alors soutenir avec Bachelard dans l'introduction à l'Air et les Songes que la fantaisie est un principe de prospection : « par l'imagination, nous abandonnons le cours ordinaire des choses.

P ercevoir et imaginer sont aussi anthétiques que présence et absence.

Imaginer, c'est s'absenter, c'est s'élancer vers une vie nouvelle ».

P ar l'imagination créatrice de la fantaisie, nous nous représentons une vie qui n'est pas encore la nôtre, mais qui peut le devenir si nous le voulons vraiment.

P ar conséquent, si la fantaisie peut être aliénante lorsque elle est au principe de l'action, sa fonction est nécessaire pour permettre une action vraiment libre, c'est-à-dire une action ouverte aux possibles. Conclusion : La fantaisie peut être source d'aliénation si à travers elle nous dissipons notre vie dans des désirs inconstants et contradictoires.

A ussi une action libre n'est pas une action dirigée par la fantaisie, mais plutôt par la volonté, faculté du sérieux qui permet à l'homme l'incarnation de son désir dans le réel. Néanmoins, si ce n'est que par le sérieux de la volonté que l'action advient, l'action vraiment libre se fonde avant son accomplissement sur la considération des possibles.

Or seule la fantaisie permet d'assurer cette fonction de prospection des possibles que la volonté sérieuse pourra féconder.

Si agi selon sa fantaisie ce n'est pas agir librement; agir librement suppose la considération de ce que nous révèle notre fantaisie.. »

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