A-t-on raison d'accuser la technique ?
Extrait du document
«
L'expression " avoir raison " demande un questionnement sur la légitimité, possibilité, nécessité de l'accusation.
Ne
pas avoir raison serait par opposition se demander s'il n'est pas incohérent d'accuser la technique.
Pour quels
méfaits peut-on accuser la technique ? Accuser, est-ce dénoncer, condamner, ou garder une attitude critique ? La
technique est une application, un produit humain.
Pouvons-nous l'accuser alors que ce n'est pas elle qui se crée ?
Étant donné que c'est l'homme qui a créé la science et donc la technique, ne devrions- nous pas plutôt accuser
celui-ci ? On accuse souvent la technique d'un laisser-aller de l'homme (plus libre, il devient paresseux).
Est-ce de la
faute de l'homme ou de la technique ? Est ce que la technique, qui reste une application, un moyen de faire quelque
chose, peut être responsable de ce que fait l'homme ? L'accuser, n'est-ce pas une manière de se déculpabiliser (je
ne suis pas responsable des conséquences, même si je suis à l'origine de la technique) ? Avons-nous les moyens de
l'accuser : comment savoir ce qui est juste ou injuste au présent, comment connaître les conséquences à l'avance ?
[La technique en est venue à posséder l'homme,
à le soumettre à ses exigences.
Depuis la naissance
de l'industrialisation, elle est l'un des outils les plus efficaces
de répression que possède la bourgeoisie.]
La technique est inhumaine
Zola a plus d'une fois décrit la machine comme une sorte de monstre broyant sans relâche les vies de ceux qui
la servent.
Que l'on pense à Germinal par exemple.
Il n'est que de se référer aux premières chaînes de
montage pour comprendre en quoi la technique, à mesure qu'elle augmente la production, réduit l'homme à
n'être qu'un automate ignorant la finalité du geste qu'il répète à longueur de journée.
La division du travail qui
s'est imposée avec le développement de la grande industrie, et qui caractérise encore aujourd'hui nombre
d'entreprises a vu son utilité très vite contestée.
Des premières manufactures aux usines modernes, la division technique du travail s'est en effet accentuée
jusqu'à l'extrême parcellisation.
Tant que le travail est divisé en métiers différents, chaque homme de métier
peut réaliser un produit dans son ensemble, et même s'il existe une coopération, chacun est capable
d'accomplir toutes les tâches nécessaires à la réalisation du produit (au Moyen âge par exemple, la fin de
l'apprentissage est symbolisée par la réalisation d'un chef-d'oeuvre).
Avec les manufactures cette capacité à
réaliser le produit en entier se perd et, dans la grande industrie, avec le machinisme, elle disparaît totalement.
A la fin du XVIII ième siècle, l'économiste Smith souligne l'accroissement de
productivité apporté par la division du travail, telle qu'elle se développe dans les
manufactures lors de la première révolution industrielle.
« Prenons un exemple dans ne manufacture de la plus petite importance, mais où
la division du travail s'est fait souvent remarquer : une manufacture d'épingles.
Un homme qui ne serait pas façonné à ce genre d'ouvrage, dont la division du
travail a fait un métier particulier, ni accoutumé à se servir des instruments qui y
sont en usage, dont l'invention est probablement due encore à la division du travail
–cet ouvrier, quelque adroit qu'il fût, pourrait peut-être à peine faire une épingle
dans toute sa journée, et certainement il n'en ferait pas une vingtaine.
Mais de la
manière dont cette industrie et maintenant conduite, non seulement l'ouvrage
entier forme un métier particulier, mais même cet ouvrage est divisé en un grand
nombre de branches, dont la plupart constituent autant de métiers particuliers.
Un ouvrier tire le fil à la bobine, un autre le dresse, un troisième coupe la dressée,
un quatrième empointe, un cinquième est employé à émoudre le bout qui doit
recevoir la tête.
Cette tête est elle-même l'objet de deux ou trois opérations
séparées : la frapper est une besogne particulière ; blanchir les épingles en est
une autre ; c'est même un métier distinct et séparé que de piquer les papiers et
d'y bouter les épingles ; enfin l'important travail de faire une épingle est divisé en
dix-huit opérations distinctes ou à peu près qui, dans certaines fabriques sont
remplies par autant de mains différentes, quoique dans d'autres le même ouvrier en
remplisse deux ou trois.
J'ai vu une petite manufacture de ce genre qui n'employait
que dix ouvriers, et où , par conséquent, quelqu'uns d'eux étaient chargés de
deux ou trois opérations.
Mais quoique la fabrique fût fort pauvre et pour cette.
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