A-T-ON RAISON D'ACCUSER LA TECHNIQUE ?
Extrait du document
«
INTRODUCTION
La technique désigne un ensemble de procédés qui permet de réaliser un but, mais il ne définit pas ce but.
C'est
l'homme qui le définit.
Est-il alors logique de rendre responsable la technique des maux dont souffrent les hommes (la
pollution, par exemple) ou n'est-ce-pas plutôt l'utilisation de la technique qui est ici en cause ?
I.
La technique : efficace et neutre ?
• C'est une activité qui permet à l'homme de survivre.
Elle est donc vitale (cf.
le mythe de Prométhée dans le
Protagoras de Platon).
• Prolongement de la nature (« le corps est le premier et le plus naturel instrument de l'homme » écrit Marcel Mauss
en 1934 reprenant l'idée aristotélicienne de la main, outil à fabriquer des outils), la technique devient vite la marque
propre de la culture humaine.
Par la technique, l'homme se rend « maître et possesseur de la nature » (Descartes).
L'histoire de la technique est l'histoire de la maîtrise croissante de l'homme sur son environnement qu'il modifie
radicalement.
C'est à partir du xviiie siècle que cette transformation va interroger l'homme.
• Ainsi, avec la première révolution industrielle et la naissance de la machine-outil, les rapports de l'homme et de son
travail vont se trouver bouleversés.
Jusqu'alors, l'artisan, le producteur des biens matériels nécessaires à chacun,
avait une emprise totale sur l'objet produit, sur la transformation qu'il imposait à la matière.
Désormais, ce contrôle
va se fragmenter, tout comme le travail qui se dépersonnalise.
La technique, avec l'hyperspécialisation d'aujourd'hui,
est de plus en plus aliénante et contraignante.
L'homme, «maître et possesseur de la nature », semble
paradoxalement devenu prisonnier de la technique.
II.
La technique vise l'intérêt
• La technique a donc permis à l'homme de maîtriser son environnement.
On accuse pourtant aujourd'hui la
technique : accidents dans les centrales nucléaires, épuisement des ressources énergétiques de la planète,
chômage, troubles sociaux...
La technique, élément de la culture humaine, serait en quelque sorte hors de la
culture, l'homme ne pouvant plus contrôler ses effets.
Si nous n'en sommes pas encore à la révolte généralisée
contre la technique, au moins nous en méfions-nous.
• Kant a mis l'accent sur les dangers d'un pur apprentissage technique qui privilégie l'acquisition d'un savoir-faire
certain et l'emploi des moyens nécessaires pour atteindre le but à réaliser, mais qui néglige trop souvent la formation
du jugement et la réflexion sur la valeur des fins poursuivies.
Les impératifs techniques sont des impératifs
hypothétiques : ils sont au service de l'intérêt.
Ils ne disent rien sur la valeur du but visé.
« Il ne s'agit pas de savoir
si le but qu'on se propose est raisonnable et bon, mais de déterminer ce qu'il faut faire pour l'atteindre.
» (Kant,
Fondements de la métaphysique des moeurs).
La technique fait abstraction de la conscience morale.
• La technique est bien efficace mais elle n'est pas neutre.
Elle ne pose pas le problème des fins mais elle n'en
véhicule pas moins dans ses visées, dans ses méthodes, des partis pris et des intérêts (pourquoi par exemple avoir
parié sur le tout nucléaire ? pourquoi développer le génie génétique ?).
La technique est toujours au service de
l'homme et des idéologies dominantes.
III.
La technique comme nouvelle idéologie
• Il existe donc des dangers réels.
Mais est-ce parce que les hommes utilisent mal la technique (en ce cas celle-ci
serait neutre) ou la destruction de l'homme est-elle inscrite au coeur du désir de connaître ? « La rationalité
technique et scientifique et l'exploitation de l'homme sont liées l'une à l'autre dans des formes nouvelles de contrôle
social » (H.
Marcuse, L'Homme unidimensionnel).
• La technique, comme la science, représente la nouvelle idéologie.
« De par les conséquences socioculturelles
imprévues du progrès technique, l'espèce humaine s'est elle-même mise au défi non seulement de provoquer la
destinée sociale qui est la sienne, mais encore d'apprendre à la maîtriser.
Et il n'est pas possible de relever ce défi
lancé par la technique avec les seules ressources de la technique.
Il s'agit bien plutôt d'engager une discussion,
débouchant sur des conséquences politiques, qui mette en rapport de façon rationnelle et obligatoire le potentiel
dont la société dispose en matière de savoir et pouvoir techniques avec notre savoir et notre vouloir pratique.
»
(Jürgen Habermas, La Technique et la science comme idéologie.)
CONCLUSION
La technique, aujourd'hui, est un moyen de domination non seulement sur la nature mais sur les hommes euxmêmes.
Il ne faut pas oublier que « l'homme est plus grand que sa tâche» (G.
Friedmann) et qu'il est toujours
dangereux de réussir sans comprendre..
»
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