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A-t-on raison d'accuser la technique ?

Extrait du document

« 1.

L'inspiration mal inspirée Si la technique, me dis-je, semble présenter des inconvénients, sinon même des dangers, elle présente néanmoins des aspects positifs, des avantages certains.

Ma réflexion abordera donc les avantages de la technique tout en restant sensible à ses inconvénients... • «A-t-on raison d'accuser la technique?» DEMANDE-T-ON.

«Avoir raison », qu'est-ce? C'est ne pas avoir tort, au sens où je suis dans le vrai ou le juste.

D'où vient cette dernière précision? Probablement de ce que mon esprit se souvient de la suite de la question : on parle en effet, d'accuser.

Or, avec accusation, on a aussi coupable et jugement: l'accusé est-il coupable? Si oui, on fournit les preuves, sinon, quel est le vrai coupable? • On voit qu'il s'agit de rechercher un ou des coupables : la question des aspects positifs et négatifs, avantages et inconvénients de la technique, est donc totalement nulle et non avenue! 2.

Analyse méthodique et pistes de réflexion Encore une fois, il faut partir de l'énoncé et de son sous-entendu, à savoir : le fait est qu'on accuse la technique. Pour savoir si on a raison de le faire, voyons d'abord ce qui, à première vue, semble faire de la technique une excellente coupable. Après avoir examiné, non pas tant de quoi la technique serait coupable (effets) que, en quoi (en ses traits les plus caractéristiques) elle le serait, on peut, en un second temps, émettre réserves, nuances et objections essentiellement centrées sur la nature instrumentale de toute technique, demeurant – même complexe et sophistiquée – simple moyen, incapable en soi et par soi de proposer des fins et donner du sens. Où est alors, demandera-t-on dans un troisième temps, le vrai coupable? Qui ou qu'est-il? N'est-ce pas celui qui, à privilégier tel ou tel trait de la technique en vient à la caricature? N'est-ce pas celui qui, délaissant d'autres manières d'être, concentre sur elle trop d'idées, d'espoirs, de fantasmes mais aussi de révolte et de hargne? Bref, la technique prend les formes, les fins et le sens que veut bien lui assigner l'homme lui-même... [La technique en est venue à posséder l'homme, à le soumettre à ses exigences.

Depuis la naissance de l'industrialisation, elle est l'un des outils les plus efficaces de répression que possède la bourgeoisie.] La technique est inhumaine Zola a plus d'une fois décrit la machine comme une sorte de monstre broyant sans relâche les vies de ceux qui la servent.

Que l'on pense à Germinal par exemple.

Il n'est que de se référer aux premières chaînes de montage pour comprendre en quoi la technique, à mesure qu'elle augmente la production, réduit l'homme à n'être qu'un automate ignorant la finalité du geste qu'il répète à longueur de journée.

La division du travail qui s'est imposée avec le développement de la grande industrie, et qui caractérise encore aujourd'hui nombre d'entreprises a vu son utilité très vite contestée. Des premières manufactures aux usines modernes, la division technique du travail s'est en effet accentuée jusqu'à l'extrême parcellisation.

Tant que le travail est divisé en métiers différents, chaque homme de métier peut réaliser un produit dans son ensemble, et même s'il existe une coopération, chacun est capable d'accomplir toutes les tâches nécessaires à la réalisation du produit (au Moyen âge par exemple, la fin de l'apprentissage est symbolisée par la réalisation d'un chef-d'oeuvre).

Avec les manufactures cette capacité à réaliser le produit en entier se perd et, dans la grande industrie, avec le machinisme, elle disparaît totalement. A la fin du XVIII ième siècle, l'économiste Smith souligne l'accroissement de productivité apporté par la division du travail, telle qu'elle se développe dans les manufactures lors de la première révolution industrielle. « Prenons un exemple dans ne manufacture de la plus petite importance, mais où la division du travail s'est fait souvent remarquer : une manufacture d'épingles. Un homme qui ne serait pas façonné à ce genre d'ouvrage, dont la division du travail a fait un métier particulier, ni accoutumé à se servir des instruments qui y sont en usage, dont l'invention est probablement due encore à la division du travail –cet ouvrier, quelque adroit qu'il fût, pourrait peut-être à peine faire une épingle dans toute sa journée, et certainement il n'en ferait pas une vingtaine.

Mais de la manière dont cette industrie et maintenant conduite, non seulement l'ouvrage entier forme un métier particulier, mais même cet ouvrage est divisé en un grand nombre de branches, dont la plupart constituent autant de métiers particuliers.

Un ouvrier tire le fil à la bobine, un autre le dresse, un troisième coupe la dressée, un quatrième empointe, un cinquième est employé à émoudre le bout qui doit recevoir la tête.

Cette tête est elle-même. »

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