Agir mal est-ce nier sa liberté ?
Extrait du document
«
D'une façon générale est libre en matière d'action le sujet qui, dans une situation donnée, peut agir ou agit
conformément à son jugement sur ce qu'il est bon de faire.
Le mal en matière d'action désigne tout ce qui est objet
de désapprobation et ce contre quoi l'homme doit lutter (le pêché, la faute, la cruauté, la violence).
Or qui ne
pourrait reprendre à son compte ces paroles d'Ovide : « Je vois le bien et je l'approuves, mais je fais le mal » ?
Faut-il voir dans ce paradoxe que l'action mauvaise résulte d'une libre détermination, ou au contraire d'une volonté
faible voire ignorante qui n'a pas su saisir où se situait son vrai bien ? Le mal est –il la conséquence de la liberté
humaine ou bien le signe que notre condition est soumise à des inclinations qui nous fait perdre la maîtrise de nousmêmes ?
La mauvaise action comme défaut de connaissance et imperfection
Platon affirmait au cours du Ménon que nul ne saurait agir mal volontairement, car tous les hommes désirent le bien.
En effet, désirer faire le mal ne saurait s'expliquer que par l'ignorance de celui qui désire et qui prend un mal pour un
bien.
Plus encore, il est impossible de concevoir que quelqu'un désire le mal tout en sachant que le mal lui fera du
tort et le rendra malheureux.
Par conséquent pour l'auteur : « Nul ne fait le mal volontairement ».
Le mal résulte
dans cette perspective d'un savoir erroné, si bien que si nous étions en mesure de dépasser cette ignorance et
d'avoir une opinion vraie, nous agirions toujours de manière vertueuse.
La vertu étant pour Platon une
connaissance.
Agir bien ou moralement est donc le fait d'une âme pleinement maître d'elle-même, puisqu'elle a
atteint la connaissance du bien et qu'il peut de ce fait l'accomplir.
Dans cette même perspective qui ramène le bien et le vrai à une connaissance, Descartes définira au cours de la
4ème méditations métaphysique (Des Méditations métaphysiques) la liberté comme la conséquence d'un acte
accompli en pleine connaissance du bien et du vrai.
A cet égard l'état où lequel je ne saurais me déterminer d'un
côté ou d'un autre atteste d'un défaut de connaissance et donc de liberté.
Il est signe davantage d'une
imperfection que d'une totale liberté.
Pour bien se déterminer dans la connaissance autant que dans l'action il faut
connaître.
Il écrit : « (…) Cette indifférence que je sens lorsque ne suis emporté vers un côté plutôt que vers un
autre par le poids d'aucune raison, est le plus bas degré de la liberté, et fait plutôt paraître un défaut dans la
connaissance qu'une perfection dans la volonté.
».
Le mal autant que l'erreur résulte d'un défaut de notre être,
tandis que si j'agis conformément au bien et au vrai j'agis de façon entièrement libre.
La puissance que nous vivons en nous-mêmes et qui vise la liberté n'est pas nécessairement celle de la passion
destructrice et violente.
Dans ses Méditations, Descartes reconnaît en lui sa volonté "si grande que je ne conçois
point l'idée d'aucune autre plus ample et plus étendue".
En cet infini pouvoir de la volonté que nous expérimentons
en nous-mêmes, il voit la marque et la ressemblance de Dieu.
La liberté humaine est infinie, à l'image de la puissance
infinie de notre volonté.
Il n'appartient qu'à nous d'affirmer ou de nier, de faire ou de ne pas faire, de poursuivre ou
de fuir tout ce que nous voulons.
La liberté n'est pas un état d'indifférence dans lequel je suis plongé lorsque toutes
les contraintes sont absentes — car en ce cas je ne choisis pas ou bien je choisis au hasard —, mais bien dans
l'acte volontaire par lequel je donne mon assentiment ou je le refuse.
Nous serons donc d'autant plus libres que nous
agirons en raison, c'est-à-dire en connaissance de cause.
Plus la connaissance des conséquences et des effets de
nos actes nous est claire, plus notre volonté trouve de facilité à s'exercer dans ses jugements.
Si la volonté est une
puissance infinie, la raison en est le seul guide pour la bien conduire.
L'action mauvaise comme résultat de notre liberté
Si le mal était inné à l'homme comme l'incite à penser la doctrine du péché
originel il serait aisé de conclure dés lors qu'il n'y a plus lieu de délibérer
puisque nous serions condamné à agir mal.
C'est donc que le mal ne fait
partie du donné mais qu'il est une réalité advenue.
Comme le dit Rousseau
dans La profession du Vicaire savoyard, Livre 4 de L'Emile : « Homme ne
cherche plus l'auteur du mal, cet auteur c'est toi-même.
Il n'existe point
d'autre mal que celui que tu fais, ou ce que tu souffres et l'un et l'autre te
viens de toi »
L'homme aurait tiré son mal de son innocence originelle, où solitaire et
indépendant il ne connaît ni la morale ni la raison, par sa seule perfectibilité.
Il
écrit à propos de la perfectibilité au cours du Discours sur l'origine et le
fondement des inégalités : « (…) faculté qui, à l'aide des circonstances
développe successivement toutes les autres, et réside parmi nous tant dans
l'espèce que dans l'individu, au lieu que l'animal est, au bout de quelques
mois, ce qu'il sera toute sa vie, et son espèce, au bout de mille ans ce qu'elle
était la première année de ces mille ans.(…) cette faculté distinctive, et
presque illimitée, est la source de tous les malheurs de l'homme ; que c'est
elle qui le tire, à force de temps, de cette condition originaire, dans laquelle il
coulerait des jours tranquilles et innocents, que c'est elle, qui faisant éclore
avec les siècles ses lumières et ses vertus, le rend à la longue le tyran de luimême, et de la Nature (…).
».
Si la perfectibilité est cette faculté qui
caractérise l'homme, autant dire que, sa condition n'est pas par avance
déterminée et donc que le mal qu'il fait est signe de sa liberté.
Le mal est la conséquence de la liberté humaine..
»
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